Faut-il un quatrième plan cancer ?

Entretien avec Thomas Borel, directeur médical du Leem : « Anticiper ce qui va arriver demain »

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Publié le 21/03/2019
Visuel Leem

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Crédit photo : Leem

Quel est l'intérêt d'un plan cancer pour les big pharma ?

Un plan cancer produit une politique publique intégrée - recherche-innovation-soin - du haut en bas de la pyramide dotée d'un pilotage au plus haut niveau de l'État et d'une agence dédiée. C'est ce qui en fait l'intérêt pour les industriels du médicament. Second point, un plan donne une visibilité internationale forte de la France dans ce domaine. Ce qui permet d'afficher auprès des maisons mères un volontarisme politique très structuré dans la lutte contre le cancer.

Faut-il toujours un plan présidentiel ?

Le but n'est pas de dire à tout prix, il faut un plan de lutte présidentiel. L'essentiel est de conserver une dynamique qui couvre la séquence recherche-innovation-soin, structure l'offre de soins et tient compte de l'enrichissement de l'offre thérapeutique, bouleversante. Le Leem recommande d'adopter des approches d'anticipation de l'offre à venir afin d’anticiper les transformations sur l'organisation des soins. 

Dans la base d'innovation du Leem, outil d’horizon scanning sur les molécules en développement, on recense 800 nouveaux mécanismes d'action testés dans les portefeuilles d'études cliniques à promotion industrielle dont 400 testés en oncologie. Tout n'a pas été fait dans le cancer. C'est la cause de mortalité la plus prévalente. On a besoin d'avoir en France un accueil des activités de recherche qui soit à la hauteur de l'innovation, des portefeuilles thérapeutiques du médicament. 45 % des essais cliniques en France portent sur l'oncologie versus 25 % en Europe. La moitié des essais cliniques dans le monde sont réalisé en oncologie. Dans ce domaine, la France se distingue : 19 % des essais cliniques menés en oncologie dans le monde sont exécutés dans l'Hexagone.

Ne faudrait-il pas faire un plan diabète ou maladies cardio-vasculaires ?

Si l’on raisonne en termes industriels et non pas exclusivement de santé publique, la cancérologie est bien une priorité. Toutefois, la structuration des politiques publiques, sur l’exemple de ce qui a été fait, pourrai être tout à fait utile notamment pour renforcer l’action de prévention.

Qu'est-ce qui n'aurait pas été performant dans le troisième plan cancer ?

La bonne intégration de l'offre thérapeutique, la dimension anticipative de ce qui va arriver demain, n'a pas été un point fort lors des précédents plans. Il serait utile de le renforcer pour la suite. Les années 2016-2017 ont été compliquées au niveau international pour expliquer aux sièges des grands laboratoires internationaux la manière dont le paysage français était géré. Désormais, c'est le continuum recherche-accès qui est actuellement challengé par les industriels. Ce continuum est malmené par les interrogations sur la liste en sus, les ATU où des molécules pourtant approuvées sont dans un no man's land. L'élément clé pour investir sur un territoire repose sur l'expertise/qualité, le coût et la confiance. Elle est loin d'être partagée par tous les acteurs aujourd’hui.


Source : lequotidiendumedecin.fr