Avec une augmentation de la fréquentation des urgences d'en moyenne 7 % en France entre 2021 et 2022, la priorité pour les services est de réduire significativement les délais d'attente. Les urgences du CHU de Rennes, qui ont en moyenne 60 000 passages par an et enregistrent des temps d’attente pouvant aller jusqu’à huit heures, ne font pas figure d'exception.
Jusqu'à 4 heures 45 d'attente
Submergées par la hausse constante de patients traumatisés (20 % des passages relèvent de la traumatologie, NDLR), les équipes médicales de ce service ont, en 2020, interrogé leur base de données pour tenter d'analyser ce phénomène. « En colligeant les données, nous nous sommes rendu compte que les patients qui venaient pour des traumas de membres isolés, telle une entorse de cheville ou une fracture, restaient en moyenne 4 heures 45 dans le service », renseigne le Dr Ulysse Donval, médecin urgentiste au service d'urgences, spécialisé en traumatologie. L’équipe médicale s’est alors interrogée : « Comment améliorer la prise en charge de ce type de patients tout en diminuant leur temps de passage et, ce, sans recourir à des travaux majeurs au sein des locaux et surtout à effectifs constants ? »
Se doter d'un logiciel d'intelligence artificielle est apparu comme la solution la plus adaptée pour les équipes médicales. En août 2021, les praticiens ont donc opté pour l'outil BoneView, un logiciel d'aide à la décision pour la détection des fractures osseuses. En parallèle, le service a revu intégralement son organisation afin de fluidifier l'arrivée de patients traumatisés les moins gravement blessés. Désormais, les patients concernés remplissent dès leur arrivée un questionnaire qui permet d'établir les circonstances de la fracture et d'évaluer sa gravité. Ils se voient ensuite prescrire une radiographie anticipée par un infirmier.
Une fois la radio réalisée, le patient est pris en charge par un interne qui, formé à la manipulation du logiciel BoneView, va pouvoir interpréter les imageries de l'examen et, à l'aide du logiciel, détecter, le cas échéant, une fracture. Le logiciel précise par ailleurs si cette dernière présente un épanchement ou une luxation.
Jusqu'à 30 % d'attente en moins par patient
En cas d'absence de fracture, que le logiciel est en capacité de repérer, et sous réserve que le patient ne présente aucune lésion grave, la personne peut rentrer chez elle sans attendre une deuxième interprétation par un médecin senior. Autrefois de mise, ce deuxième avis n'est plus considéré comme indispensable avec l'utilisation du logiciel d'IA dont la performance et le niveau de précision seraient équivalents à celle d'un radiologue senior entraîné sans logiciel… Comme dans chaque service d'urgence, une réinterprétation des radiographies est toutefois assurée dans les 24 à 48 heures suivant la sortie du patient. « Si nous constatons une anomalie, nous le rappelons pour prévoir des examens supplémentaires », rassure le Dr Ulysse Donval.
Avec un taux de discordance extrêmement faible (0,005 %), cet outil d'IA semble donc être définitivement entré dans les pratiques. « On se rend compte que le logiciel ne fait jamais d'erreur. C'est une sécurisation supplémentaire, ça nous permet de ne louper aucune fracture », souligne le praticien hospitalier.
Le pari de désengorger les urgences grâce à l'IA semble lui aussi tenu. Un an après la mise en place de cette solution, la durée moyenne de passage au sein du service d'urgences a diminué de 21 % pour les patients sans fracture et de 27 % pour les patients avec fracture, soit une réduction de 1 heure à 1 heure 20 d'attente par malade. « Ramené aux 13 000 patients traumatisés par an, cela représente 13 000 heures de gagnées. Tout ça sans embaucher, sans faire de travaux et surtout en restant performant », résume le Dr Ulysse Donval.
Paros, outil d'aide au diagnostic du cancer de la prostate
Le CHU de Rennes et la start-up Incepto se sont associés en 2019 pour développer Paros, un algorithme d'aide au diagnostic du cancer de la prostate par IRM. Désormais utilisée en routine par les radiologues de l'hôpital, cette solution d’IA se montre efficace pour conforter et accélérer le diagnostic de ce cancer particulièrement répandu chez l'homme. En parallèle de l’interprétation des images de l’IRM par le radiologue, l’outil Paros les passe au crible afin de détecter une éventuelle lésion. S'il repère un nodule, l'outil attribue un degré plus ou moins élevé de suspicion selon la technique du « machine learning ».
Le radiologue peut ensuite confronter son interprétation à celle de la machine et décider de procéder ou non à une biopsie. Une aide bienvenue alors que le service de radiologie du CHU effectue 500 IRM de la prostate par an, ce qui représente plusieurs milliers d'images à interpréter. Pour mettre cette solution au point, dix ans d'entraînement sur des examens conduits entre 2012 et 2022 ont été nécessaires. Encore aujourd'hui en phase de développement, la solution d'IA devrait être commercialisée dans le monde entier.
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