La pratique du chemsex (contraction de chemicals et sex), associant rapports sexuels et consommation de produits psychoactifs de synthèse, semble concerner des publics de plus en plus diversifiés en termes d’âge, de catégories sociales et de recours aux soins.
« Au départ, la pratique était surtout partagée par des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH), de 35 à 45 ans, urbains, CSP +. Mais 10 ans après, on la retrouve dans toute la France, y compris en milieu rural, dans toutes les catégories sociales et parmi des populations hétérosexuelles. L’entrée dans la pratique est aussi plus précoce. C’est une source d’inquiétude », explique au « Quotidien » le Dr Dorian Cessa, auteur de l’enquête « Sea, Sex & Chems », menée auprès de près 2 800 personnes, dont environ 1 200 pratiquants, présentée le 24 novembre à la mairie de Paris.
Peu de données disponibles
En essor en France depuis la fin des années 2000, la pratique vise à intensifier ou prolonger les rapports sexuels par la consommation principalement de cathinones (apparues autour de 2008 en France, notamment 3MMC, 4MEC, NRG2...) et/ou de GHB, seuls ou parfois associées à d’autres substances (cocaïne, kétamine, Crystal Meth, poppers, MDMA, méthamphétamine). « La diffusion de certaines de ces drogues, notamment de la 3MMC, a été significativement majorée depuis le début de l'épidémie de Covid-19 », est-il relevé.
Malgré l'essor du phénomène, peu de données consolidées et fiables sont disponibles, notamment en termes sanitaires. En France, le ministère de la Santé a lancé une mission de trois mois, confiée au Pr Amine Benyamina, sur l’usage de drogues dans le cadre du chemsex. Les conclusions sont attendues prochainement.
Pour son enquête menée avec le centre d'addictologie (Csapa) lyonnais de la Croix-Rousse et le collectif queer lyonnais Plusbellelanuit, le Dr Dorian Cessa a diffusé un questionnaire de 80 items via les milieux associatifs et militants, les applications de rencontre et les réseaux sociaux, les sphères festives et culturelles, mais aussi les services et centres de soins.
De mars à juillet 2021, 2 767 réponses ont été reçues, dont 1 196 de personnes ayant déjà pratiqué le chemsex. Parmi ces derniers, 883 étaient des HSH (73,7 %), 198 des femmes principalement hétérosexuelles (16,5 %), 65 des hommes hétérosexuels (5,4 %) et 50 personnes (4,2 %) étaient non-cisgenres (trans, non binaires).
Une prise en charge de problématiques multiples
L’analyse des questionnaires a permis de mettre en évidence un ensemble de facteurs de risque d’entrée dans la pratique du chemsex : l’expérimentation du travail du sexe (OR à 7), la séropositivité (OR à 2,82), les antécédents de violences sexuelles (OR à 1,25), l’expérimentation de nouveaux produits de synthèse (cathinones) et du GHB (OR à 10 et 5,5, respectivement), mais aussi le changement d’orientation sexuelle et les partenaires multiples.
Concernant les addictions liées aux substances dans le cadre du chemsex, le principal facteur de risque identifié est la non-binarité (OR ajusté à 3,9), tandis que la séropositivité au VIH est associée avec une majoration du risque de pratique du chemsex.
Les antécédents de violences sexuelles, l’entrée précoce dans la vie sexuelle, l’expérimentation du travail du sexe ou encore la préexistence d’une dysfonction sexuelle sont également associés significativement avec les risques d’addictions (hors tabac et alcool).
Risque d’addiction chez plus de 80 % des pratiquants
« Un risque d’addiction aux substances se retrouve chez plus de 80 % des pratiquantes et pratiquants du chemsex avec un risque relatif multiplié par 2,6 », alerte le Dr Cessa, indiquant également un risque d’hypersexualité (ou addiction comportementale sexuelle) multiplié par 3 parmi les pratiquants.
« Ces personnes sont au croisement de problématiques sanitaires complexes entre prise en charge des IST, addictologie et sexualité, auxquels les professionnels de santé sont peu formés », relève le psychiatre. La prise en charge « se doit d’être addictologique, somatique, psychique mais surtout intégrative ».
Il invite également à « débloquer la question de la sexualité dans le soin », à offrir « un espace bienveillant et non jugeant sur la sexualité », alors qu’il reste « compliqué pour un patient d’aborder ces questions avec un médecin ».
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