Courrier des lecteurs

Une équation impossible à résoudre pour un professionnel en arithmétique !

Publié le 24/03/2023
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Notre ministre de tutelle, après la bronca des généralistes vis-à-vis de la nouvelle convention, a souhaité lors de sa dernière sortie faire oublier son échec concernant les négociations avec les libéraux.

Aussi pour faire bonne figure, il s’est rendu dans la CPAM de Créteil pour annoncer qu’il n’allait pas laisser une frange de la population française sans soins médicaux.

Il a ciblé une catégorie de citoyens qui ont besoin d'une prise en charge par des professionnels de santé : les patients ayant une affection de longue durée.

Non content de souligner l’importance d’un suivi de ces personnes en ALD, il a expliqué que les CPAM allaient trouver la solution pour que la totalité de ces malades soient pris en charge par un médecin traitant.

Cette information relayée par la presse professionnelle a également été largement diffusée dans les quotidiens généralistes nationaux et régionaux.

En fait en y regardant de plus près nous voyons que les 700 000 patients en soins de longue durée sans médecin traitant seront accompagnés par les organismes d’Assurance-maladie afin qu’une solution soit trouvée pour éviter une absence de soins.

Le message du ministre de la Santé est clair : il souhaite avant tout montrer au public son désarroi vis-à-vis d’une population qui doit impérativement être prise en charge.

Il s’agit, je le pense, d’une forme de communication visant à discréditer une fois de plus les médecins libéraux qui n’acceptent pas les règles du travailler plus, et de ce fait laissent sur le carreau de nombreux Français en mal de soins.

Un ministre visiblement déconnecté de la réalité !

Nous voyons au travers de ce comportement une manière pour M. Braun de se défausser, mais aussi de montrer son manque de clairvoyance à l’égard de la médecine de terrain.

Il est en effet facile de se tourner vers des interlocuteurs qui sont des relais dans le soin, plutôt que d’aller converser avec la base.

Combien de fois notre ministre s’est-il déplacé au sein de cabinets médicaux libéraux non syndiqués, ni partisans d’un système de soins indemnisé par la collectivité ? Aucune bien entendu.

Or si M. Braun souhaite une adhésion des généralistes pour une quelconque réforme que ce soit, il est fondamental qu’avec son équipe il aille prendre la température sur le terrain pour mieux comprendre les difficultés des libéraux.

Ce qui est très choquant dans le comportement de l’exécutif, c’est son manque d’écoute et de perception des problématiques du monde de la santé.

On délègue aux administratifs une fonction : celle de trouver une solution de prise en charge pour les patients en ALD sans médecin traitant.

Imaginons une minute les difficultés d’une telle démarche.

Nous sommes en face d’une pénurie démesurée en médecins libéraux, situation régulièrement mise sur le tapis par les médias et maires de petites communes rurales.

On souhaite que ces professionnels majorent leur activité, tout en sachant que la plupart travaillent plus de 50 heures par semaine.

On se moque éperdument de savoir s’ils veulent sacrifier ou non leurs week-ends et leur vie familiale, la priorité étant avant tout qu’ils absorbent le surplus de patients venant de cabinets de confrères retraités.

Cela n’est pas raisonnable, et risque une fois de plus de décourager de nombreux praticiens.

De plus, on oublie souvent que certains de ces patients en ALD ne souhaitent pas être pris en charge (cas des patients psychiatriques notamment), et contraindre les uns et les autres de faire un effort pour une prise en charge notifiée sur des algorithmes ministériels me semble tout à fait illusoire.

Tout cela pour dire qu’il est facile d’avoir un discours démagogue, mais dans les faits il faut savoir comment les principaux intervenants peuvent absorber un flux incessant de patients.

Personnellement je ne suis pas très regardant vis-à-vis des patients reçus, car je consulte sans rendez-vous.

Cependant je me vois contraint de fermer la porte de mon cabinet plus tôt le matin car sinon je termine les consultations vers 14 heures, et le soir je me rends compte qu’il m’est impossible de terminer mes consultations avant 20 h 30 alors qu’il y a seulement six mois de cela, je rentrais chez moi à 19 h 30.

Quel agent de la CPAM accepterait de tels horaires de travail (samedi compris car c’est le souhait de l’exécutif), et en plus en ayant une pression pour prendre en charge plus de patients ?

Permettre à tous les patients d’avoir une solution est quelque peu irréaliste ; à moins que les IPA puissent devenir des infirmières traitantes ce qui risque dans un avenir proche d’être une possibilité grâce aux CPTS.

Dans ce cas, il est probable que de nombreux confrères jeunes changeront de métier.

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Dr Pierre Frances Médecin généraliste à Banuyls-sur-Mer (66)

Source : Le Quotidien du médecin