Courrier des lecteurs

Se souvenir

Publié le 02/06/2023
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Le 20 juillet 2001, le Dr Pascal Baracco était abattu à son cabinet de Neuilly sur Seine. Il avait 48 ans. Je le connaissais de la Fondation A. de Rothschild où iI exerçait l’ophtalmologie.

Depuis 10 ans, il subissait les agressions d’un patient qu’il avait opéré à la suite d’un traumatisme de la circulation et chez qui une énucléation avait dû être effectuée.

Ce patient n’avait jamais accepté sa prothèse oculaire et venait l'agresser à sa consultation hospitalière : un agent de sécurité avait été mis en place pour le protéger.

Le Dr Baracco a porté plainte, déposé des mains courantes, ce qui n’a fait que décupler les agressions de ce patient.

Il recevait des appels téléphoniques jour et nuit, avec des menaces très violentes. Sa vie professionnelle et familiale était devenue invivable et, devant l’augmentation des menaces et des intimidations, il avait fini par retirer ses plaintes.

La veille de cette tragédie je l’ai rencontré, il était « à bout » en me disant qu’au bout de 10 ans d’enfer cette histoire se terminerait avec sa mort.

À 18 heures, il a été abattu au revolver alors qu’il raccompagnait une jeune malade et son père à la porte de son cabinet.

Le patient a été retrouvé quelques jours plus tard dans un appartement où il s’était donné la mort. Cet homme avait un passé psychiatrique et avait été a maintes fois hospitalisé.

Une réunion à la mairie de Neuilly-sur-Seine où le drame s’est produit a conclu que rien ne pouvait prévenir cet acte car cet homme n’avait jamais commis de délits et qu’aucune sanction ne pouvait être prise à son encontre avant son passage à l’acte. Le commissaire de police m’avait également déclaré à la suite de cet acte de barbarie que la seule chose qu’il aurait fallu faire pendant toutes ces années était d’éliminer cet homme car il n'existait aucun moyen légal contre lui !

Vingt ans après

Les violences envers les personnels de santé se multiplient entraînant des troubles psychologiques profonds et des arrêts définitifs de leur profession. Il faut que les autorités se mobilisent très rapidement afin que ces agressions s’arrêtent. Malheureusement, les lois semblent peu efficaces pour enrayer cette violence.

Seul le respect envers les soignants pourrait enrayer ce phénomène mais la gratuité des soins donne une obligation de guérison avec une exigence de plus en plus importante de la part de nos malades.

La médecine reste un art empirique : le suivi, l’écoute, les explications et le dialogue restent les seules armes que nous possédons pour freiner ce climat de violence ; mais les rythmes de travail et le manque cruel de médecins et de soignants rendent cet exercice de plus en plus difficile.

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Dr Hervé Gompel Hépatogastroentérologue, à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)

Source : Le Quotidien du médecin