Courrier des lecteurs

Les délices du tiers-payant

Publié le 09/10/2015
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J’avoue ne pas comprendre pourquoi les médecins sont contre le tiers-payant généralisé et obligatoire, car c’est un système qui fonctionne admirablement bien. Il existe effectivement des impayés, mais les réclamations sont simples et efficaces. Je ne comprends pas la majorité de nos confrères qui ne réclament jamais, faisant croire non seulement qu’ils gagnent assez, mais surtout qui font croire que l'outil est sans défaut. D’autant plus que, à l’inverse, quand vous devez ne serait-ce que 10 centimes à la Sécurité sociale, elle vous les réclame en vous menaçant de poursuites judiciaires.

Voici donc quelques exemples pour illustrer mes propos. C’était il y a fort longtemps, il fallait envoyer encore ses FSP à la Sécu pour se faire rembourser. Quand on recevait 60 francs sur son compte, on ne savait jamais quel patient était concerné. Alors, par commodité, j’adressais mes FSP par série ; quand je réclamais 650 F et que j’avais un virement de 650 F, je savais que j’avais été correctement payé. Un jour, j’ai adressé un lot classé par nom et par date d’acte d’environ 150 FSP d’un seul coup… Je n’ai été payé que de la moitié. Curiosité, pas la partie du haut de la pile ou la partie basse, mais de façon aléatoire dans la pile, un peu comme si la pile était tombée, et ramassée dans le désordre. Après plusieurs réclamations sans réponse satisfaisante, il m’a été répondu de faire des duplicatas en mentionnant DUPLICATA et en faisant de nouveau signer les patients. J’ai trouvé une solution plus élégante, j’ai fait appel à un médiateur, ça sert à trouver une solution efficace. J’ai donc envoyé un courrier à la revue « Le Généraliste » qui a publié. Une semaine après, j’ai eu au téléphone le sous-directeur de la caisse de Sécu qui m’a dit avoir très mal vécu mon courrier – traduisons, il a dû se faire engueuler par les ministères - et comme par hasard, tout a dû être retrouvé au fond d’une corbeille à papiers, car j’ai été payé illico du solde.

Plus récemment, une caisse, la MGEN, m’adresse un courrier, comme quoi, ils m’avaient réglé deux fois la même feuille de soins, et m’imposaient de rembourser dans les plus brefs délais ; dans le courrier, était indiqué le numéro du code de la Sécurité sociale qui leur permettaient de me réclamer. J’ai donc parcouru le net pour lire cet article…qu’ils ne connaissaient absolument pas. J’ai donc répondu en remerciant pour l’indication de cet article car le délai de réclamation – 3 ans de mémoire – était déjà dépassé de plusieurs mois, et que je ne leur devais absolument rien. Quelle efficacité des services de recouvrement !! Une autre fois, un patient vient me voir, car il me dit que j’ai été réglé à sa place, ayant coché par erreur la case « tiers-payant ». J’ai contacté la caisse pour avoir un duplicata de la feuille litigieuse. À l’époque, pour gagner du temps, comme beaucoup si vous savez regarder, j’avais une signature très réduite, en gros une croix avec une boucle sur le côté droit. Quelle ne fut pas ma surprise, de constater que ma signature était inversée en miroir, faite donc par un gaucher ! J’ai signalé mon mécontentement à la caisse, mais j’attends toujours la réponse. Dernier exemple, juste avant de partir en retraite. Le cas litigieux était un protocole de soins pour arrêt de travail supérieur à 6 mois, pour lequel j’ai réclamé 4 fois le tarif de 1,5 C qui m’était dû, sans aucun succès. J’ai donc de nouveau fait appel à un médiateur, cette fois-ci, celui qui avait certifié ISO notre belle caisse. En listant tout un tas de dysfonctionnements qui me faisait douter du mérite de cette certification.

C’est comme les protocoles, on suit maintenant les protocoles pour être irréprochable (surtout en cas de poursuites judiciaires), laissant à l’abandon tout le reste…15 jours après, j’étais enfin payé ! Mais, surprise, deux mois plus tard, je reçois un paiement pour un acte identique, sans mention de nom, ni de date d’acte, mais avec une valeur supérieure, car la valeur du C avait augmenté au 1er janvier, alors que j’étais donc en retraite, donc une somme que je n’ai jamais demandé. J’ai supposé…alors, rencontrant sur la place du marché un ancien patient très agréable sur le plan personnel, mais aussi au guichet de dame Sécu, je lui raconte l’histoire…surtout, il était en présence de deux collègues toujours en place. La réaction n’a pas tardé…quelques jours après, je reçois une lettre d’une responsable de chez dame Sécu, qui me conforte dans mon analyse, et qui me réclame bien faussement poliment comme dans ce genre de situation, une somme que j’ai abusivement réclamé deux fois. J’ai donc renvoyé à cette brave dame (qui avait mentionné par erreur son nom, alors que cette pratique avait disparu peu de temps auparavant pour des raisons qu'on peut deviner) un courrier pour lui demander de s’adresser à sa directrice qui était au courant du litige. Comme on peut s’y attendre, de peur d’ennuis avec le certificateur ISO, il n’y a jamais eu de suite…

On pourrait écrire tout un livre sur les bienfaits et les joies du tiers-payant, alors, pourquoi en refuser non seulement sa généralisation, mais surtout son obligation dogmatique ?

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Dr Yves Adenis-Lamarre, Bordeaux (Gironde)

Source : lequotidiendumedecin.fr