Le discours... et la méthode

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Publié le 15/10/2018

Comment soigner le système de soins français ? Il y a soixante ans, le Général de Gaulle avait initié une réforme par le haut avec la création des CHU. Emmanuel Macron a opté pour une stratégie inverse, celle d’optimiser l’offre de soins à l’échelle locale, au niveau du territoire. Résultat, les acteurs hospitaliers escomptaient une réforme de l’hôpital en profondeur. On leur a octroyé la création de 550 hôpitaux de proximité. Quelle est la grille de lecture ? Le professeur Macron réplique là dans le secteur de la santé ce qui a si bien réussi dans l’Éducation nationale, la saison passée. Tout se joue au niveau de la classe préparatoire. On dédouble donc les classes afin de fluidifier l’apprentissage de la lecture. Le même pari est lancé en santé. L’embolisation des urgences témoigne des tensions du système de santé dans sa globalité. La réponse à cette crise n’est pas dans le seul accroissement des moyens à ce niveau. C’est déjà trop tard comme pour les élèves qui déchiffrent encore un texte en 6e. L’enjeu est bien d’éviter l’arrivée aux urgences par une prise en charge des soins non programmés par la médecine libérale. Quitte à se réorganiser en profondeur avec la fin programmée de l’exercice médical en solitaire. Vive donc le collectivisme !

Mais cela n’a échappé à personne. La santé n’est pas nationale… comme l’éducation. Comment réussir le passage des bonnes intentions à l’exécution de la réforme ? Le mammouth a parfois quelques arguments à faire entendre. Il avance dans une seule direction même en l’absence d’agilité... Edouard Philippe n’en a pas dissimulé les difficultés lors de son échange avec Guy Vallancien à Chamonix le 28 septembre dernier. Comment dépasser les conflits entre le public et le privé au sein de la grande famille de l’hospitalisation au niveau local sans parler des messages aigres-doux adressés par les médecins libéraux aux hospitaliers et vice-versa ? Surtout qui mettra en musique sur le terrain ces belles paroles de la coopération retrouvée entre professionnels ? Les collectivités locales comme le suggère le Premier ministre ? Sûrement pas les ARS dont la mission s’exerce à travers la régulation, souffle un fin connaisseur du secteur.

Outre le passage à l’acte toujours redouté, un autre danger encore plus grave menace ce plan santé 2022. Les responsables affirment des valeurs qui font consensus dans des textes. Et conduisent des politiques qui se révèlent parfois en contradiction. Le secteur de la santé en a d’amères expériences. Emmanuel Macron soulève l’enthousiasme à l’Élysée. Deux semaines plus tard, l’espoir est douché lors de la présentation du PLFSS 2019 chez les hospitaliers et les acteurs industriels du médicament et du dispositif médical. Il n’y a certes pas là à dénoncer un cynisme des politiques mais bien une nouvelle illustration du dilemme renouvelé entre la fin et des moyens… qui n’existent pas. Comment répondre donc à l’absence de moyens de l’équipe du service d’urgences de l’hôpital Robert-Ballanger (Aulnay-sous-Bois)  lors de l’Émission politique diffusée sur France 2 ? Edouard Philippe a témoigné à Chamonix combien le moment avait été difficile. Comment alors ne pas désespérer Aulnay-sous-Bois ou Billancourt tout en leur demandant de se mettre « en ordre de marche » ? Les responsables au plus haut niveau l’ont compris, l’exercice va être difficile. Et l’hôpital dans les prochains mois n’a pas fini d’être en souffrance. Saura-t-il attendre l’échéance de 2022 ?


Source : Décision Santé: 312