Biopsie liquide : pour un dépistage précoce ?

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Publié le 14/10/2022
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La biopsie liquide a déjà fait ses preuves dans la surveillance des cancers. Plusieurs études présentées au congrès de l’ESMO 2022, dont PATHFINDER, montrent qu’elle est capable de détecter des cancers très précocement, en particulier ceux échappant au dépistage classique. Une technologie très prometteuse, mais qui demande cependant d’être affinée avant de passer dans la pratique courante.
Repérer de petites séquences d’ADN tumoral circulant, afin de détecter un signal de cancer commun

Repérer de petites séquences d’ADN tumoral circulant, afin de détecter un signal de cancer commun
Crédit photo : phanie

L'étude prospective PATHFINDER est la première à montrer qu'un test peut détecter un cancer chez les patients non diagnostiqués. Le test validé multi-cancer early detection (MCED) se fonde sur le repérage de petites séquences d’ADN tumoral circulant (ADNct), couplé à l’apprentissage automatique, afin de déceler un signal de cancer commun, dans plus de 50 types de tumeurs, et de prédire son origine. 

Un cancer confirmé pour 38 % des tests positifs

Cette étude multicentrique prospective a été menée aux États-Unis chez 6 662 personnes âgées d’au moins 50 ans (63,4 ans en moyenne), avec ou sans facteurs de risque, sans suspicion ni présence de cancer. Ils ont été suivis pendant un an après la réalisation du test.

Chez les 6 621 personnes dont les tests étaient analysables, 92 (1,4 %) ont eu un test positif et 6 529 un résultat négatif. Lorsque le test était positif, le bilan a confirmé l’existence d’un cancer dans 38 % des cas. Chez les 6 290 personnes n’ayant in fine aucun cancer, 99 % avaient eu un résultat de test négatif.

Chez les sujets testés positifs, le temps nécessaire pour obtenir la résolution diagnostique (identifier un cancer ou s’assurer de l’absence de malignité) était en moyenne de 79 jours. Ce délai était plus court pour les vrais positifs (57 jours) que chez les faux positifs (162 jours). Ceci s’explique par la répétition d’examens d’imagerie, en l’absence de cancer probant.

Concernant le bilan diagnostique mené en cas de tests positifs, le pourcentage d’examens d’imagerie est identique (92 %), qu’il s’agisse de vrais ou de faux positifs. « Il faut souligner que les procédures invasives ont été bien moins nombreuses chez les faux positifs (30 % versus 82 %), note la Pr Deborah Schrag (États-Unis). Ce qui devrait dissiper les inquiétudes, selon lesquelles ces tests pourraient s’avérer délétères en générant des procédures inutiles chez les personnes en bonne santé ».

L’origine suspectée par le test constitue une réelle aide au bilan diagnostique, puisqu’elle a été confirmée dans 88 % des cas. Finalement 35 personnes ont eu un diagnostic de cancer : 24 chez les sujets avec facteurs de risque, 11 chez les autres. Il s’agissait pour moitié de tumeurs solides et moitié d’hémopathies. Parmi les cancers détectés, 14 étaient à un stade précoce et 26 avaient échappé au dépistage standard. 

Une bonne valeur prédictive négative

Après un an de suivi, 121 personnes au total ont eu un diagnostic de cancer : 73 par le dépistage (dont 35 par le test MCED) et 48 par des signes cliniques ou radiologiques. Ainsi, 29 % des cancers diagnostiqués l’ont été par le test MCED. La spécificité du test est de 99 %. Sa valeur prédictive (VP) positive (probabilité de cancer en cas de test positif) est de 38 % et sa VP négative de 98,6 %. Il faut tester 189 individus pour dépister un cancer.

L’étude PATHFINDER constitue un espoir pour repérer des cancers qui ne peuvent actuellement pas être dépistés, comme ceux du pancréas, de l'intestin grêle et de l'estomac. Les tests doivent être améliorés. Mais surtout ils permettent de réduire la mortalité, qui est l’objectif de tout dépistage du cancer. « Il est essentiel de poursuivre le dépistage standard des tumeurs quand il est possible. Les MCED sont en cours d'affinement et de validation, pour les cancers ne disposant actuellement d’aucune option de dépistage ». 

Un avenir plus ou moins lointain ?

« Les résultats de cette étude constituent indubitablement une première étape importante vers la détection précoce de cancers auparavant difficiles à dépister, avec des implications majeures pour la future prestation de soins contre le cancer », a déclaré le Pr Fabrice André (Gustave Roussy), coprésident scientifique de l'ESMO 2022. Le Dr Umberto Malapelle (Italie) tempère cependant cet enthousiasme. « Malgré les promesses affichées par ces technologies innovantes, elles ne remplaceront pas de si tôt les modalités de diagnostic existantes en raison de nombreux obstacles, notamment la nécessité d'améliorer la sensibilité de ces multitests de cancer. L’un des problèmes est la faible quantité d'ADN tumoral circulant à un stade précoce. Il sera sans doute nécessaire de combiner différentes méthodologies ».

De plus, il ne faut pas négliger l'effet des tests de dépistage sur le bien-être des patients, ni sur la potentielle anxiété (ou dépression) provoquée par un test positif chez une personne qui ne souffre initialement de rien.

(1) Schrag D et al. ESMO 2022, abstract 9030

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin