De nombreux faits relatés dans la presse professionnelle ou généraliste nous montrent que la société évolue de manière insidieuse en bafouant les valeurs que nous avons apprises en étant jeunes. Ainsi, lorsque notre cabinet ferme avant 12 heures (les horaires d’ouverture sont bien précisés sur la porte), certains (ils ne sont pas rares) attendent sagement le départ des patients retenus dans le cabinet pour se faufiler. Ils augmentent de ce fait la file active de patients à voir, et nous obligent à partir vers 13 h 30. De cette manière il ne reste pas trop de monde (nous consultons de manière libre), et l’attente est plus supportable. Eh oui, on regarde avant tout son confort personnel, et on se moque éperdument du temps de travail du médecin ; de toute façon, il doit être corvéable à merci.
Un autre exemple récent m’a quelque peu surpris. De nombreux patients se sont insurgés pour annoncer qu’un confrère avait fait ses valises en catimini ; cela sans laisser leur dossier médical. Comble de lèse majesté, ils n’avaient pas été prévenus ! Les journalistes du quotidien local sont alors montés au créneau pour dénoncer cette attitude peu respectable, et indigne d’un médecin. Comment est-il possible de quitter le navire du jour au lendemain en laissant des patients « à la dérive » ?
Fort heureusement le collègue incriminé a pris la parole et a expliqué qu’il avait l’âge de la retraite (69 ans), et qu’il s’était retrouvé le bec dans l’eau au mois de juillet. En fait, il devait être remplacé par un jeune confrère qui s’est désisté. Cependant, ne trouvant pas de successeur, et étant probablement fatigué (cela se comprend à 69 ans), il a expliqué à ses patients qu’il allait partir quelques mois plus tard.
Cet exemple nous montre la mauvaise foi des patients qui pensent être les maîtres du monde, et pouvoir contrôler les faits et les gestes des médecins. Il est probable qu’ils pensaient de cette manière l’obliger à revenir dans son cabinet.
Autrefois, le praticien était respecté
Or, il ne faut pas oublier que les médecins sont des êtres humains avec des doutes, mais aussi une vie après leur travail. Ils ont fondé une famille pour la plupart et souhaitent, tout comme la majorité de nos concitoyens, en profiter. Il est vrai qu’il y a 20 ans de cela la médecine était un sacerdoce, et nombreux sont les confrères qui sacrifiaient leur vie privée. Or les temps changent.
Les patients, grâce à un temps de travail réduit à 35 heures, profitent des offres assez fournies de loisirs (d’ailleurs ils n’hésitent pas à le faire savoir aux médecins de manière souvent provocante). De plus, autrefois le praticien était respecté dans sa fonction. Cette valeur mettait du baume au cœur du médecin qui acceptait certains sacrifices. De nos jours, le patient exige, il n’écoute plus nécessairement le praticien, il le met en défaut grâce à des sites internet qui distillent parfois de fausses informations, et il ne regarde que son propre intérêt.
Dans ces conditions comment un médecin, qui n’est plus digne de confiance et de respect, peut-il continuer d’avoir la foi dans son métier, et ne peut-il pas sombrer dans la dépression ? Aussi, il est urgent de mettre en avant les valeurs inculquées par les anciens auprès de tous nos concitoyens.
« Le respect de nous-mêmes est la règle de notre moralité. Le respect de nos semblables, celle de notre conduite envers eux » Von Goethe JW.
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