Dix ans après, guérison des premiers patients traités par CAR-T cells

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Publié le 04/02/2022
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Crédit photo : PHANIE

Il y a 10 ans, les équipes des Drs Carl June et Joseph Melenhorst (Université de Pennsylvanie) réalisaient les tout premiers traitements par CAR-T cells, ces lymphocytes T autologues génétiquement modifiés pour exprimer des récepteurs antigéniques chimériques.

Dans la revue « Nature », ils reviennent sur le suivi au long cours des deux premiers malades, traités en 2010 pour une leucémie lymphoïde chronique : et désormais considérés comme guéris. C'est la première publication de données de suivi sur une aussi longue période. Les deux patients faisaient partie d'une étude de phase 1 visant à évaluer la sécurité du tisagenlecleucel, actuellement commercialisé sous le nom de Kymriah par le laboratoire Novartis.

« Conclure à la guérison d'un patient atteint de leucémie n'est pas quelque chose que nous prenons à la légère, explique le Dr Carl June. C'est un événement qui n'arrive pratiquement jamais. »

Toujours présentes

Première donnée importante : les CAR-T cells sont toujours détectables chez ces deux patients, 10 ans près leur transfusion. Elles représentent 0,8 et 0,1 % de l'ensemble des lymphocytes T présents (contre 90 % lors de la phase initiale). Des tests in vitro ont par ailleurs montré que ces CAR-T sont toujours actives après toutes ces années. Ont-elles empêché des récidives au cours du suivi ? Sans qu'il soit possible de l'affirmer avec certitude, les auteurs estiment que c'est bien possible.

Les CAR-T cells ont toutefois évolué : « Il y a deux phases distinctes dans la réponse contre la leucémie, détaillent les chercheurs. Une phase initiale caractérisée par une abondance de CD8+ (lymphocytes T cytotoxiques), suivie d'une phase marquée par la présence de CAR-T CD4+ (lymphocytes T auxiliaires) prolifératifs. Cette découverte est surprenante et nous pousse à repenser l'idée que nous faisions, selon laquelle les CD4+ sont responsables de la cytotoxicité contre les cellules exprimant le marqueur CD19. »

Les deux patients n'ont pas eu le même parcours. Ainsi le pic d'expansion des lymphocytes T exprimant des récepteurs antigéniques chimériques est survenu au 3e jour chez le premier et au 31e chez le second. Une différence peut être liée au dosage : le second patient s'est vu transfuser presque 78 fois moins de cellules que le premier.

Une stabilité variable

Si les clones de cellules CAR-T étaient très stables chez le premier patient, ce n'était pas le cas chez le second, porteur de modifications progressives des chaînes bêta, qui portent les récepteurs antigéniques chimériques à la surface de ces cellules. Les auteurs décrivent les mécanismes d'insertion à l'origine de ces modifications, survenues au cours des deux premières années après la transfusion.

« Ce sont les nouvelles techniques d'analyse moléculaire qui nous ont permis de mettre en lumière cette évolution, détaille le Dr Joseph Melenhorst. En 10 ans, les technologies ont évolué ». Plus de 10 000 échantillons de patients traités par la suite sont stockés dans les bases de données de monitorage des essais cliniques menés sur les CAR-T cells. La FDA impose en effet que les patients inclus dans des protocoles de recherche avec des thérapies géniques soient suivis pendant 15 ans. Le Dr Melenhorst estime que « leur analyse devrait nous réserver encore pas mal de surprises » avec, comme objectif de comprendre la raison des 30 % d'échecs thérapeutiques. En attendant le Graal : appliquer les CAR-T aux traitements des tumeurs solides.

 


Source : lequotidiendumedecin.fr