Comment tenir compte d’un symptôme sans trop inquiéter

Cancer du sein et communication avec les patientes

Publié le 21/03/2011
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Crédit photo : S Toubon

Comment ne pas négliger un symptôme ?

En étant clinicien : chez la femme jeune sans antécédents familiaux, c’est un symptôme clinique qui va déterminer la consultation sénologique.

L’interrogatoire recherche des antécédents d’irradiation thoracique (maladie de Hodgkin) ou personnels de cancer orientant le diagnostic vers une localisation mammaire secondaire (lymphomes, leucémies, sarcomes).

La palpation soigneuse définit la mobilité ou non de la lésion, l’élasticité ou la dureté du nodule, l’intégrité ou l’attraction cutanée en regard, l’existence ou non d’un écoulement mamelonnaire associé, la présence ou non d’adénopathies axillaires.

En ayant une bonne analyse radiologique : la mammographie est peu demandée avant 30 ans en première intention en raison de l’importance de la densité mammaire rendant la visualisation et l’analyse sémiologique souvent difficiles. La mammographie numérique plein champ peut présenter un avantage statistiquement significatif (3) chez ces patientes jeunes aux seins denses (BI-RADS 3-4) bien que parfois controversé (4). Elle peut être réalisée secondairement en fonction des résultats de l’échographie première. Après 30 ans elle sera proposée surtout en fonction des signes cliniques.

La sémiologie mammographique reste la même que pour les femmes plus âgées.

Cependant, les cancers du sein de la femme jeune peuvent se présenter sous la forme de lésions pseudo-bénignes de type fibroadénomes, caractéristiques des carcinomes médullaires (3 %) dont la fréquence est plus élevée avant 35-40 ans et de façon statistiquement significative (5). Cette notion doit rester toujours présente à l’esprit du radiologue et rendre son analyse sémiologique d’autant plus pertinente.

Chez la femme jeune, l’échographie présente tout son intérêt car la densité mammaire est un écueil à l’analyse sémiologique. Dans une étude, Gordon montre que l’augmentation de taille d’une lésion classée fibroadénome n’est pas un facteur de risque de cancer si celle-ci n’excède pas 20 % à 6 mois (6). Harvey (7) chez 320 patientes avec 81,1 % de fibroadénomes diagnostiqués par échographie et/ou mammographie, la surveillance en moyenne de 2,7 ans montre une augmentation de volume pour 6,9 % de ces lésions avec aucun cancer à la biopsie : il en conclut qu’une surveillance à court terme est une alternative acceptable à la biopsie.

L’IRM : En dehors du contexte des patientes jeunes à très haut risque rentrant dans le cadre d’une surveillance déterminée (expertise FNCLCC – HAS), l’IRM chez la femme jeune ne sera proposée qu’après concertation pluridisciplinaire si cela peut modifier la prise en charge chirurgicale et en cas de traitement néodjuvant avec évaluation de la réponse tumorale.

La caractérisation d’une lésion probablement bénigne (ACR3) ne rentre en aucun cas dans les indications de cette technique et peuvent être responsable de faux positifs.

L’intérêt des diverses explorations

L’anxiété face au risque : une étude de Mehlsen (8) montre que le degré de maîtrise des émotions est moindre chez la femme jeune lorsqu’il y a suspicion de cancer à la mammographie même avec résultats définitifs bénins. Woodward (9) dans une revue systématique de la littérature, après exclusion d’articles aux méthodologies douteuses, retrouve, de manière significative, dans 14 communications, qu’après une biopsie mammaire, les femmes porteuses d’une pathologie bénigne ont un niveau de stress et d’anxiété aussi élevé que celles atteintes d’un cancer.

Lindsfors (10) dans une étude rétrospective chez des femmes ayant eu un suivi mammographique pour lésion bénigne ou ayant subi une biopsie pour lésions bénignes montre un taux de stress plus élevé chez les femmes ayant eu un geste interventionnel que les autres et ce, en dépit des explications fournies par le radiologue ou le médecin traitant.

Une étude américaine de Liang (11) montre qu’en cas d’anomalies radiologiques, les femmes sont prêtes à payer 611 dollars pour des examens complémentaires si ceux-ci peuvent lui éviter la biopsie avec la même qualité diagnostique et 308 dollars si la fiabilité de ces examens est de 95 %.

L’intérêt de la microbiopsie chez la très jeune femme n’est pas évalué ; elle reste exceptionnelle et même peu recommandée (12) car, s’il s’agit d’une papillomatose juvénile, le traitement est chirurgical et la microbiopsie est donc inutile. En cas de doutes entre adénofibrome et tumeur phyllode, le diagnostic histologique sur carotte biopsique est très difficile en raison de la richesse cellulaire importante et le geste chirurgical sera proposé rendant redondante la microbiopsie.

Quelle surveillance ?

Chez la femme avant trente ans l’incidence des cancers étant très faible, une surveillance à 6 mois -1 an peut être proposée dans le cas de fibroadénome.

La surveillance ne doit pas être itérative car anxiogène et souvent peu suivie dans cette tranche d’âge (13).

Avant 40 ans, l’incidence est encore faible et en l’absence d’antécédents familiaux nécessitant une prise en charge protocolisée, l’objectif devrait être de permettre à ces femmes de faire leur prochaine mammographie à partir de l’âge où l’incidence des cancers fait proposer une surveillance régulière et d’éviter des examens itératifs et anxiogènes. La microbiopsie peut être proposée si la patiente est très anxieuse ou en cas de doute radiologique mais ne doit pas être utilisée pour rassurer le médecin si tous les examens sont bénins concordants.

Cas particuliers : la grossesse

On estime, en France et par an, entre 350 et 750 le nombre de femmes enceintes porteuses d’un cancer du sein au cours de leur grossesse (14) La mammographie est souvent peu contributive (15) et l’échographie première est réalisée.

Même si l’interruption de grossesse au premier trimestre n’est plus une attitude systématique, un diagnostic histologique par microbiopsie est souhaitable au moindre doute sémiologique afin de ne pas laisser évoluer un cancer avec des conséquences psychologiques ultérieures particulièrement lourdes dans ce contexte.

Conclusion

Chez la jeune femme avant 40 ans et en dehors de tout contexte familial ou personnel, la découverte d’une anomalie est avant tout symptomatologique. Un examen clinique minutieux et une analyse sémiologique radiologique rigoureuse doivent permettre de poser un diagnostic précis en limitant les techniques interventionnelles agressives aux discordances radiocliniques.

Bibliographie

1) Colonna M, Delafosse P, Uhry Z et all. Is breast cancer incidence increasing among young women ? An analysis of trend in France for the period 1983-2002. The Breast (2008);17:289-92.

2) RPC Nice Saint Paul de Vence 2009.Prise en charge du cancer du sein infiltrant de la femme non ménopausée. Oncologie 2009 ; 11 :507-532.

3) Pisano ED, Hendrick RE, Yaffe MJ et all. Diagnostic accuracy of digital versus film mammography: exploratory analysis of selected population subgroups in DMIST. Radiolgy 2008;246(2):376-83.

4) Kopans DB. DMIST Results: Technologic or observer variability ? Radiology 2008;248:703-4.

5) Vu-Nishino H, Tavassoli FA, Ahrens WA,Hafty BG.Clinicopathologic features and long-term outcomes of patients with medullary breast carcinoma managed with breast conserving therapy.Int J Radiat Oncol Biol Phys 2005 62:1040-47.

6) Gordon PB, Gagnon FA, Lanskowsky L. Solid breast masses diagnosed as fibroadenoma at fine needle aspiration biopsy :acceptable rates of growth at long term follow up. Radiology 2003 ;229 :233-238.

7) Harvey JA, Nicholson BT, Lorusso AP, Cohen.MA, Bovbjerg VE. Short-term follow-up of palpable breast lesions with benign imaging features: evaluation of 375 lesions in 320 women. Am J Roentgenol 2009 Dec;193(6):1723-30.

8) Mehlsen M, Jensen AB, Christensen S, Pedersen CG, Lassesen B, Zachariae R. A prospective study of age differences in consequences of emotional control in women referred to clinical mammography. Psychol Aging 2009 Jun, 24 (2):363-72.

9) Woodward V, Webb C. Women’s anxieties surrounding breast disorders: a systematic review of the litterature. Adv Nurs J. 2001 Jan; 33 (1) :29-41.

10) Lindfors KK, O’Connor J, Acredolo CR, Liston SE. Short-interval follow-up mammography versus immediate core biopsy of benign breast lesions: assessment of patient stress. AJR Am J Roentgenol. 1998 juillet, 171 (1) :55-8.

11) Liang W, Lawrence WF, Burnett CB, Hwang YT, Freedman M, Trock BJ, Mandelblatt JS, Lippman ME. Acceptability of diagnostic tests for breast cancer. Breast Cancer Res Treat 2003; 79 (2) :199-206.

12) Boisserie-Lacroix M . Pathologie tumorale bénigne et maligne chez l’enfant et l’adolescente : Quels examens pour ce sein ? La lettre du sénologue 2003 ; 20 :14-19.

13) Boutet G. Traitement de l’adénofibrome mammaire de l’adolescente.Eurogyn.com.

14) Vinatier D, Collinet P. Cancer du sein découvert pendant la grossesse. 28° Journées de la SFSPM 2006.Ed Databe. Paris.

15) Nicklas AH, Baker ME. Imaging strategies in the pregnant cancer patient.Semin Oncol 2000;27(6):623-32.

 Dr MICHÈLE ESCOUTE hôpital Ambroise Paré. Marseille

Source : Le Quotidien du Médecin: 8927