Vous venez d'être nommé à la tête d'une mission ministérielle pour développer le sport santé en France, comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?
Dr Dominique Delandre : De manière très favorable. En juillet dernier, le ministre de la Santé et de la Prévention François Braun m'a proposé la mission. J'ai un peu réfléchi, pris des avis extérieurs de personnes très engagées sur le sujet que je connaissais bien. Et je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup à faire en France. C’est ce qui m'a fait accepter la mission. Je pense que ma fonction d'élu local, ma vision de médecin et de sportif amateur pourra m'être d'une grande aide pour la mener à bien. Pour m'aider, je vais d'ailleurs être entouré d'une équipe d'experts, composée d'anciens sportifs de haut niveau, de chercheurs, d'enseignants universitaires et de médecins pour travailler sur le sujet. C'est très important de fédérer des profils aussi variés pour avoir une vision la plus large possible.
Concrètement, quelles seront les actions de cette mission ?
Dr D.D. : L'objectif va être de fédérer l'ensemble de ces experts pour, en premier lieu, définir une méthodologie, faire un état des lieux du sport santé en France et définir des axes de travaux prioritaires qui seront ensuite validés avec l'ensemble du groupe d'experts. La mission commencera réellement le 19 décembre avec une réunion prévue à Paris avec l'ensemble des parties prenantes. Cette rencontre permettra de valider les premiers axes sur lesquels travailler pour lancer la mission. Si nous n'en sommes pour l'instant qu'au début, des priorités se dessinent déjà. Par exemple, nous comptons travailler sur l'activité physique chez les jeunes, les séniors, en milieu professionnel, le sport santé sur ordonnance et les maisons sport santé. Nous allons aussi travailler sur l'aménagement des territoires afin que les collectivités puissent adapter leur urbanisme et ainsi faciliter les déplacements dits actifs (déplacements à vélo, à pieds) et proposer des équipements sportifs en accès libre. Avant ça, il faudra bien évidemment dresser un état des lieux afin d'identifier ce qui existe déjà dans les territoires. Au besoin, nous pourrons nous en inspirer pour d'autres territoires si ces dispositifs fonctionnent bien. Nous souhaitons par ailleurs créer un catalogue d'actions en matière de sport santé. Celui-ci pourrait être fourni aux collectivités locales pour qu'elles puissent piocher dedans.
Comptez-vous impliquer les professionnels de santé, notamment les médecins ?
Dr D.D. : La sensibilisation des médecins à la question du sport santé va être évidemment un des enjeux majeurs de la mission. De manière générale, les professionnels de santé sont insuffisamment formés à cette thématique et pour l'instant ça ne décolle pas. En effet, très peu de médecins prescrivent du sport sur ordonnance. Cela s'explique à la fois car ils n'ont malheureusement pas le temps et aussi parce que le sport n'est pas ancré dans la culture française, contrairement aux pays anglo-saxons. Un des objectifs va donc être de renforcer le sport sur ordonnance qui s'adresse généralement en prévention secondaire et tertiaire. Il va y avoir un vrai travail de pédagogie et de sensibilisation à faire auprès des professionnels de santé. Nous allons aller à leur rencontre pour en parler, discuter des différents dispositifs qui existent, etc. C'est essentiel de les informer et de leur donner une visibilité de toutes les actions existantes. Cela permettra un meilleur adressage de leurs patients vers des structures adaptées. Là-bas, ils pourront être pris en charge par des éducateurs sportifs, des kinés ou encore des professeurs d'activité physique adaptée.
Pourquoi est-il essentiel que les médecins prescrivent davantage le sport santé ?
Dr D.D. : C'est le meilleur médicament et il est gratuit ! Absolument toutes les études scientifiques prouvent l'efficacité d'une activité physique, que ce soit en prévention primaire ou secondaire. Il y a des pathologies comme l'artériopathie des membres inférieurs, le diabète, l'obésité, l'hypertension artérielle (HTA), la dépression légère à modérée où l'activité physique est préconisée en première intention avant même tout traitement médicamenteux. Nous connaissons les bienfaits physiques, psychiques, cognitifs et sociaux de l'activité physique, c'est donc vraiment important de miser dessus. Nous savons aussi que l'activité physique adaptée potentialise les traitements en chimiothérapie. Le risque de développer un cancer du sein ou du colon est réduit de 20 à 25 % en ayant une activité physique. Bref, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Par ailleurs, la sédentarité a un coût considérable en France. L'Association nationale des élus du sport (Andes) l'a récemment évalué à 17 milliards par an. Cela prend en compte les dépenses de santé, les dépenses sociales, etc. Alors qu'on observe actuellement une baisse de 25 à 30 % des capacités physiques chez les jeunes en l'espace de 40 ans — ce chiffre ne cesse de progresser —, il devient urgent de sensibiliser la jeune génération si l'on veut continuer à pouvoir financer notre système social. Si rien est fait, certains Français ne pourront plus travailler à cause des pathologies qu'ils auront développées.
Que conseillerez-vous à des généralistes désireux de promouvoir davantage l'activité physique ?
Dr D.D : Il ne faut pas que les médecins hésitent à inciter leurs patients à adopter une activité physique adaptée en fonction de leurs besoins. Lorsqu'on parle d'activité physique on pense à la salle de sport ou au sport en club mais rien que le fait de bouger a un bénéfice pour la santé. Les généralistes ne doivent pas hésiter à inciter leurs patients à opter pour la marche plutôt que la voiture pour se rendre sur leur lieu de travail. Les activités quotidiennes comme jardiner, faire du ménage ou monter les escaliers sont considérées comme de l'activité physique. Toutes ces activités sont donc à promouvoir. Chez l'adulte, les recommandations sont : 30 minutes d'activités à raison de cinq fois par jour, donc un total de 150 minutes. Pour l'enfant de 3 à 17 ans, cela tourne autour d'une heure par jour. Les généralistes ne doivent pas hésiter à le rappeler à leurs patients.
Avec cette mission, quels objectifs visez-vous à terme ?
Dr D.D : In fine, l'objectif est d'inciter les Français à bouger plus. Ma vision un peu utopique serait que notre pays devienne culturellement une nation sportive et active, que le sport devienne une cause nationale. Nous espérons, que les Jeux Olympiques, qui auront lieu en 2024, y participent et motivent les Français à faire plus de sport. Aujourd'hui, l'enjeu est grand. L'obésité ne cesse de progresser ; 10 à 20 % des Français en souffrent et 50 % des Français sont en surpoids. Il est urgent d'agir. Nous devons mener une réflexion globale en prévention primaire et secondaire.
Avec votre activité d'élu, de médecin généraliste et cette nouvelle mission, vous allez dire adieu au footing… ?
Dr D.L. : (Rires) Alors personnellement, je pratique davantage le vélo. Mais effectivement, c'est une question que je me pose car je vais avoir logiquement moins de temps pour moi. Faites ce que je dis mais pas ce que je fais (rires à nouveau) ! Heureusement, j'ai pu adapter mon activité actuelle et je travaille désormais à 80 % dans le centre de réeduction dans lequel j'exerce. Je consacre désormais tous les vendredis à la mission, entre autres, car je vais devoir me rendre régulièrement au ministère de la Santé à Paris. Quant à mes actions d'élu, elles vont aussi se poursuivre comme à l'habitude. Je continuerai à travailler un peu tous les jours et à me rendre à la mairie quand il le faut. Mais globalement, je parviens à tout concilier. C'est une question d'organisation. C'est vrai que cela me laisse peu de temps pour la pratique sportive. Le vélo ce sera maintenant le week-end et surtout l'été. En revanche dès que je peux, je fais un peu de sport à la maison. Quand je suis au travail, je prends les escaliers plutôt que l'ascenseur, je me gare plus loin de mon lieu de travail pour pouvoir marcher. Bref, ce sont des petites choses mais cela permet de s'entretenir un minimum !
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