Malgré les avis négatifs de l’Académie nationale de médecine, de l’Académie nationale de pharmacie, du Centre national de prévention, d’études et de recherches sur les toxicomanies, du Collectif des associations anti-drogues, les tenants de l’instauration des salles de shoots pour toxicomanes (s. de s.), dans un contexte très politisé, ont eu gain de cause.
Cette disposition remet en cause, de facto, le statut des drogues dans notre société. Elle délivre aux plus jeunes un déplorable message. Ces défenseurs des s. de s. requéraient aussi la légalisation de toutes les drogues, qu’ils continuent de revendiquer. Leur logique prévoit donc qu’au bout de l’itinéraire débutant par l’alcool, suivi du cannabis et autres drogues illicites cessant de l’être, dans un processus d’escalade, les s. de s. seront l’arrivée de ce pitoyable voyage.
Un message déplorable aux jeunes
Financées par la puissance publique, les s. de s. autorisent désormais qu’en certains lieux du territoire national, des drogues soient vendues alentour et soient injectées en des locaux officiels.
Comme attendu le « service après vente » de ces aberrations sanitaires et juridiques est assuré par des articles de presse, exprimant une belle autosatisfaction. Ils visent à prévenir toute idée de marche arrière. Après la course malsaine des s. de s. de Paris et de Strasbourg, pour savoir laquelle serait la première, elles rivalisent maintenant de superlatifs flatteurs.
Pourtant, ses s. de s. s’ouvrent alors que sont invalidés successivement les arguments qui prétendaient les justifier. Les injections pratiquées par les toxicomanes ne sont plus le mode commun de contamination par le V.I.H. ou les virus de l’hépatite. L’abstention du prêt du matériel d’injection est passée dans leurs mœurs, facilitée par le libre accès au matériel d’injection, souvent gratuit, avec échange du matériel utilisé contre du matériel neuf (évitant que ce matériel soit abandonné en tout lieu).
Ces s. de s. devaient prévenir les overdoses. Or elles sont devenues plus nombreuses, car le sujet se sentant médicalement protégé est tenté de s’administrer de très hautes doses de drogue. Dans ces conditions, le recours à l’injection parentérale d’un antagoniste opioïde, la naloxone, permet le plus souvent de prévenir une issue fatale. Pour recourir à cette naloxone il n’est plus nécessaire d’être dans une s. de s. Un spray nasal, d’administration facile et d’efficacité immédiate (Nalscue®) peut être administré par quiconque. Il est salvateur en cas d’overdose, alors que son usage à tort n’est pas dangereux. Il devrait être disponible au côté des défibrillateurs.
Rixes, déjections, vociférations…
ces s. de s. devaient améliorer l’ambiance des quartiers fréquentés par les toxicomanes. Les riverains restent vent debout contre ces s. de s. qui concentrent dans leur quartier dealers et toxicomanes. Les toxicomanes en ressortent dans des états modifiés par la drogue, à l’origine de rixes, de déjections, d’exhibitions, de vociférations et autres troubles à l’ordre public…
Au plan de la responsabilité et de l‘éthique médicale de graves problèmes sont délibérément occultés. Un arrêté ministériel affranchit les médecins des conséquences qui pourraient résulter de l’intoxication des toxicomanes, en faisant signer à ces derniers une décharge. Que peut valoir, au regard de la conscience médicale, une décharge arrachée à un toxicomane en état de manque ?
Le serment d'Hippocrate bafoué
Quel médecin, digne de ce nom, peut accepter que sous sa supervision soient pratiquées des injections de substances non identifiées, à des doses inconnues, avec les impuretés des produits de coupage, dans des solutions ni stériles, ni apyrogènes… aux seules fins de leur faire ressentir le « shoot » et de pallier l’abstinence. Le serment d’Hippocrate, qui stipule que le médecin ne devra pas dévoyer sa science pour pervertir les mœurs, est bafoué…
Le subterfuge qui consiste à attirer ces toxicomanes dans l’espoir de les insérer dans des filières de soins, en les appâtant par des conditions confortables d’injection de leurs toxiques les ancre dans leur pathologie. Une multitude d’autres dispositifs, d’un coût prohibitif, sont pourtant déjà en place : CAARUD, CSAPA, centres et bus méthadone, buprénorphine à haut dosage et son « Subu » aux détournements scandaleux…
Si d’autres s. de s. venaient à être créées, à raison d’une salle pour 300 000 habitants, la dépense de 250 M€ a été avancée. Elle gonflerait la dette nationale, à moins d’emprunter cette dépense à d’autres « lignes budgétaires », empêchant de financer des opérations de prévention des toxicomanies, si peu faites et si mal faites.
Il faut de toute urgence mettre fin à cette aberration des s. de s. et repenser la désastreuse politique nationale de prévention et de prise en charge des toxicomanies, après avoir évalué l’efficacité et le coût de l’ensemble de l’addictologie. Avant de dépenser plus (ce que l’on ne peut plus faire qu’à crédit) il faut dépenser mieux.
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