On assiste à une vraie bataille de chiffres entre le ministère et votre collectif pour déterminer le nombre de services d'urgences en grève...
Nous avons un service coordination qui recense tous les services en grève ayant rejoint le mouvement Inter-Urgences ainsi que ceux qui en sortent. Et ces chiffres sont réactualisés très régulièrement. Même si des accords sont passés localement qui donnent lieu à des sorties de grève, certaines sorties comme à Saint Malo n'ont pas été définitives, puisque les directions n'ont pas respecté leurs engagements sur ces protocoles de sortie de grève.
Quelles sont les raisons des baisses de régime de ces mouvements dans les établissements ?
Nous sommes dans une crise aiguë avec un mouvement dans lequel les soignants se sont mobilisés tout l'été. Cette mobilisation se fait sur un plan personnel et devient extrêmement usante et fatigante. Il est parfois difficile de tenir ce mouvement sur certains sites, notamment en raison de pressions de la direction. Certains sites n'ont pas pu tenir le mouvement dans la durée en raison de nombreuses non-assignations entraînant des pertes de salaires imporantantes. En fonction des sites, les problématiques sont différentes. Certaines directions ont pu proposer des moyens qui ont apaisé certains services sous tension. Toutefois, actuellement il existe plus de services se mettant en grève que de services qui en sortent.
Pourquoi cette grève continue avec tant d'ampleur alors que la ministre a émis des propositions en juin et compte en faire d'autres à la rentrée suite au rapport Carli-Mesnier ?
Le mouvement de grève persiste car les propositions de la ministre sont nettement insuffisantes. Or sur le terrain, nous sommes de véritables acteurs de ce qu'il se passe réellement dans les services d'urgence. Et nous sommes à même de constater la dégradation de nos conditions de travail et d'accueil des patients. De plus, on assiste à une véritable bataille de communication : la ministre met la focale là où cela l'arrange. Par exemple, dans une interview sur BFM TV, elle a cité l'exemple de l'hôpital de Metz où il manque 100 postes de paramédicaux. Or la situation de cet établissement est très particulière car il est situé à 100 km de la frontière luxembourgeoise, ce qui incite les paramédicaux à travailler au Luxembourg, où les prétentions salariales sont nettement supérieures. Autre argument fallacieux, Agnès Buzyn compare le système français au "modèle" danois. La comparaison n'est absolument pas pertinente. Le Danemark n'a que 6 millions d'habitants. Ce pays a certes mis en place des solutions en amont dans le parcours de soins il y a dix ans. Mais les résultats positifs n'arrivent que maintenant. Si l'on n'attend les solutions de Mme Buzyn qu'en 2022, notre problématique ne sera toujours pas résolue en 2032. Le système de santé français a besoin de solutions concrètes et immédiates.
Quid des solutions proposées par la ministre, notamment pour les patients qui devraient être renvoyées vers la médecine libérale, pour la "bobologie" par exemple ?
La bobologie n'est pas le problème essentiel. Certes, nous allons pouvoir gérer ce flux en amont grâce à des futures propositions notamment via le numérique et l'ouverture de maisons médicales de garde. Mais à ce jour nous nous retrouvons avec des patients qu'il faut absolument hospitaliser et qui ne dépendent pas de cette "bobologie". Nous sommes confrontés en fait à un vieillissement de la population, une précarisation des patients et à de plus en plus de personnes isolées. Certains patients sont en rupture de soins et ont une dégradation de leur pathologie initiale. Parmi ce public vulnérable, nous avons aussi les personnes atteintes de troubles psychiatriques. Or les services de médecine interne, gériatrie, psychiatrie qui pourraient accueillir ces patients ferment des lits depuis une dizaine d'années. En conséquence, nous n'avons plus les moyens de les hospitaliser pour assurer un suivi médical adéquat. Ces patients stagnent donc dans les couloirs aux urgences et embolisent le flux, alors même qu'ils nécessitent des soins et un suivi. En résumé, nous ne gérons pas seulement les urgences, mais aussi un service d'hospitalisation sans effectif supplémentaire.
Les médecins urgentistes sont-ils solidaires de votre mouvement ?
Nous avons une assemblée générale nationale le 10 septembre. L'Amuf y est conviée et nous allons nous y rencontrer pour avancer ensemble.
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