L'ANSM attribue un « rapport bénéfice risque négatif » au baclofène

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Publié le 25/04/2018
BACLOFENE

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Crédit photo : PHANIE

C'est un coup dur pour le baclofène. Le comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) assemblé par l'ANSM vient d'attribuer un « rapport bénéfice risque négatif » à cette molécule dans l'indication du traitement de l'alcoolodépendance. Ce CSST a été assemblé dans le cadre de l'instruction du dossier de demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM) déposée par le laboratoire Éthypharm. Dans les extraits de l'avis, il est indiqué que l'efficacité du baclofène dans la réduction de la consommation d'alcool « a été jugée cliniquement insuffisante ». Le comité reconnaît toutefois une « amélioration significative » de la composante obsessionnelle/compulsive de l’envie de boire, ou « craving », comparativement au placebo.

Les 5 membres du CSST se sont appuyés sur les résultats des études ALPADIR (menée dans des services hospitaliers d'addictologie) et Bacloville (menée sur des patients traités en ville), complétés par une audition du laboratoire Éthypharm. La diminution de la consommation d'alcool à 6 mois, attribuée au baclofène, a été estimée à 11 g/jour dans l'étude ALPADIR (non statistiquement significatif) et à 6 g/jour dans l'étude Bacloville (résultats significatifs). Ces baisses représentent « environ 7 % de la consommation initiale moyenne », calcule le CSST.

« Compte tenu des limites méthodologiques de ces 2 études [...] la pertinence clinique de ces résultats est discutable » poursuit le CSST qui s'inquiète aussi de la sécurité du traitement. L'enquête de pharmacovigilance menée conjointement par l'ANSM, la CNAMTS et l’INSERM a également été étudiée. Ses résultats montraient une augmentation du risque d'hospitalisations et de décès avec l'augmentation des doses.

Le comité remise en cause par les associations

L'avis a été peu apprécié par les partisans du Baclofène, à commencer par le collectif Baclohelp, l'association Aubes et le réseau Addiction baclofène, composé de médecins prescripteurs. Ces derniers mettent en cause la légitimité du CSST : « la précédente commission (celle réunie par l'ANSM pour assurer le suivi de la recommandation temporaire d'utilisation du baclofène, N.D.L.R) se composait de 9 membres dont 8 médecins, 3 psychiatres, 8 addictologues, 1 épidémiologiste, 2 toxicologues et 1 spécialiste du risque », rappelle Thomas Maës-Martin, président de Baclohelp. Le CSST chargé du dossier de l'AMM ne compte « qu'un seul médecin, aucun psychiatre, aucun addictologue, aucun généraliste », rappelle-t-il.

Il existe effectivement de profondes divergences entre les deux comités. Lors de leur dernière réunion, en avril 2016, le CSST dédiée à la RTU avait supprimé un grand nombre de contre-indications (épilepsie, addiction à d’autres substances, situation sociale rendant le suivi aléatoire), autorisé la prescription en première intension et supprimer le recours à un avis collégial au sein d’un CSAPA en cas de doses supérieures à 120 mg. Ce CSST n'avait pas été consulté lors de la décision de l'ANSM d'interdire les doses supérieures à 80 mg/jour. Cette dernière décision fait d'ailleurs actuellement d'un recours devant le conseil d'État.

Membre du précédent CSST, le Dr Xavier Aknine, référent du pôle MG Addiction, comprend que l'ANSM ait changé la composition du comité. « Sa mission n'est pas la même que la nôtre, reconnait-il, mais il est regrettable qu'ils n'aient pas gardé au moins quelques membres du précédent CSST ». Pour le Dr Aknine, cet avis n'enterre pas le baclofène : « l'évaluation se poursuit ! L'ANSM aurait d'ailleurs pu attendre qu'elle se finisse pour communiquer les conclusions du CSST. Nous espérons que les auditions de médecins et de sociétés savantes seront prises en compte dans l'instruction de l'AMM », explique-t-il.

Coauteur d'un rapport récent sur la question du baclofène, le Pr Mickaël Naassila (Université de Picardie Jules-Verne) note une convergence entre l'avis du CSST et ses propres conclusions. Il considère toutefois que le baclofène a sa place dans l'arsenal des addictologues. « Ce produit fonctionne chez certains patients, estime-t-il. Au-delà du débat actuel sur l’efficacité, il faut se poser la question de l’utilisation qu’on en fait : faut-il cibler le maintien de l’abstinence ? Quel est le bon moment pour l'administrer ? » Le Pr Naassila milite pour la poursuite des études sur le baclofène. « Le L-Baclofène serait plus efficace que le mélange de R-baclofène et L-baclofène » présent dans le Lisoréal actuellement prescrit aux patients.

Prochaine étape en juillet

La procédure d'instruction du dossier va se poursuivre. Les 3 et 4 juillet prochains une commission ad hoc temporaire va réunir les membres issus des trois commissions consultatives de l’ANSM. Elle auditionnera les sociétés savantes et les associations. C'est sur la base de l'avis de cette ultime commission qu'une décision finale sera prise par l'ANSM.


Source : lequotidiendumedecin.fr