De nombreuses tribunes publiées dans la presse ont alerté sur la situation critique des CHU. Comment interpréter cette mobilisation ?
Elle s’explique par des conflits internes de gouvernance au sein des CHU. Se sont opposés d’un côté les directeurs généraux et les présidents des CME de CHU et de l’autre les doyens. C’est ce qui nourrit le débat. Quels en sont les enjeux ? Les doyens se sont émus du fait que le Ségur de la Santé n’avait pas spécifiquement étudié les questions hospitalo-universitaires. Je rappelle que l’on recense 30 CHU et 790 centres hospitaliers publics en France sans compter une centaine d’Espic, 17 centres anticancéreux. Or, selon nous, le Ségur de la Santé n’avait pas le profil politique pour s’occuper des problématiques HU. C’est la raison pour laquelle un groupe de travail a été créé. Il a été en fonction entre décembre 2020 et mai 2021. Il devrait rendre prochainement ses conclusions. Un dossier épineux demeure sur la table, à savoir les conditions de rémunérations et de prise en compte des retraites des médecins hospitalo-universitaires. Or il ne peut être réglé dans le contexte politique actuel. En sortie de crise, un Français qui gagne le Smic ou un peu plus ne peut être sensible à la situation de médecins aussi brillants soient-ils qui consacrent à leur métier un nombre d’heures considérables. En ce qui me concerne, je gagne 6 000 euros net, impôts déduits. Quant à ma retraite, elle peut être qualifiée de misérable. Pour autant, ce discours n’est pas audible. D’autant que la problématique spécifique de la retraite des médecins HU se greffe au vaste débat actuel sur la réforme des retraites.
Les doyens regrettent de ne pas être associés au processus de nomination des chefs de service.
Ils n’y ont jamais participé ! Ils participent au processus mais ne signent pas le document final. En revanche et depuis la loi HPST, les doyens cosignent avec le DG et le président de la CME le titre nommant les chefs de pôle. Ce qui est très structurant dans l’organisation de l’hôpital. Quant aux chefferies de service, elles traduisent l’équilibre des disciplines au sein d’un hôpital. Ce qui ressort de la responsabilité des CME en lien bien sûr avec le doyen dans le cadre général de la gouvernance hospitalière. L’hôpital constitue une entité juridique, à côté de l’université, autre entité juridique. Depuis 1958, on a l’idée que le CHU tire son originalité de l’existence d’une convention avec l’université. Au fil des ans, les CHU ont intégré leur identité universitaire. Les doyens réclament une plus grande universitarisation des CHU. Il n’y a pourtant pas débat. C’est déjà la réalité.
Pourtant lors d’une audition à l’Assemblée nationale, vous avez également pointé la crise des CHU.
C’est ce que j’appelle le CHU-bashing. Cela se traduit par : « Ce que font les CHU, bien d’autres sont capables de le faire ». Ce mouvement a pour origine le rapport de la Cour des comptes publié en novembre 2017. Selon les auteurs, les CHU n’exercent que 15 % d’activité de recours. Nous avons contesté ce constat. La définition du recours reposait sur une conception obsolète proposée par l’ATIH, à savoir une activité est dite de recours lorsqu’elle est pratiquée à hauteur de 75 % dans un hôpital universitaire. Si l’on prend l’exemple de l’ablation de la vésicule biliaire, 80 000 sont réalisées en France. Certes, 75 % des cholécystectomies ne sont pas pratiquées dans les CHU. Mais nous prenons en charge celles qui sont délicates, associées à des comorbidités. Les tarifs ne permettent pas de les distinguer de l’intervention classique. Non seulement, on n’identifie pas. Mais on ne rémunère pas à la juste valeur les activités de recours des CHU. La même remarque concerne la formation. Dispenser l’enseignement, assurer la formation d’un chirurgien ne se compare pas à l’accompagnement technique sur un dispositif médical. Pour autant, on ne souhaite pas autarciser la formation dans les seuls CHU. Même si l’on est un élément central dans le parcours de formation. Enfin, le CHU doit participer à la graduation des soins. Le 29 juin dernier, nous avons demandé au ministre des Solidarités et de la Santé de préciser la place qu’il réservait aux CHU dans le système de soin.
Que vous a-t-il répondu ?
Il est hors de question pour le ministre de remettre en cause l’identité des CHU. Ou d’attribuer des missions des CHU à d’autres établissements dès lors qu’ils sont en relation avec les CHU. Il faut toutefois reconnaître l’existence d’une difficulté de positionnement stratégique avec l’Inserm qui souhaite définir les grands axes de la recherche en santé dans l’Hexagone. En réponse, nous demandons l’octroi pour le CHU du statut d’établissement public de recherche.
« La démocratie sanitaire, c’est du n’importe quoi, de la démagogie », avez-vous déclaré récemment. Que vouliez-vous dire ?
Il y a une confusion sémantique. Je respecte profondément l’espace de dialogue instauré par les programmes régionaux de santé où dialoguent les citoyens, les élus et les acteurs de terrain. En revanche, je ne supporte plus les formules toutes faites du type « le malade au cœur du débat ». Bien sûr, il y a eu des dérapages dans le passé. La crise actuelle a mis en lumière comment le citoyen français était le plus protégé au monde. Je suis opposé à la présence au directoire des hôpitaux d’un représentant des usagers. Des débats très techniques s’y déroulent qui exigent une structure homogène, cohérente. Il nous faut trouver un point d’entrée des usagers qui soit au-delà des questions de gouvernance sauf si les usagers disposent d’une formation ou d’un statut régalien qui permettrait d’avoir un interlocuteur patenté. Ce qui n’est pas le cas actuellement.
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