Editorial

Agnès ou Anny ?

Publié le 15/09/2017
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Décidément, l’avenue de Ségur, ce n’est pas une sinécure. Après quatre mois, presque jour pour jour, au ministère de la Santé, c’est peut-être déjà ce que doit se dire une Agnès Buzyn prise actuellement entre plusieurs feux. Certes, alors que son prédécesseur était en bisbille avec les médecins libéraux, l’hématologue bénéficie encore d’un relatif état de grâce auprès de ses confrères. Ce sont plutôt les patients qui lui donnent du fil à retordre en cette rentrée 2017. Elle a eu l’occasion de s’en rendre compte mardi avec l’accueil frais reçu aux Antilles aux côtés du président de la République dans une île de Saint-Martin dévastée, jusqu’à ses infrastructures sanitaires. Et ces dernières semaines, « l’affaire » Lévothyrox est venue, s’il en était besoin, rappeler brutalement que, dans la France du XXIe siècle, le malade est devenu un acteur aussi incontournable qu’imprévisible et insatiable.

Dans cette histoire, le Pr Buzyn a pourtant tous les arguments pour elle. Plus que d’autres à ce poste, l’ancienne patronne de la HAS et de l’INCa allie sérieux et légitimité. Et elle n’a pas ménagé son temps pour recevoir les porte-parole des assurés indignés. Un sans-faute ? Las ! Depuis Jean-François Mattei on sait bien qu’un profil de super-universitaire, de grande compétence et d’hyperdisponibilité ne suffit pas toujours pour se faire entendre d’une opinion remontée. Au point que, même si le contact n’est pas rompu, il donnait ces derniers jours l’impression de virer au dialogue de sourds, entre une ministre qui répètait qu’il faut laisser du temps au temps pour rééquilibrer les patients, et des malades de la thyroïde, remontés comme jamais, qui exigent au contraire de retrouver « leur » médicament ici et maintenant… Finalement, la première a en partie cédé, mais le bras de fer ministre-patients crée un drôle de précédent et pourrait donner des ailes à d'autres contestations.

L’affaire tombe en effet plutôt mal pour Agnès Buzyn, alors que la ministre va devoir, dans les mois qui viennent, mettre en musique un autre dossier chausse-trape : l’instauration de l’obligation vaccinale pour les petits enfants. Que pèsent les assurances de la faculté et les certitudes de la science face à un public incrédule et à des people vindicatifs telles Anny Duperey sur le Lévothyrox ou Isabelle Adjani sur la politique vaccinale ? C’est à cette aune aussi que sera jugée la nouvelle ministre de la Santé dans les semaines à venir. Pour emporter la bataille de la santé publique, il va lui falloir d’abord gagner celle de la Com’.
Jean Paillard, Directeur de la rédaction

Source : lequotidiendumedecin.fr