Déserts médicaux

Un détective privé breton aide des maires à trouver des soignants

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Publié le 11/04/2023
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En Bretagne, un détective privé cherche des professionnels de santé pour des municipalités désemparées. Cet homme, c’est Jean-Claude Le Badézet. Il accepte, en exclusivité pour Le Généraliste, de détailler cette mission originale.

Crédit photo : DR

Un détective privé breton qui aide les municipalités à trouver un médecin ? C’est insolite, mais pas du flan. Pour comprendre, il faut déjà imaginer la petite commune de Pleucadeuc, dans le Morbihan, au milieu des arbres, des mégalithes et des points d’eau. Mais aussi des commerces : restaurants, fleuriste, boucherie, épicerie, bars, friperie… C’est ici que Jean-Claude Le Badézet, détective privé, exerce son métier depuis 2002, avec sa société ABC Investigations.

Son histoire avec les médecins commence lors d’un déjeuner au mois de janvier 2014. Alain Launay, son ami et maire de la bourgade de quelque 1 800 habitants, lui fait part de son inquiétude : son seul généraliste, le Dr René Jarrousse, part à la retraite, laissant sur le carreau sa patientèle accumulée pendant 38 ans de carrière pleucadeucienne. « Tu ne pourrais pas me trouver quelqu’un ? », lui lance-t-il. Sur le ton de la plaisanterie ? Pas tant que ça. L’édile est sérieux.

Contribution à la création d’une maison médicale

Alors, voyant que la commune et ses « anciens » sont dans l’embarras, Jean-Claude Le Badézet promet d’essayer. Il ne facturera la modique somme de 3 000 euros nets qu’au résultat car il ne peut pas garantir, à l’époque, qu’il y arrivera. Et pourtant. Quatre mois plus tard, un généraliste, le Dr Marc Le Glaunec, s’installait, puis deux orthophonistes, un psychologue, un neuropsychologue et un pédicure-podologue notamment. Modeste, le détective salue « le dynamisme du maire, à qui ses administrés doivent beaucoup ». Aujourd’hui, la commune compte 18 professionnels de santé.

Parmi eux, Eva Landwerlin, psychologue, qui s’est installée en 2018 avenue de Paris avec son conjoint Michaël Grostefan (neuropsychologue). Comment Jean-Claude Le Badézet l’a-t-il trouvée : a-t-il campé des jours devant son domicile ou l’a-t-il arrêtée à la sortie d’un match du FC Nantes ? La réalité est parfois loin de ce que l’on peut imaginer, comme le raconte la psychologue. « Je l’ai contacté après avoir vu une annonce qu’il avait postée sur un site d’emploi. En recherchant son nom sur internet, j’ai vu qu’il était détective ! Même si cela me semblait original, je l’ai appelé et nous nous sommes bien entendus : je me suis dit “pourquoi pas”. Après une rencontre avec lui et le maire, j’ai dit que je venais avec, en prime, mon mari ! »

Des demandes en pagaille

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais une journaliste de Ouest-France, qui interviewait Jean-Claude Le Badézet en décembre 2022 sur un tout autre sujet, relance la machine. « Elle m’a demandé si c’était vrai, selon la rumeur locale, que j’avais participé à la création de la maison médicale. J’ai commis l’erreur de lui confirmer cette information ! » Effet boule de neige : cet article donne des idées aux communes voisines, qui le contactent elles aussi. Au point où le détective privé est obligé de refuser des demandes. « Je travaille actuellement pour trois communes et j’en ai refusé une demi-­douzaine. Ces trois municipalités cherchent chacune deux généralistes. Je dois donc en trouver six ! » Mais le détective privé ne craint pas d'être appelé (06 09 38 93 45), tant par des généralistes intéressés par une installation que par des maires désespérés.

Comment sélectionne-t-il ses clients ? « Des communes me sollicitent en me disant “vous l’avez fait pour d’autres, vous pouvez le faire pour nous !”, mais la vérité est que je ne peux pas ! Je ne m’engage pas sur des territoires non attractifs. Sur sa commune de l’ouest du Finistère, un maire m’a demandé de l’aide mais il n’a ni boulanger, ni poste ! Je lui ai dit : “comment voulez-vous qu’un généraliste veuille s’installer ici ?” .» En effet, comme le montrent toutes les études à ce sujet, les critères à l’installation sont multiples mais les facteurs déterminants sont plutôt les services publics, les écoles à proximité ainsi qu’un travail pour le conjoint.

Comment rentre-t-il en contact avec les médecins ? « Je travaille à l’ancienne. J’ai des contacts partout. Avec l’aide de mon amie Cornélia Bontemps, juriste habitant Fouesnant et dont les parents sont issus du milieu médical, je fais du porte-à-porte. Je rencontre les praticiens là où ils sont : facultés de médecine, cabinets, même chez eux ! Personne ne m’a claqué la porte au nez : je fais ça pour l’intérêt général. »


Source : lequotidiendumedecin.fr