L'Europe de la santé, quel numéro de téléphone ?

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Publié le 23/05/2019
L'Europe des systèmes de santé n'existe pas. Il n'y a pas d'avantage de modèle unique à imiter. Voyage exotique au sein de pays qui multiplient les dispositifs de prise en charge. Visite guidée obligatoire avec Pascal Garel*.
Garel

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Crédit photo : DR

L'Ondam est bien une création du génie français. Aucun autre pays européen n'a encore réussi à l'adopter. Comment l'expliquer ? En Europe, classiquement deux logiques de financement dominent. Dans celle d'inspiration bismarckienne, les dépenses font l'objet de négociations entre les assurances et les prestataires de soins. Dans les pays beveridgiens comme le Royaume-Uni, les dépenses sont fixées par l'État. Paradoxe français, « dans un pays d'inspiration bismarckienne on a pourtant demandé au Parlement de voter un objectif au même titre que les dépenses fixes de l'État », explique Pascal Garel.    

Mais à ce premier niveau une autre distinction doit être opérée. Certains pays optent pour l'échelon national, d'autres préfèrent l'échelon régional. Enfin, on y ajoute selon les cas une pincée de financement local. En Finlande par exemple, les municipalités y participent. En Belgique par exemple, le financement de la santé demeure au niveau fédéral. À charge aux trois régions (Flandre, Wallonie, Bruxelles) de rajouter au pot national. 

Mais à ce niveau de complexité se greffe encore un autre niveau, souligne Pascal Garel, celui des objectifs négociés ou simplifiés.

Y a-t-il un modèle, un pays en Europe à imiter ? Sûrement pas. Cela n'aurait pas de sens de faire un système à l'allemande ou à la belge. Le système n'est jamais pur à 100 %. Selon le prisme choisi, on note une hétérogénéité impressionnante des financements. Cette situation complexe ne s'explique pas seulement par des choix théoriques. Elle est aussi le fruit de l'histoire. 

Les trois pays de dictature qui ont adopté la démocratie dans les années quatre-vingt (Espagne, Portugal, Grèce) sont au départ très bismarckiens. Ils ont ensuite intégré lors de leur entrée dans l'Europe des éléments beveridgiens. Résultat étonnant, le système espagnol est plus beveridgien par certains aspects aujourd'hui que le Royaume-Uni. C'est la chute du mur qui a fait passer les pays d'Europe centrale à en gros un système bismarckien. L'Estonie a fait des réformes drastiques dans son système de soins, le plus digitalisé d'Europe alors que la Lettonie, sa voisine, reste hospitalo-centrée.  

D'autres différences significatives doivent être notées. En Belgique, très peu de médecins sont salariés y compris dans les hôpitaux universitaires. Les médecins fonctionnent au paiement à l'acte dans une logique de négociation avec l'assurance maladie. En pratique, le médecin contractualise avec l'hôpital, les honoraires sont libres. Résultat, le reste à charge pour le patient est de l'ordre de 20 %. 

En Allemagne, c'est un concept d'auto-gouvernance du système de santé qui relève de la négociation tripartite entre hôpitaux médecins et assurances sociales. Certes on note une interférence croissante de l'État fédéral mais qui reste marginale par rapport à la France. On raisonne là dans une logique d'enveloppe. Le revenu final du médecin dépend ainsi du nombre d'actes total effectués. Le groupe médecin est solidaire collectivement. Comme le système est assurantiel, en cas de croissance de l'économie, le système génère des bénéfices. Pour autant, le système hospitalier nécessite une adaptation avec des longues durées d'hospitalisation. 

Quant aux Pays-Bas, ils ont poussé très loin la mise en concurrence des acteurs du système mais aussi des assurances sociales. Il y a eu certes une augmentation des dépenses. C'est le résultat d'une prise en charge accrue des soins de longue durée.  

Que faire alors ? Dans chaque pays, le système de santé fait l'objet de réforme. Et cela se termine parfois mal pour le gouvernement qui en prend l'initiative. En témoigne la Finlande où en avril dernier, le Premier ministre sortant a lourdement chuté devant l'obstacle. Le système de santé est le plus décentralisé d'Europe avec un pouvoir confié aux municipalités de gérer le système de santé, doté par ailleurs de la capacité à lever l'impôt. L'esprit de la réforme avait été de balayer le système. Cela a échoué. Quel gouvernement prendra demain le risque de réformer le système de santé ?

* Directeur général de la Fédération européenne des hôpitaux (Hope).


Source : Décision Santé: 315