Finalement, l’hiver s’est bien passé, sans coupures électriques. Et sans aucun dommage pour les patients à haut risque vital vivant à domicile. « À vrai dire, les pneumologues n’avaient pas d’inquiétudes particulières pour les patients dépendant d’un appareillage respiratoire au domicile car ils disposent d’équipements conçus pour continuer à fonctionner même en cas de coupure de courant », indique la Pr Marjolaine Georges, du service de soins intensifs respiratoires au CHU de Dijon.
Tout est parti, en décembre 2022, d’une circulaire envoyée par Élisabeth Borne aux préfets pour éviter la panne générale, dans l’hypothèse où le réseau électrique serait mis à très rude épreuve. La circulaire évoquait de possibles coupures électriques d’une durée de deux heures durant la journée. « Cela n’a pas suscité d’inquiétudes à l’hôpital où les services sensibles, en particulier ceux de réanimation et de soins intensifs, sont équipés de prises sécurisées qui sont reliées à un groupe électrogène », indique la Pr Georges.
C’est surtout vers les patients à domicile que les regards se sont tournés. En particulier après une déclaration du porte-parole d’Énedis sur BFM-TV le 5 décembre. Ce responsable a alors déclaré que les personnes à haut risque vital seraient « non-prioritaires » en cas de coupures de courant et « délestables » et que « les patients sous respirateurs artificiels ne seraient pas automatiquement exemptés. »
Ces déclarations ont plongé dans l’angoisse de nombreuses personnes insuffisantes respiratoires, dont l’appareillage respiratoire fonctionne grâce à l’électricité. « En tant que médecin pneumologue et président de Santé respiratoire France, je tiens à rassurer de manière totalement franche et affirmative les patients insuffisants respiratoires à leur domicile : les coupures de courant, si jamais elles ont effectivement lieu, et telles qu’elles sont annoncées par le gouvernement (créneaux de délestage de deux heures au maximum ; zones concernées averties 24 voire 48 heures avant la coupure), n’ont pas de quoi faire paniquer les malades, quels qu’ils soient. Tout est déjà organisé depuis de nombreuses années pour pallier de tels épisodes de coupures électriques », avait alors souligné le Dr Frédéric le Guillou, président de Santé respiratoire France dans un communiqué.
Une autonomie de 6 heures
Une position partagée par la Pr Georges, qui avoue ne jamais avoir été inquiète pour les patients à haut risque. « Pour les patients lourdement handicapés, qui utilisent une ventilation non invasive de façon quasiment continue, au moins 16 heures/j, nous savions qu’ils disposaient au domicile de deux respirateurs identiques, équipés de batteries internes de sécurité, leur assurant une autonomie d’au moins six heures », explique-t-elle. L’inquiétude n’était pas non plus de mise pour les patients sous oxygénothérapie, équipés d’un concentrateur (ou extracteur) d’oxygène. Légalement, le prestataire est tenu de fournir un obus d’oxygène gazeux en réserve au domicile pour pallier les coupures de courant. « Il n’est pas inutile de rappeler tout cela car il y a toujours un risque de coupure de courant, après un orage par exemple », indique la Pr Georges.
Durant cette période hivernale, les préoccupations des pneumologues se sont surtout focalisées sur les patients susceptibles de connaître une détérioration de leur état respiratoire entre deux bilans. « Ces bilans peuvent avoir lieu une ou deux fois par an. Il y a toujours une possibilité que des patients connaissent une aggravation de leur état entre deux. Il est alors important qu’ils puissent, par exemple via leur médecin traitant, alerter leur pneumologue et leur prestataire pour que leur équipement à domicile soit adapté à l’évolution de leur état respiratoire. Afin qu’ils soient en sécurité en cas de coupure électrique », indique la Pr Georges.
Exergue : « Il y a toujours un risque de coupure de courant, après un orage par exemple »
Entretien avec la PrMarjolaine Georges, du Service de Pneumologie et Soins Intensifs Respiratoires, CHU Dijon Bourgogne et membre du groupe Assistance ventilatoire et oxygénothérapie (GAVO2) de la SPLF