Permanence des soins élargie au samedi matin : les lignes bougent

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Publié le 02/03/2020
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Lancé en décembre, le  mouvement de fermeture des cabinets  libéraux le samedi matin a replacé sur le devant de la scène une revendication ancienne : l'extension des horaires de permanence des soins ambulatoires (PDS-A). Le gouvernement, qui veut solliciter la médecine de ville dans le cadre de la réponse aux soins non programmés et doit lui donner des gages, se retrouve sous pression.

Vice-présidente de MG France, le Dr Agnès Giannotti, a suivi le mot d'ordre et fermé son cabinet dès le 14 décembre

Vice-présidente de MG France, le Dr Agnès Giannotti, a suivi le mot d'ordre et fermé son cabinet dès le 14 décembre
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

« Aujourd'hui, le ministre est monopolisé par le coronavirus, il est donc difficile pour nous de revenir à la charge. Mais l'appel à la fermeture des cabinets le samedi matin continuera jusqu'à ce que nous obtenions une réponse favorable », assure le Dr Jacques Battistoni, président de MG France.

Depuis mi décembre, l'action symbolique des « samedis noirs de la médecine générale », initiée par le syndicat de généralistes, vise principalement à obtenir l'extension des horaires de la permanence des soins ambulatoires (PDS-A) au samedi matin. Cet aménagement significatif des agendas libéraux permettrait aux médecins de s'organiser localement pour prendre les tours de garde – avec les honoraires de PDS majorés – mais aussi de retrouver du temps libre pour ceux qui le souhaitent. 

Temps choisi

Sur le terrain, les médecins semblent très majoritairement favorables à cette évolution. Selon un sondage du « Quotidien » réalisé en ligne (du 10 février et 16 février), 78 % des quelque 200 répondants estiment qu'il faut élargir la PDS au samedi matin.

À en croire MG France, l'arrêt d'activité le samedi matin rencontre pleinement « la revendication du temps choisi » de libéraux déjà ultra-sollicités – et que le gouvernement veut mobiliser davantage dans le cadre de la réponse aux soins non programmés. « Environ 76 % des généralistes soutiennent le mouvement, 50 % ont fermé leur cabinet et 25 % ont l'intention de le faire », assure le Dr Battistoni.

Cette « bataille du samedi matin » a trouvé un écho amplifié avec les renforts conjoints de la CSMF et du SML qui ont appelé tous les médecins libéraux – spécialistes compris – à participer à ce mouvement de fermeture des cabinets, une façon de marquer le caractère indispensable de l'offre médicale libérale. « Les gardes gratuites c’est fini », ont résumé les deux centrales.  

La Mayenne hausse le ton

Plus récemment, les conseils départementaux de l'Ordre des médecins (CDOM) ont relayé cette revendication de l'extension de la PDS-A au samedi matin – déjà effective dans 41 départements pour la régulation mais dans seulement six pour l’effection. Sondés par l'Ordre national sur la PDS, 56 % des départements (parmi ceux qui sont non concernés) se sont déclarés favorables à cette réforme. Plusieurs arguments sont avancés en ce sens : soulager le Centre 15 dans les secteurs où les cabinets sont déjà fermés le samedi matin, libérer des médecins disponibles pour la régulation libérale sur ce créneau ou encore éviter une sucharge de patients en fin de journée...   

La pression monte aussi localement pour faire plier les pouvoirs publics. En Mayenne, le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, menace carrément de « détricoter » ce que l'association de la permanence des soins (ADOPS 53) a mis en place avec succès. « Grâce à notre organisation, la PDS commence le vendredi soir à 20 heures au lieu de commencer le samedi après midi. Tous les habitants du département ont une réponse le samedi matin. Et ça marche », affirme le généraliste. Mais, alerte-t-il aujourd'hui, faute d'écoute, « on va arrêter cela, les patients devront aller aux urgences ou attendre d'avoir un médecin de garde. » 

Un coût qui fait peur ? 

L'attentisme du gouvernement sur l'octroi de créneaux supplémentaires de PDS-A s'explique aussi par le volet financier. En cas d'élargissement des tours de garde au samedi matin, il faudra financer la régulation libérale (75 euros à 125 euros de l'heure), les forfaits astreinte et bien sûr les actes réalisés avec les majorations spécifiques. Interrogé sur cette hypothèse en janvier par notre confrère « Le Généraliste », le DG de la CNAM Nicolas Revel ne débordait pas d'enthousiasme. « J’observe seulement que beaucoup de cabinets médicaux fonctionnent au-delà de 18h (en semaine) et le samedi matin – heureusement d’ailleurs – et qu’il serait compliqué de considérer, financièrement notamment, que ces créneaux relèvent dorénavant de la PDSA. » Selon MG France, cet élargissement serait « une opération blanche » par transfert de l'activité prévue l’après midi sur le samedi matin. 

Peu avant le départ d'Agnès Buzyn, le député macroniste Julien Borowczyk, lui-même généraliste, avait ouvert la porte à une extension de la PDS-A au samedi matin. « On devrait pouvoir arriver à un terrain d'ententeLa ministre s'est montrée plutôt à l'écoute et je crois que cela peut aboutir ».

Le nouveau ministre de la Santé Olivier Véran aura-t-il aussi une oreille attentive ? Les syndicats veulent inscrire ce point à l'ordre du jour de la prochaine commission paritaire nationale (CPN), le 11 mars. Et le Dr Philippe Vermesch, patron du SML, y croit. « Il y a des éléments convergents qui nous laissent espérer une réponse positive »

Loan Tranthimy et Cyrille Dupuis

Source : Le Quotidien du médecin