Une cinquantaine de dispensiations en 4 mois

Démarrage difficile pour l'ATU de la naloxone en spray

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Publié le 15/12/2016
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« Cette histoire est un gâchis spectaculaire », le Dr Delile, directeur du comité d’étude et d’information sur la drogue et les addictions, à Bordeaux, ne cache pas son mécontentement quant au faible nombre de patients ayant bénéficié de l'autorisation temporaire d'utilisation (ATU) de la naloxone en spray Nasclue (laboratoire Indivior) accordée le 27 juillet dernier.

Nouvelle formulation de la naloxone, habituellement employée sous sa forme injectable en service d'urgence, Nasclue doit permettre à l'usager de traiter un surdosage suspecté aux opiacés de manière précoce dans l'attente d'une prise en charge par une structure d'urgence. Déjà disponible à l'étranger, la naloxone en spray est très attendue par de nombreux acteurs de la santé publique, jusqu'à l'Académie de médecine qui l'a appelé de ses vœux en juin dernier.

Dans ces circonstances, le chiffre avancé au « Quotidien » par la directrice adjointe des médicaments du pôle en neurologie, psychiatrie et médicaments de l'addiction à l'alcool, Nathalie Richard, a de quoi décevoir « Une cinquantaine de patients ont été inclus à ce jour » précise-t-elle. Selon le Dr Delile, ce nombre pourrait être revu à la baisse car les patients enregistrés ne récupèrent pas systématiquement leur dispositif. Ce chiffre est à mettre en perspective avec les chiffres de l'OFDT, 105 000 Français ont consommé des opiacés dans l'année écoulée, et 85 000 en ont consommé dans le mois écoulé.

Restrictions d'accès

« C'est un chiffre faible, et tous les acteurs, dont les autorités sanitaires, voudraient qu'il soit plus élevé, reconnaît Nathalie Richard, mais il faut rappeler qu'il s'agit d'une première étape de mise à disposition précoce de ce médicament avant l'obtention d'une AMM. » Elle met de plus en avant le temps nécessaire à la formation des médecins « qui doivent à leur tour former les patients à l'utilisation de la naloxone en Spray ».

Au centre des reproches fait par plusieurs organisations, dont Médecin du monde, figurent les restrictions d'accès. En effet, les médecins exerçant en Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), en service d’addictologie hospitalier, en service des urgences, dans tout autre service bénéficiant d’une équipe de liaison et de soins en addictologie (ELSA) peuvent prescrire Nalscue, mais sa délivrance est réservée aux pharmacies à usages intérieurs (PUI).

« La naloxone en spray est un médicament bien connu et assez anodin, tempête le Dr Delile, il n'est pas logique que nos patients doivent se rendre à l'hôpital, sortir leur carte vitale et faire la queue pour un produit que l'on pourrait leur donner de la main à la main. »

Nathalie Richard nuance ce constat : « La dispensation peut être réalisée directement par certains CSAPA gérés dans un établissement disposant d'une PUI, ou qui sont membres d'un groupement de coopération sanitaire ayant mis en commun une PUI. C'est également possible avec ceux qui ont fait une demande de participation à l'ATU de cohorte », précise-t-elle. Seuls les CAARUD ne peuvent ni dispenser ni inclure directement de patients dans l'ATU.

Tentative de rectifier le tir

Le laboratoire Indivior fait aussi l'objet de récriminations. « Ils nous ont un peu laissés de côté, en confiant la formation à des médecins hospitalo universitaires et non pas à des médecins issus du champ médicosocial », précise le Dr Delile.

Le Dr Delile et d'autres médecins vont proposer une modification de l'ATU. « Un article du projet de loi de financement de la sécurité sociale permet aux CARUUD de dispenser des produits de santé, et notamment de la naloxone. On dispose donc d'un cadre légal pour débloquer la situation, et surtout sauver des vies », espère-t-il. La Naloxone en spray qui fait partie des recommandations de l'OMS depuis novembre 2014, fait l'objet d'une demande d'AMM déposée fin novembre par Indivior.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9543