Pourquoi avez-vous récusé le projet de réforme de la gouvernance de l'hôpital dans un communiqué publié le 31 mars dernier ?
C'est un écran de fumée. Les hospitaliers ont autre chose à faire qu'à interroger sans cesse le processus de décision de l'hôpital. Nos collègues sont exaspérés. Ils essaient de préserver l'offre de soins dans leur établissement, maintenir leurs services. On vient nous mettre ce sujet sur la table, comme si cette question expliquait les difficultés actuelles de l'hôpital. La crise que l'on traverse ne provient pas du fonctionnement de la gouvernance. Notre communiqué est aussi un message destiné à nos collègues sur le terrain pour répondre à ce qu'ils vivent comme un camouflet. Notre communiqué commun aux 4 syndicats de directeurs a été envoyé le 31 mars à la mission Baille-Claris, puis publié ensuite par chaque syndicat.
Êtes-vous contre les travaux de cette nouvelle mission ?
Nous n’avons rien contre la mission et ses membres, mais nous avons été fermes pour dire que ce n'était pas à nous de répondre à des souhaits qui venaient d'en haut, même de très haut. Alors que nous étions déjà engagés dans la mise en œuvre de la précédente réforme sur la gouvernance de l'hôpital depuis 2021, le Président de la République a évoqué le tandem directeur/médecin dans son discours du 6 janvier et a remis une pièce dans la machine.
Pouvez-vous rappeler l'historique de cette première réforme ?
En 2021 il y a eu deux démarches parallèles, une par ordonnance, l’autre par une proposition de loi portée par Stéphanie Rist, suite aux conclusions du rapport Claris (qui fait maintenant partie de la mission en charge de ce nouveau tour sur la gouvernance). Dans ce cadre, les acteurs hospitaliers ont été invités à une série de concertations assez longues pour faire évoluer la gouvernance qui aille dans le sens du renforcement des prérogatives du président de la CME, avec un système de codécision mis en place sur certains domaines. Le résultat est le fruit d'un compromis issu notamment de cette concertation. A l'été 2021, une instruction a été publiée pour déployer certaines dispositions dont la charte de gouvernance. Depuis lors, leur déclinaison est en cours dans les établissements de santé, avec notamment un renforcement des attributions du président de la CME sur l'organisation interne et les nominations des responsables par codécision. En octobre 2022, le ministre de la Santé lors de l'ouverture des débats du Conseil national de la refondation au Mans, a indiqué qu'il ne souhaitait pas revenir sur ce chantier de la gouvernance déjà bien avancé. Coup de théâtre le 6 janvier lors de ses vœux aux acteurs de la santé, le Président de la République évoque le tandem directeur/médecin. S'ensuit la réouverture d'une réflexion pour faire évoluer la gouvernance des hôpitaux avec une mission confiée à Nadiège Baille et Olivier Claris qui a auditionné, entre autres acteurs, les représentants syndicaux des directeurs. Nous pensons que cette démarche n'est pas pertinente sur le fond, et aussi que le moment n'est pas du tout adéquat pour rouvrir ce débat. Les présidents de CME sont mécontents aussi de la reprise de ce chantier, car ils perçoivent des risques de déstabilisation de leur propre légitimité.
Êtes-vous favorable à la régulation de l'intérim médical, mesure appliquée depuis le 3 avril dernier et qui crée des tensions au sein des hôpitaux ?
Sur le fond, nous souhaitons la mise en œuvre de la loi Rist sur la régulation de l'intérim médical et des remplacements. Mais nous critiquons la façon dont elle se déploie avec des textes publiés très tardivement et une instruction qui donne les derniers arbitrages à quelques encablures de la date de début du déploiement de la mesure.
Comment se passe la mise en œuvre de la loi Rist ?
C'est compliqué dans tous les territoires, mais à des degrés différents. Cette mesure entraîne une remise à plat d'un certain nombre de pratiques qui se fait dans la douleur et sur un fond de pénurie générale de professionnels. Ce qui rend les discussions très tendues et accroît la confusion et la difficulté dans les discussions avec les praticiens concernés, ce sont les arbitrages rendus au niveau central. Ainsi, le relèvement du plafond était logique puisqu'il avait été fixé en 2017, il a été publié le 4 avril. Un certain nombre d'ARS accompagne les établissements pour trouver les meilleurs équilibres allant le cas échéant jusqu'à tolérer des dérogations afin qu'un certain nombre de structures jugées comme étant critiques puissent continuer de fonctionner. Il y a un mauvais moment à passer, mais notre crainte est que cette situation s'enlise et qu'on n'en sorte pas, avec des conséquences à long terme sur les fermetures d'activités et des répercussions sur les territoires en termes de pertes de chances pour les patients. L’impréparation des pouvoirs publics n'est pas comprise sur le terrain : le ministre de la Santé avait annoncé en janvier la date de début du dispositif pour le 3 avril. On ne peut pas dire qu'il n'y avait pas du temps pour conclure un tel arbitrage. Et pourtant la mise en œuvre est vraiment chaotique. Nos collègues sont dépités et angoissés. Nous sommes allés jusqu'à leur recommander de solliciter la protection fonctionnelle. Il s'agit d'un mécanisme qui permet à un fonctionnaire d'être soutenu sous diverses formes (judiciaire, psychologique). L'objectif est de les accompagner sur le terrain. Nous ne pouvons pas laisser des collègues par exemple assumer seuls la fermeture d’une activité avec des risques de perte de chance ou ne pas respecter la réglementation, ce qui les exposerait à des risques de poursuites.
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