Exit le 15, bientôt le 113 ? Le projet de numéro unique en santé irrite les syndicats médicaux

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Publié le 20/12/2019
Salle de régulation du SAMU 87

Salle de régulation du SAMU 87
Crédit photo : BURGER/PHANIE

Le 113 deviendra-t-il le nouveau numéro unique de régulation santé ? C'est ce que préconisent le député LREM de Charente et urgentiste Thomas Mesnier et le président du Conseil national de l'urgence hospitalière (CNUH) Pr Pierre Carli* dans un rapport pour « un pacte de refondation des urgences » rendu à la ministre de la Santé Agnès Buzyn jeudi dernier. Les auteurs y dévoilent entre autres leur vision du futur dispositif de régulation santé, le Service d’accès aux soins (SAS), défini comme « un service distant universel, visant à répondre 24h/24, 7j/7, 365 jours par an, à la demande de soins des Français ». Le calendrier de mise en place de ce SAS est ambitieux puisque le gouvernement s'est fixé l'été 2020 comme deadline pour le lancer. Le coût de ce chantier est estimé entre 78,8 et 96,9 millions d'euros.

Accessible par téléphone, Internet ou application mobile

Accessible via le 113 mais aussi par un site (sas.fr ou urgencesante.fr) ou une application mobile, cette plateforme « permettra à chacun d’accéder à distance, de manière simple et lisible, à un professionnel de santé qui pourra lui fournir un ensemble de réponses allant du conseil à la téléconsultation, en passant par l’orientation, selon l’état de santé de chacun, vers une consultation sans rendez-vous ou un service d’urgences avec déclenchement d’un SMUR ou un autre vecteur le cas échéant », précise à nouveau le rapport (voir schéma). La mise en place d’un numéro générique pour les secours (18 + 17), le 112, est aussi proposé pour plus de lisibilité. 

Régulation « Front office »

Pour prendre en charge les appels au 113, les auteurs du rapport souhaitent développer un système de "Front office". En pratique, une personne composant le numéro sera mis en relation avec un assistant de régulation médicale (ARM) « encadré par un superviseur et un cadre de santé soumis au secret professionnel » chargé de faire le tri entre patients relevant de la médecine ambulatoire et ceux relevant des urgences. Trois degrés d'urgence sont retenus : P0 = Urgence vitale, P1 = régulation médicale immédiate par volet AMU et P2 = régulation médicale différée par MRG, qui peut être mise en attente sans risque pour le patient. En cas de P0, « ce qui arrivera dans 8 à 9 % des cas, l’ARM garde l’appelant et reprend une fonction d’ARM AMU » précise le rapport. Une rotation des ARM toutes les 4 heures est envisagée afin de lutter contre le risque d'erreur.

Pilotage ville hôpital et rôle des CPTS 

Les Drs Mesnier et Carli tentent également dans ce rapport de répondre à l'une des inquiétudes qu'avaient formulées les libéraux concernant la gouvernance du SAS. Celui-ci sera « piloté de concert par les acteurs hospitaliers des SAMU et les professionnels libéraux des CPTS, en lien étroit avec les services de secours » assurent-ils. Les auteurs soulignent aussi le rôle des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) dans la prise en charge des soins non programmés relevant de la ville et insistent sur la nécessité d'éduquer les patients au fonctionnement de la régulation. « La réussite du SAS passe impérativement par une éducation et une information des usagers les enjoignant pour toute demande de SNP à contacter dans un premier temps leur médecin traitant ou ESP, dans un second temps le numéro de la CPTS s’il existe, enfin l’utilisation de la plateforme numérique SAS (application smartphone, site) et le numéro Santé (113) en cas d’absence de solution », suggèrent les Dr Mesnier et Pr Carli.

Si les auteurs du rapport insistent sur un partenariat équilibré entre urgentistes et libéraux pour faire fonctionner le SAS, les syndicats de médecins de ville ne sont pas satisfaits des orientations proposées. En effet, leur principale revendication de garder un numéro de régulation uniquement libérale via le 116 117 n'a pas été retenue dans ce rapport. Le SML espère que la ministre de la Santé prendra en compte cette demande dans ses futurs arbitrages. « Au lieu d’étatiser une fois de plus un dispositif au risque de placer les libéraux sous la tutelle des hôpitaux, il serait plus efficace et raisonnable, de partir de l’existant, avec le 116 117, et par ailleurs de développer des structures libérales de prise en charge des urgences non vitales en ville », a communiqué le syndicat du Dr Philippe Vermesch.

Crainte d'une collaboration avec Doctolib

« Les libéraux sont méprisés dans cette affaire, estime pour sa part le président de la FMF le Dr Jean-Paul Hamon. En ne retenant pas le 116 117 d'une part mais aussi en confiant les clés du camion à Doctolib qui en profitera pour utiliser les données patient », ajoute le généraliste. Dans le rapport, les auteurs mettent l'accent sur l'importance pour le patient de pouvoir accéder dans le SAS à la liste des professionnels de santé disponibles sur son territoire et prennent ainsi l'exemple de Doctolib et ses 100 000 praticiens utilisateurs. « Le conventionnement avec ces fournisseurs est un préalable à la création de l’offre sur la plateforme », précisent Thomas Mesnier et Pierre Carli.

La CSMF insiste de son côté sur la nécessité de mettre des moyens sur la table pour encourager les médecins de ville à se mobiliser pour les soins non programmés. « L’ensemble des actes effectués en soins non programmés, actes de consultation comme actes techniques, doit faire l’objet de tarifs revalorisés pour toutes les spécialités. C’est à ce prix-là que les médecins libéraux s’engageront dans les dispositifs de permanence des soins », a précisé la Conf' à l'issue de la remise du rapport Mesnier/Carli. Pour rappel, le SML et la CSMF ont rejoint cette semaine le mouvement de fermeture des cabinets les samedis initié par MG France afin de demander un élargissement des gardes le samedi matin et une revalorisation des effecteurs. 

* Le rapport intègre les travaux de l’équipe projet associant notamment deux généralistes : Dr Laurent Bréchat, médecin libéral à la maison de santé pluridisciplinaire d’Avoine en Indre-et-Loire et le Dr Prochasson, médecin libéral à Metz et président de l’Association départementale de permanence des soins de Moselle ainsi que le Dr Patrick Goldstein, médecin chef du SAMU 59, et Vanessa Solviche, cadre de santé du SAMU 57.


Source : lequotidiendumedecin.fr