Courrier des lecteurs

Cancer du sein, le dépistage en question

Publié le 17/01/2019

Je rebondis sur votre article du jeudi 20 décembre 2018, n°9712 («Dépistage organisé du cancer du sein, dépasser les controverses»). Il est assez sidérant que dans un article comportant dans son titre le mot «controverse» ne soit retransmise que la seule opinion unilatérale de deux défenseurs inébranlables du dépistage du cancer du sein, et que vous ne sollicitiez précisément pas ceux qui portent avec honnêteté cette controverse sur le sujet, car il s'agit bien d'une controverse scientifique sur le dépistage systématique du cancer du sein et non pas, comme le prétend avec mépris Mme le Dr Mathelin, d'une «polémique mal fondée».

On s'étrangle même lorsqu'on lit que «les détracteurs du DO fondent leur argumentaire sur des études anciennes ou des programmes ayant des modalités très différentes de celles du modèle français». Il nous faut donc d'urgence renseigner Mme le Dr Mathelin, qui l'aurait manquée, de l'existence d'études très récentes depuis les essais de Tabar des deux comtés suédois des années 80 ; il existe, mais oui, des études toute fraîches, internationales, mettant fortement en doute l'utilité du dépistage systématique, depuis l'américaine dans le JAMA en août 2015 (Harding), en passant par la synthèse de P.Autier de 2017 «Le dépistage par mammographie: Un problème majeur en médecine », pour finir tout récemment avec l'étude de M.Moller dans l'IJC en août 2018, laquelle conclut que le dépistage par mammographie n’a pas été associé à une réduction plus importante de la mortalité par cancer du sein chez les femmes éligibles par rapport aux femmes non éligibles. De temps en temps il faut sortir de Clochemerle...

Evidemment qu'aucune étude ne se base sur le modèle français, les bases de données françaises (comme le SNIRAM) sont verrouillées et il n'existe pas de registre national du cancer, toute velléité d'étude française est donc anéantie dans l'oeuf, quoique.... Le collectif Cancer Rose dont je fais partie est bien parvenu, lui, à réaliser une étude sur les mastectomies en France sur la base du PMSI démontrant l'absence de recul des traitements chirurgicaux (mastectomies totales notamment) depuis la généralisation du dépistage.

Cette étude «Le dépistage organisé permet-il réellement d’alléger le traitement chirurgical des cancers du sein ?», publiée en octobre 2017 dans la Revue Médecine a bien pu être présentée au congrès de la Société Française de Sénologie et de Pathologie Mammaire en novembre 2017 à Lille, par l'intermédiaire d'un poster ainsi que d'une communication orale démentant ainsi les prédictions que Mr le Dr Cutuli, président de la Société Française de Sénologie, étalait dans vos colonnes (QM jeudi 26 octobre 2017, N°9613) avançant imprudemment que cette «étude ne serait acceptée par aucun congrès». Hélas, ma demande de rectification bien légitime de cette flagrante contre-vérité à votre rédaction est restée lettre morte...

Il nous faut donc rendre hommage à Mr Cutuli de cette belle visibilité qui nous a été donnée, et nous lui témoignons notre gratitude en l'informant de ce que l'estimation du surdiagnostic de 10 à 15% qu'il évoque à tout bout de champ a fait long feu, et que les études les plus modernes dont nous pouvons lui transmettre les références, le situent aux alentours de 50% actuellement...

Oui, c'est très dommage que ne soit relaté qu'un seul son de cloche dans cet article portant sur un sujet aussi en débat, que soient encore rapportés de façon aussi inébranlablement constante des poncifs sur l'utilité du dépistage, des jérémiades sur la diminution de la participation et des chiffres obsolètes comme de pauvres marronniers fatigués, tandis que les évidences scientifiques, elles, brillent ailleurs qu'en France et progressent heureusement dans les bonnes revues de renom, sans pouvoir en trouver un écho dans le Quotidien du Médecin en 2018. Ce serait bien un comble que mon courrier, lui non plus et une fois de plus ne trouve d'écho, pour la radiologue que je suis...

NDLR : le QM/ spécialistes a rapporté votre étude dans https://www.lequotidiendumedecin.fr/specialites-medicales/article/2018/…

Dr Bour Cécile, radiologue, Talange (57), présidente collectif Cancer Rose www.cancer-rose.fr

Source : Le Quotidien du médecin: 9716