Livre Blanc sur la contribution des outils numériques dans la transformation des organisations de santé

Publié le 06/06/2019
La députée Brigitte Bourguignon, présidente de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, est une femme de conviction, davantage tournée vers le savoir-faire que vers le faire-savoir. Elle défend l’émancipation sociale, la dignité sociale et l’égalité, notamment pour les femmes. Dans la santé, l’un de ses territoires de prédilection, ces objectifs relèvent de l’intérêt général au-delà des aspects partisans. Là où certains assènent un pourquoi, elle peut avancer un pourquoi pas. Ainsi, vient-elle d’accompagner et de porter une initiative collaborative novatrice : partager les points de vue sur la contribution potentielle des outils numériques dans la transformation des organisations de santé.
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Portée par la vision de Pierre Laroque en 1945, la protection sociale « à la française » est née sur les ruines d’un pays dévasté. Il aura fallu la vision, les valeurs et la pugnacité de quelques-uns au service de tous pour rappeler à notre Nation les principes révolutionnaires d’égalité et de fraternité au moment où la France recouvrait sa liberté. Les choses ont bien changé depuis soixante-quinze ans. Notre pays vieillit, il est confronté depuis des années à une crise de valeurs, une crise économique et financière, une dette colossale, un chômage de masse. Les pathologies chroniques et leurs complications, la dépendance, le handicap, les modes de vie et d’alimentation, la sédentarité, les pollutions nous obligent à un changement historique dans la prise en charge de patients. Ces changements seront profonds, ils seront difficiles, voire douloureux. Ils seront longs à mettre en place, mais c’est le prix à payer pour sauver notre modèle social. Il nous faut protéger les plus fragiles, c’est notre honneur. Churchill avec raison lançait : « Nous devons prendre le changement par la main avant qu’il ne nous saisisse à la gorge. » Ce changement passe par une réorganisation des territoires, des parcours de soins, du partage des informations. Il doit anticiper plutôt que réparer et donc prévenir, détecter, éduquer, informer, suivre, alerter.

E pluribus unum

Je partage le constat du président de la République : nos organisations en tuyaux d’orgue, totalement verticalisées, sont trop souvent incapables de partager leur mission commune, ce qui dessert d’autant l’accès et la qualité du service rendu à nos concitoyens. Nous ne parviendrons donc à une mise en mouvement efficiente et vertueuse qu’à la condition d’explorer le champ des synergies: on ne fait pas assez appel aux compétences et à l’empathie des infirmières ; les médecins n’ont plus de temps « social et pédagogique »; l’organisation des urgences est un non-sens sur le plan de l’efficacité; les patients se sentent souvent perdus et ballotés; l’information médicale peut être revisitée. Enfin, l’administration est en capacité de faire sa révolution copernicienne. Je suis convaincue qu’ensemble – et c’est là une condition sine qua non – les acteurs de la santé peuvent faire évoluer positivement notre système.

Homo numericus

Partout et en permanence, nous expérimentons les outils numériques qui nous rendent plus agiles, plus réactifs,mais plus dépendants aussi. Nous entrons dans un monde où l’avoir cède le pas à l’accès, le qui au quand, le comment au quoi, l’humain à l’automate, la confiance au contrôle. C’est dans ce contexte qu’il nous faut faire évoluer en profondeur notre système. « État-plateforme », comme le préconise Dominique Pon (Responsable stratégique du numérique auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé), parcours du patient, plateforme de services, sécurité et confidentialité renforcées, contrôles et sanctions le cas échéant, doivent être les rôles du régulateur. Autrement dit, il incombe à l’État d’indiquer les objectifs prioritaires et leurs raisons, mais également de contrôler l’exécution de la trajectoire ainsi définie. C’est sans doute là que les outils numériques validés ex ante par les administrations, partagés et sécurisés ont leur utilité. Les architectures doivent être fonctionnelles et notamment celles des télécommunications, mais gardons à l’esprit que 11 millions de citoyens n’ont pas, à ce jour, accès à un réseau de qualité. Si nous utilisons les outils de la dématérialisation (web services, cloud, réseaux à très haut débit), il convient de choisir les priorités en termes de besoins, d’usages, de charges et de procéder à une substitution d’avec l’existant. Il faut emprunter une trajectoire bottom-up de l’expression du besoin, avec les acteurs concernés, vers la décision systémique et non l’inverse. Deep learning, intelligence artificielle et autres propositions numériques doivent démontrer leur utilité pour gagner notre confiance. La santé utilisera sans nul doute le numérique,mais pas n’importe comment et à n’importe quel prix ! Telles sont les raisons pour lesquelles j’ai encouragé et porté, en ma qualité de présidente de la commission des affaires sociales, la réalisation du livre blanc sur l’usage des outils numériques dans la transformation des organisations de santé.

 

Brigitte Bourguignon

Source : lequotidiendumedecin.fr