Covid-19 : victime d'un « procès en incompétence », Buzyn estime avoir eu raison trop tôt

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Publié le 23/09/2020
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Crédit photo : Capture d'écran

Avant l’audition d’Olivier Véran jeudi matin, c’est sa prédécesseure Agnès Buzyn qui était auditionnée ce mercredi après-midi par la commission d’enquête du Sénat sur la gestion de la crise sanitaire. Bien décidée à se défendre « d’un procès en incompétence » telle qu’elle le « ressent », l’ancienne ministre de la Santé s’est évertuée à défendre pendant plusieurs heures son action dans la gestion de l’épidémie. Elle a listé dans le détail les mesures qu'elle a prises jour par jour jusqu’à son départ le 15 février, au point parfois de provoquer l’agacement des sénateurs qui souhaitaient la voir rentrer plus franchement dans le vif du sujet.

« Personne la plus honnie de France »

Mise en cause pour une possible minimisation du risque épidémique au début de la crise et une réaction trop tardive de l’appareil d’État, l’ancienne ministre a une nouvelle fois voulu rétablir la vérité sur son action, des « propos tronqués » qu’on a pu lui prêter ou des « articles à charge » qui lui ont valu d’« être la personne la plus honnie de France aujourd’hui », et de recevoir « des menaces de mort » ou des critiques « teintées d’antisémitisme ».
« Je ne peux pas vous laisser dire que l’appareil d’État ne s’est pas mis en branle », a-t-elle insisté. « Nous n’avons pas cessé d’agir. Peu de ministres ont été autant en alerte et en action que moi en Europe à l’époque », souligne-t-elle. L’hématologue a mis notamment en avant le fait d'avoir été la première à exiger une réunion des ministres européens de la Santé. Après avoir détaillé l’ensemble des alertes, réunions, mesures mises en place, « je ne comprends pas comment on peut imaginer que nous étions en attente », conclut la ministre. L'ex-ministre s'est défendue de tout attentisme, alors même qu’au niveau mondial le niveau d’alerte était encore bas début février. « Je n’ai pas eu de demande d’aller plus vite, plus fort … ».

Une intuition solitaire 

L’ancienne locataire de l’avenue de Ségur a aussi souffert d’avoir été trop seule dans sa clairvoyance. « La ministre a beaucoup de pouvoir mais quand un pays pense qu’en Chine ils ne savent pas soigner, quand il y a un déni chez certains de mes collègues … ». Agnès Buzyn estime que c’est parce qu’elle est médecin qu’elle a eu cette intuition avant les autres : « c’est ce qui m’a permis de préparer aussi bien » et d'avoir les coudées franches, considère-t-elle, alors que certains de ses « collègues ministres dépendent de leurs experts ». Ne voulant pas partager son « intuition » d’une pandémie mondiale dès le 21 janvier publiquement « car on m’aurait traité de folle », elle explique avoir décidé d’informer quotidiennement les Français pour « préparer » l’opinion. Mais « force est de constater qu’elle ne s’est pas préparée », analyse-t-elle. « Ce n’est jamais bon d’avoir raison trop tôt ».


Sans surprise et comme lors des auditions des autres acteurs, Agnès Buzyn a été interrogée sur la polémique autour de la gestion des masques. Comme elle l’avait déjà fait devant la commission d’enquête de l’Assemblée, la ministre a redit qu’elle n’avait pas été alertée sur l’état des stocks. Sur le manque de masques pour les soignants, « mes enfants sont tous médecins, ils étaient au front aussi, je l’ai subi, ma famille l’a subi comme tout le monde », a-t-elle répondu, se défendant de traiter la question depuis « un trône » et d’être « hors sol ». Elle estime ceci dit que le sujet masque, à cause du traumatisme de la gestion de l’épidémie de H1N1, est resté « sous le radar pendant dix ans et j’en hérite ».


Source : lequotidiendumedecin.fr