C’est dans un contexte politique incertain – avec des ministres démissionnaires et une absence de visibilité sur le budget Sécu pour 2025 – que les représentants des fédérations professionnelles du grand âge ont tiré la sonnette d’alarme à l’occasion des dernières assises nationales des Ehpad, mi-septembre. « Quelle que soit la taille des structures, le constat en termes de trésorerie est le rouge généralisé partout en France. Nous sommes en colère car ne rien faire, c’est choisir que des personnes âgées seront mal, voire plus du tout accueillies dans nos établissements », a témoigné Daniel Goldberg, président de l’Uniopss, qui fédère les acteurs des secteurs sanitaire, social et médico-social privés à but non lucratif. « Avant même de reparler d’une loi grand âge et de proposer la refonte d’un modèle économique certes à bout de souffle, il faut garantir la survie de nos établissements. Sur les 1 700 Ehpad que compte notre fédération, 1 300 sont en déficit », a partagé Charles Guépratte, directeur général de la Fehap (qui représente entre autres les établissements privés d’intérêt collectif– Espic).
Politique et clivant
Année après année, la situation s’aggrave, sans réponse politique. « Je suis Bill Murray dans le film “Un jour sans fin”, a résumé avec humour le député socialiste Jérôme Guedj. Je revis inlassablement la même journée. L’article 10 de la loi bien vieillir du 8 avril 2024 prévoyait par exemple qu’avant le 31 décembre 2024, une loi de programmation pluriannuelle déterminerait la trajectoire des finances publiques en matière d'autonomie des personnes âgées, mais l’État est prêt à s’en affranchir ».
Parmi les causes du blocage figurerait la répartition de la gouvernance et du financement entre l’État et les départements, un sujet décrit comme « éminemment politique et clivant » par la députée Renaissance Annie Vidal, mais qui, bonne nouvelle, pourrait évoluer après l’expérimentation par 26 départements de la fusion des sections « soins » et « dépendance » (votée dans le précédent budget Sécu).
Nouvelle journée de solidarité ?
Pour Jean-Pierre Riso, président de la Fnadepa (directeurs d’Ehpad), « il est urgent de définir qui sera le capitaine de notre secteur car actuellement, les inégalités de traitement entre les territoires se creusent ». Une demande entendue par la Direction générale de la cohésion sociale : son directeur adjoint Benjamin Voisin a présenté la future réforme « comme une première étape pour travailler la gouvernance », avec des compétences plus affirmées des ARS sur les Ehpad, et des départements dans le champ du domicile. À la condition que ces derniers restent les « assembliers sur leur territoire », a réagi Olivier Richefou, président de la Mayenne et de la commission autonomie-grand âge à l’Assemblée des départements de France. L’élu a cité trois autres pistes de travail : la fixation à 30 % du taux limite d’écart pour l’application des tarifs différenciés en Ehpad, l’étude d’un système assurantiel et la création d’une nouvelle journée de solidarité.
De fait, les idées ne manquent pas. Président du Synerpa (Ehpad et résidences seniors du secteur privé commercial), Jean-Christophe Amarantinis a plaidé pour que « les mesures Borne de revalorisation salariale du personnel soignant [d’août 2023, NDLR] bénéficient au secteur privé lucratif, que le contour des forfaits soins soit retravaillé et que soient enfin lancées des campagnes de communication sur les métiers du grand âge ».
Le 24 septembre devait se dérouler la troisième édition de l’opération « Les vieux méritent mieux ! », initiée par la Fnadepa et associant quinze fédérations du secteur. Le point de départ d’une mobilisation professionnelle et citoyenne ?
Sophie Binet (CGT) : haro sur le privé lucratif
C’est une charge sévère contre le secteur privé lucratif à laquelle s’est livrée Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, invitée des assises nationales des Ehpad. « L’argent public ne doit plus financer les établissements privés lucratifs qui ne sont là que pour générer du cash pour leurs actionnaires. Tant que nous ne réglerons pas cette question fondamentale, nous ne progresserons pas car le scandale des Ehpad privés entraîne dans sa chute les établissements publics et privés non lucratifs », a-t-elle déclaré. Sophie Binet a appelé à une régulation accrue du secteur, à l’inscription dans la loi du taux d’encadrement, à une amélioration des contrôles « qui doivent être réellement inopinés » dans les établissements et à une forte augmentation des salaires. « Dans les secteurs privé et privé non lucratif, nous avons recensé 48 métiers, hautement féminisés, dont les minima sont inférieurs au Smic. Les personnels sont de plus en plus nombreux à préférer les contrats précaires à la titularisation. Cette distanciation avec l’employeur est un signal d’alerte », a-t-elle souligné.
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