Usage récréatif du protoxyde d’azote : les cas d’intoxication ont plus que doublé en 2020, alerte l’Anses

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Publié le 18/11/2021
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Crédit photo : S.Toubon

C’est un « constat alarmant » de l’usage récréatif du protoxyde d’azote, communément appelé « gaz hilarant » ou « proto », que dresse l’Anses dans un rapport. L'agence de sécurité sanitaire s’inquiète d’une « très nette augmentation » des cas d’intoxication en 2020 chez un public jeune : 134 cas ont été rapportés aux centres antipoison (20 cas entre 2017 et 2018 et 46 en 2019) et 254 signalements ont été effectués auprès des centres d’addictovigilance (47 en 2019).

Utilisé dans l’industrie, notamment dans les cartouches pour siphon culinaire, le protoxyde d’azote est de plus en plus détourné pour un usage récréatif afin d’obtenir, par inhalation, un effet euphorisant. Facilité par un accès en vente libre sous différentes formes (cartouches, capsules ou bonbonnes), cet usage récréatif concerne principalement des jeunes adultes, notamment des étudiants, mais aussi, plus récemment, des adolescents (lycéens et collégiens).

Une hausse des cas graves, notamment des atteintes neurologiques

Déjà en 2019, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) mettait en garde sur l’augmentation des cas graves. Parmi les 134 cas rapportés en 2020 aux centres antipoison (83 hommes et 51 femmes, d’un âge médian de 20 ans), 126 étaient symptomatiques : 61,1 % des cas étaient de gravité faible, 26,2 % de gravité moyenne et 12,7 % de gravité forte.

Les données confirment la survenue de troubles neurologiques graves notamment chez les consommateurs réguliers. « Au moins un symptôme neurologique et/ou neuromusculaire était signalé dans 76,2 % des cas », indique l’Anses, dans sa lettre VigilAnses de novembre, soulignant au moins un signe moteur et/ou sensitif (paresthésies, hypoesthésies, déficit moteur, tremblements des extrémités ou douleurs musculaires) dans les trois quarts de ces cas. Quatre cas de sclérose combinée de la moelle et trois cas de myélite et de neuropathie périphérique ont par ailleurs été diagnostiqués.

Région la plus touchée, l’Île-de-France concentre un quart des cas pour seulement 18 % de la population française, suivie par les Hauts-de-France. « Ces deux régions étaient déjà les plus représentées en 2017-2019 », est-il relevé. Dans près de 20 % des cas, le protoxyde d’azote est consommé en association avec d’autres substances : alcool, cannabis, amphétamines, poppers ou encore médicaments. Les consommations, « de quelques cartouches à plusieurs centaines par jour », tendent par ailleurs à être plus régulières et non plus seulement lors d’évènements festifs.

Des effets toxiques ignorés des consommateurs

Ces données reflètent « très certainement une augmentation du nombre de jeunes inhalant du protoxyde d’azote lors de cette année si particulière mais surtout, une intensification des pratiques chez certains usagers consommant du protoxyde d’azote depuis parfois plus de deux ans », alerte l’Anses.

Cette évolution inquiète d’autant que les consommateurs ignorent le plus souvent les effets toxiques du protoxyde d’azote, que le risque soit immédiat (asphyxie, perte de connaissance, brûlure par le froid du gaz expulsé de la cartouche, perte du réflexe de toux, désorientation, vertiges, chute) ou lié à un usage régulier et/ou à forte dose (troubles du rythme cardiaque, troubles psychiques et atteintes neurologiques).

Pourtant, les cas d’atteinte neurologique et neuromusculaire sont en hausse (69,2 % en 2020 contre 59,6 % en 2018-2019), selon les notifications des Centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance et d’addictovigilance (CEIP-A), qui mentionnent également des troubles psychiatriques (34,9 % des notifications rapportées) et des effets cardiaques (8,4 %).

Afin de contrer le phénomène, une loi adoptée en juin dernier encadre de manière plus stricte la commercialisation du protoxyde d’azote : interdiction de vendre ou d’offrir du protoxyde d’azote à un mineur et interdiction de vendre ou d'offrir ce produit dans les débits de boissons et de tabac. « La mention de sa dangerosité en cas d’inhalation devra figurer sur tous les conditionnements dans des modalités qui seront fixées par un décret en préparation », indique l’Anses, qui juge « primordial » d’informer sur les risques aussi bien les consommateurs et leur entourage que les professionnels de santé.


Source : lequotidiendumedecin.fr