Prise en charge préopératoire

Cancer du côlon localement avancé : opter pour la chimiothérapie néoadjuvante ?

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Publié le 28/02/2023
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Selon l'analyse finale de l'étude FOxTROT(1), débuter la chimiothérapie en néoadjuvant (six semaines avant la chirurgie) améliore le taux de résections complètes et le contrôle de la maladie à deux ans, dans les tumeurs du côlon localement avancées.

Crédit photo : SCIENCE SOURCE/PHANIE

L'étude FoxTROT porte sur 1 000 patients, recrutés essentiellement au Royaume-Uni entre 2008 et 2016. Les patients présentaient un cancer colorectal de stade III-IV au scanner, avec extension extramurale inférieure à un millimètre, sans métastase (T3-T4, N0-2, M0). Ils étaient éligibles à la chirurgie et à la chimiothérapie.

Ils ont été randomisés (en proportion 2/1) entre un bras néoadjuvant (chimiothérapie préopératoire pendant 6 semaines, puis postopératoire pendant 18 semaines) ou un bras contrôle avec une chimiothérapie adjuvante pendant 24 semaines (FOLFOX pour 72 %, CAPOX pour 28 %). Soit le même nombre de cures dans les deux groupes.

Après 2011, les patients RAS sauvage (non mutés) du bras néoadjuvant pouvaient être randomisés dans une sous-étude pour recevoir, ou pas, du panitunumab en plus.

Après 2014, les patients à plus bas risque ou âgés pouvaient être traités seulement 12 semaines (6 semaines en néoadjuvant/6 semaines en adjuvant versus 12 semaines en adjuvant).

Le critère primaire est la maladie résiduelle ou la récidive à deux ans. La maladie résiduelle est définie par une non-résection ou une résection incomplète (macroscopiquement). Les critères secondaires sont la morbidité chirurgicale, le stade histopathologique, le stade de régression, la résection complète et la mortalité totale.

Des bénéfices en faveur du schéma néoadjuvant

En termes de sécurité, les complications périopératoires sont moins nombreuses après traitement néoadjuvant. Il a été observé moins de fuites sur anastomoses et d'abcès abdominaux (5 % versus 7 %), de reprises opératoires en urgence (4 % versus 7 %) et de décès non liés au cancer (0,6 % versus 1,7 %). Le bras adjuvant est en outre associé à un recul du stade tumoral (taux de stades T4 passé de 31 % à 21 %) et histologique, des résections incomplètes (5 % versus 10 %) et de l'incapacité de réséquer (0,3 % versus 1,1 %).

Le critère primaire, maladie résiduelle ou récidive à deux ans, est significativement réduit de plus d'un quart en néoadjuvant (17 % versus 21 %, RR = 0,72 [0,5-0,9] ; p = 0,037). La mortalité spécifique par cancer colorectal et la mortalité totale tendent à diminuer, sans atteindre la significativité. La mortalité pour autres causes est comparable (2,7 % versus 2,5 %). Quant au risque de récidive, il est étroitement corrélé au stade histologique.

Concernant l’ajout du panitunumab au traitement néoadjuvant, il ne modifie pas le critère primaire retenu (taux d'extension extramurales).

Vers une nouvelle option thérapeutique ou un futur standard ?

Selon les auteurs de FOxTROT, « cette étude plaide pour intégrer l'option chimiothérapie néoadjuvante aux standards de traitement des formes localement avancées ». Peut-on aller jusqu'à prôner la chimiothérapie néoadjuvante en traitement standard ? Les éditorialistes, loin d'en être convaincus, y opposent plusieurs raisons (2).

« Cette étude a d'abord été rapportée comme négative (ASCO 2019 et 2020) avant l’incorporation des données de scanner réalisés un peu après les deux ans, rappellent-ils. Classiquement, le critère primaire est restreint à la survie sans récidive. Pourquoi y ajouter la maladie résiduelle même si cela ne change pas le résultat ? Les données ne sont pas précisées. Par ailleurs, malgré un amendement au protocole, moins de 6 % des patients n'ont eu que 12 semaines de chimiothérapie. Enfin, le traitement néoadjuvant, partant d'un stade tumoral fondé sur le scanner, tend à surclasser les tumeurs (d'environ 25 à 30 %) et induit un surtraitement. Or, à l'avenir, les dosages d’ADN circulant postopératoire permettront sûrement de mieux identifier les patients ayant besoin de chimiothérapie adjuvante. Sachant qu'aujourd'hui on traite en moyenne 100 patients pour sauver 20 vies ».

« Cette option néoadjuvante paraît néanmoins tout à fait intéressante, en particulier dans les stades IV et chez tous les patients de plus de 70 ans », concluent néanmoins les éditorialistes.

(1) Morton D et al. Preoperative Chemotherapy for Operable Colon Cancer: Mature Results of an International Randomized Controlled Trial. J Clin Oncol 2023 ; doi: 10.1200/JCO.22.00046
(2) Taieb J, Karoui M. FOxTROT: Are We Ready to Dance ? J Clin Oncol 2023 ; doi: 10.1200/JCO.22.02108

Pascale Solere

Source : lequotidiendumedecin.fr