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Dossier

Gardes : bilan de l’Ordre... remue-méninges à l'Assemblée !

Permanence des soins, attention, fragile !

Publié le 07/02/2014
Permanence des soins, attention, fragile !


GARO/CRH/PHANIE

Malgré l’érosion continue du volontariat et les incertitudes auxquelles sont confrontées les MMG, le dernier rapport de l’Ordre sur la PDS confirme l’investissement de la profession sur les gardes… Mais jusqu’à quand ? Les vives critiques formulées ces dernières semaines par la Cour des comptes et le Samu de France pourraient laisser des traces et donner des idées aux régulateurs...

Veut-on encore des libéraux dans la PDS ? Le dernier rapport de l’Ordre sur la permanence des soins, présenté aux élus ordinaux le week-end dernier arrive à point nommé dans un contexte de tension sans précédent sur le dossier de la permanence des soins.

En l’espace de quelques mois, la réorganisation de la PDS a dû essuyer les critiques de la Cour des comptes et du Samu de France qui étaient en première ligne pour dénoncer un dispositif à leurs yeux trop cher, inutile et mal organisé.

Pourtant, sur le terrain, la réalité n’est pas si catastrophique que le prétendent ces détracteurs. Même si, la nuit, la PDS libérale tend à se réduire, quand on a besoin d’eux les libéraux de santé continuent de répondre présents. Pour preuve, deux récentes mises au point sur le sujet. C’est l’Assurance Maladie qui le dit : 28 715 généralistes

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participent à ce jour à la permanence des soins. Et même si 10 % d’entre eux perçoivent 60 % des astreintes, on doit tout de même reconnaître que trois généralistes sur cinq sont volontaires.

Le dernier rapport de l’Ordre réalisé par le Dr Jean-Michel Beral vient aussi de confirmer que la profession n’est pas désinvestie. Au contraire. La participation des

généralistes à la régulation libérale, par exemple, est croissante. Les régulateurs libéraux sont présents dans la presque totalité des départements (97 %). Leur nombre a même augmenté (de 4 %) par rapport à l’année dernière.

Autre signe d’investissement de la profession : le nombre de sites dévolus à la permanence des soins, comme les maisons médicales de garde, a encore augmenté de 10 % avec la création de 38 nouveaux sites l’an passé.

Le rôle apaisant des conseils départementaux

Et alors que 2012 avait marqué le retour des réquisitions, en 2013 ces procédures ont été moins nombreuses. Les préfets n’y ont eu recours que dans 21 départements (contre 26 en 2013). Pour les éviter, les CDOM sont intervenus dans la moitié des départements afin de tenter de compléter les tableaux des gardes. Une fois sur deux, ils y sont parvenus. Quand ils ont échoué, les réquisitions n’ont pas été systématiques pour autant.

Mais qu’en serait-t-il « si la responsabilité était confiée aux ARS ? », s’interrogent les élus ordinaux.

Ces quelques bonnes nouvelles du « front », ne parviennent pas à rassurer complétement sur l’avenir du dispositif de permanence des soins ambulatoires.

Le rapport de l’Ordre sur la PDS alerte sur sa fragilité croissante. à commencer par le volontariat des gardes qui poursuit son érosion. Si deux tiers des CDOM annoncent encore un taux de participation supérieur à 60 %, il faut se rappeler qu’il y a deux ans ce même taux concernait 73 % des départements.

Si le volontariat s’effrite les explications sont « structurelles », selon Jean-Michel Beral qui cite, en premier lieu, « la baisse de la démographie médicale ». « De moins en moins nombreux, les généralistes sont de plus en plus pris dans la journée. Il est donc difficile, pour eux, de s’investir également le soir en sachant que le lendemain ils devront assurer les consultations », affirme-t-il. Et le vieillissement de la population et de la profession n’arrange rien. Les médecins proches de la retraite ou ayant des problèmes de santé sont, de fait, parfois exemptés de prendre des gardes par les CDOM, rapporte le Dr Beral. Résultat: sur le terrain, dans un tiers des territoires la PDS fonctionne avec moins de 10 volontaires. Dans la moitié d’entre eux avec moins de cinq. Or, dans ces territoires, « la fréquence des gardes devient insupportable », raconte le Dr Beral, qui parle à ce propos d’une « fragilisation de plus en plus inquiétante ».


Face à ce repli, la resectorisation, qui semblait avoir atteint ses limites, gagne encore du terrain comme, du reste, l’arrêt des gardes de nuit profonde. La France compte aujourd’hui 1 764 secteurs contre 1 910 il y a un an. En dix ans, leur nombre a été divisé par deux. Et, après minuit, il n’y a plus de gardes libérales dans six secteurs sur dix. Là encore, le manque d’investissement n’est pas en cause. Mais, explique l’Ordre, l’activité est trop « faible ». Et c’est pour ne rien dire de cette « logique comptable » à l’oeuvre dans certaines ARS, qui vise à faire des économies sur le paiement des astreintes...

Jusqu’où ira-t-on dans la resectorisation ?

Pourtant, quand elle est négociée avec les acteurs de terrain, « la resectorisation est souvent une bonne chose », soutient le Dr Beral. En effet, le regroupement des secteurs debouche parfois sur la création d’une MMG qui facilite la vie aux professionnels pour se regrouper même si, de fait, elle rend la visite à domicile « plus problématique ». Un problème qui peut-être résolu, selon le Dr Beral, en prévoyant des moyens de transports pour les patients et des effecteurs mobiles.

Le rapport de l’Ordre, réalisé à partir des remontées des conseils départementaux observe aussi que les régulateurs libéraux, pourtant très présents, le sont moins au petit matin. Et même absents dans un tiers des départements. Sur ce point, le Dr Beral est formel : il faut que la régulation libérale continue à se développer même en nuit profonde. Pour ce faire, il faudrait néanmoins « des forfaits d’astreinte attractifs », prône-t-il.

Enfin, paradoxalement, « les missions qui posent le plus de problème sont celles qui sont hors du champ de la PDS », c’est-à-dire les certificats de décès et l’examen de personnes placées en garde à vue et qui, à cause de la pénurie de professionnels, reposent huit fois sur dix sur le médecin de garde.

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Dans ce contexte difficile, on peut se demander si les « scuds » lancés, ces derniers mois contre la PDS libérale n’ont pas contribué à fragiliser davantage celle-ci avec le risque, à terme, de décourager les généralistes… D’autant que, comme l’a confirmé le directeur général de l’Assurance Maladie, les revalorisations des gardes et des astreintes ne sont pas à l’ordre du jour. Interrogé la semaine dernière par la commission PDS de l’Assemblée nationale, Frédéric Van Roekeghem a pourtant un peu joué les Ponce Pilate. Depuis la réforme HPST, la gestion de la PDS n’est plus que dans les mains des ARS, répète-t-il à l’envie. À elles d’en assumer toutes les responsabilités...

Quand la Cour des comptes et le Samu chassent en bande

Mais comment le faire sereinement dans un climat d’intenses polémiques où Cour des comptes et SAMU de France semblent se répartir les rôles en jouant la même partition aux députés de la commission ad hoc qui planchent sur la PDS. En septembre Didier Migaud s’étrangle. Les coûts de la PDS auraient triplé en dix ans.

Une augmentation qui « n’est en rien garante d’un meilleur service pour la population », pour le président de la Cour des comptes. Un volontariat qui s’effrite, quatre actes sur dix qui échappent à la régulation, une procédure de réquisition très (trop) « rarement utilisée »... Le tableau dressé est des plus sombres. En décembre, c’est au tour du président du Samu de France, Marc Giroud, de tirer à boulets rouges sur les généralistes. Pas assez investis à ses yeux, pour une PDS « chère par rapport aux services qu’elle rend ». Et le 9 janvier, Antoine Durrleman, qui a présidé à la rédaction du rapport de la Cour des comptes sur la PDS en remet une couche. Même constat : la PDS coûte trop cher pour un service rendu faible. En face, les syndicats de médecins libéraux bondissent. Mais tout ce raffût pourrait justifier une éventuelle reprise en main de la PDS...

[[asset:image:566 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":["Phanie"],"field_asset_image_description":["Pr\u00e9sident de la commission permanence de soins de l\u0027Assembl\u00e9e nationale"]}]]

Pour avoir la réponse, on devra patienter jusqu’à la rentrée quand le rapport des députés Jean-Pierre Door et Catherine Lemorton sur la PDS sera rendu public. Pour l’heure, l’élu UMP du Loiret ne veut pas en dire davantage avant mai. Le travail a pris un peu de retard du fait de la période électorale et il a « encore beaucoup d’auditions à réaliser ».

Entre-temps, MG France et l’Unof, qui ont réclamé à Marisol Touraine la mise en place d’un groupe de travail sur la PDS, font des pieds et des mains pour se faire entendre. Sans grand succès à ce jour. « Pour l’instant, pas de réponse », confirme Claude Leicher visiblement inquiet. Même si les pouvoirs publics n’ont pas intérêt à jouer avec le feu sur le terrain miné de la PDS, l’UNOF et MG France redoutent une « mainmise des Samu sur la régulation libérale ». Au prétexte d’une incompatibilité informatique entre le logiciel des libéraux et celui du Samu... Car c’est bien connu, quand on veut tuer son chien, on l’accuse de la rage...


 
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