CAR-T cell : les infections grèvent la mortalité post-traitement

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Publié le 17/01/2024
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Après un traitement par cellules CAR-T, presque la moitié des décès hors rechutes sont liés à des infections à terme. Ce paramètre est insuffisamment suivi dans les études.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

La thérapie par lymphocytes T à récepteur antigénique chimérique, ou thérapie à cellules CAR-T, a largement amélioré le pronostic des hémopathies à cellules B en rechute ou réfractaire. Il faut néanmoins gérer leur toxicité particulière, marquée par des syndromes de relargage des cytokines (CRS) et des syndromes neurotoxiques (Incans), pouvant survenir dans les semaines après l’administration. Mais qu’en est-il de leur impact à plus long terme, sachant que les cellules CAR-T peuvent exercer un déficit immunitaire profond ?

Dans la moitié des études, le potentiel toxique des cellules CAR-T n’est pas dûment surveillé

Au moment où la FDA américaine examine leur influence sur la survenue de cancers secondaires, une métaanalyse présentée au récent congrès de l’American society of haematology (ASH) s’est penchée plus globalement sur les décès non liés aux rechutes après traitement par CAR-T cells (1).

Ses résultats mettent en évidence que les infections sont la première cause de décès non liés aux rechutes et comptent même pour près de la moitié de cette mortalité. « Cela illustre le déficit immunitaire profond et prolongé induit par ce type de thérapie, soulignent les auteurs. Par contraste, les décès liés à un second cancer ne comptent que pour 6 % de cette mortalité hors rechute. »

Études pivots et de la vraie vie rassemblant plus de 5 000 adultes

Pour cette méta-analyse, les auteurs ont colligé les données des essais cliniques de phase 3 (six études) utilisés pour l’agrément, plus les essais de phase 1 et 2 (neuf études) pour les six cellules CAR-T agréées aux États-Unis. S’y ajoutent neuf études menées dans la vraie vie après commercialisation des cellules CAR-T. Étaient exclues les études ne différenciant pas les décès dus aux rechutes des autres décès, ainsi que celles menées chez des enfants.

Au total, 5 315 patients étaient rassemblés dans ces différentes études, la majorité traités pour un lymphome diffus à grandes cellules (n = 3 770), suivis par ceux traités pour myélome multiple (n = 959), lymphome à cellules du manteau (n = 339) et lymphome indolent (n = 245).

Les cellules CAR-T utilisées sont surtout des axi-cel et des tisa-cel, suivies par les ide-cel, liso-cel, brexu-cel et cita-cel.

Le suivi médian des patients est autour de 18 mois dans les études cliniques, et de 13 mois pour les études dans la vraie vie.

Un suivi globalement insuffisant des décès non liés aux rechutes

« Près de la moitié de ces études n’intégraient pas la mortalité non liée aux rechutes dans leurs critères. Ce qui témoigne du défaut de surveillance des impacts toxiques potentiels des cellules CAR-T cell », soulignent les auteurs. Quand ils sont enregistrés, il y a d’ailleurs une forte hétérogénéité dans les observations de ces décès, avec une durée de suivi allant de trois à douze mois et des taux de mortalité non liée aux rechutes observées oscillant entre 3 et 9 %.

Dans les études où la donnée n’était pas rapportée, les auteurs ont fait une estimation ponctuelle de la mortalité hors rechute en divisant le nombre de décès non liés à des rechutes par le nombre de patients.

Au total, la mortalité non liée aux rechutes a été estimée autour de 9,4 % dans les myélomes multiples, de 8,7 % dans les lymphomes du manteau, de 6 % dans les lymphomes diffus à larges cellules et de 4 % dans les lymphomes indolents.

Près de la moitié des décès décris sont liés à une infection

Pour aller au-delà, les auteurs ont réparti tous les décès non liés aux rechutes décris (n = 441) en plusieurs catégories ; liés à un syndrome de relargage des cytokines, à une neurotoxicité, une infection, une hémorragie, un cancer secondaire, une lymphohistiocytose hémophagocytaire, une défaillance d’organe ou une raison non identifiée.

Quasiment la moitié sont liés à une infection (210 décès sur 441 : 47,6 %). Tandis que la somme des décès liés à un relargage de cytokines, une neurotoxicité ou une lymphohistiocytose hémophagocytaire ne représentent qu’un dixième de ces décès (11 %). Et ceux liés à un cancer secondaire ne comptent que pour 6 % des décès non liés aux rechutes.

« Nous savions déjà que le risque d’infection opportuniste est élevé en post-traitement. Aujourd’hui, ce travail montre que ce surrisque infectieux est en fait bien plus prolongé », concluent les auteurs.

(1) ASH 2023, OP 1064. DM Cordas dos Santos. Infections drive non-relapse mortality following CAR-t therapy across disease entities and car products - a meta-analysis of clinical trials and real-world studies


Source : lequotidiendumedecin.fr