Immuno-oncologie, retour sur l’ASCO 2015

La révolution est en marche

Publié le 08/06/2015
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L’un des événements de l’ASCO 2015 a été la présentation des résultats des études CheckMate 017 et 057 dans les cancers bronchiques épidermoïdes et non épidermoïdes, prétraités et à un stade avancé.

En particulier, L. Paz-Ares (Valence, Espagne) a montré, sur une série de 592 patients dont le cancer non épidermoïde ne répondait plus à une chimiothérapie à base de platine que le nivolumab (anti-PD1) était supérieur au docetaxel en améliorant significativement la survie globale (HR = 0,73 ; 0,59-0,89 ; p = 0,00155), ainsi que les critères secondaires (taux de réponse, PFS). Dans les cancers épidermoïdes l’étude 017 met en évidence des résultats au moins équivalents avec un taux de survie global de 42 % versus 24 % sous docetaxel (HR = 0,59 ; 0,43-0,81 ; p = 0,00025). Cela correspond à 9,2 mois de survie versus 6 mois. À noter que les taux de réponse sous nivolumab sont progressifs mais qu’en cas de réponse significative à 12 mois, on enregistre déjà des survies allant de 20 à 40 mois. Enfin la tolérance est acceptable, meilleure que sous docetaxel et les effets indésirables sont le plus souvent de bas grade et contrôlables par immuno-modulateurs (corticoïdes). En un mot, le nivolumab qui a déjà obtenu des autorisations de la FDA et de l’EMEA ne devrait pas tarder à révolutionner les protocoles du cancer du poumon NSCPC.

D’autres indications et produits

Le nivolumab avait déjà obtenu son indication dans le mélanome avancé (métastatique ou non resécable) et dans cette indication une étude présentée à l’ASCO montre qu’associé à l’ipilimumab, il est plus efficace que l’ipilimumab seul (réduction de 58 % du risque de progression ; HR = 0,42 ; p ‹ 0,0001).

Des résultats plus préliminaires mais encourageants ont également été présentés dans le carcinome hépato-cellulaire, le cancer gastrique et le cancer du rein.

Par ailleurs, le portefeuille de BMS comporte aussi l’elotuzumab immuno-stimulateur ciblé contre SLAMF7, une glycoprotéine de surface fortement exprimée par de nombreuses cellules du myélome multiple et les cellules NK. L’elotuzumab est co-développé avec Abbvie dans cette indication.

Le pembrolizumab de ASD

Le pembrolizumab est le concurrent le plus direct du nivolumab, ayant déjà une indication dans le mélanome avancé. De nouveaux résultats ont été présentés à Chicago, notamment dans les tumeurs de la tête et du cou, relativement préliminaires mais encourageants. À noter que le développement du produit se fait à partir d’une vaste cohorte Keynote, avec des essais de phase 1b et que MSD, contrairement à BMS, prend beaucoup en compte les marqueurs de blocage de PD-1 pour analyser les résultats (le pembrolizumab bloque les interactions entre PD-1 et ses ligands PD-L1 et PD-L2).

AstraZeneca, le pari des associations

AstraZeneca/Medimmune a beaucoup communiqué sur son anti PD-L1, le MED 14736 avec des résultats encourageants mais très préliminaires, en particulier dans le cancer du poumon NSCLC, en monothérapie mais aussi en association avec d’autres immunothérapies ou petites molécules (CTLA-4, inhibiteurs de BRAF-dabrafenib- et/ou de MEK-trametinib-, inhibiteurs de VEGFR…). De plus, le développement du MED 14736 se fera avec un test compagnon permettant de déterminer le statut PD-L1 des patients (développé avec Ventana Medical Systems…). Nul doute qu’on disposera bientôt d’informations plus précises sur l’efficacité des stratégies incluant le MED 14736.

Beaucoup de compétiteurs

Si Roche s’est laissé un peu distancer dans le domaine de l’immunothérapie, le laboratoire entend bien combler ce retard, avec l’annonce de nombreux essais cliniques, en particulier avec le MPDL3280A qui est un anti-PDL1 : des résultats encourageants de phase 1 ont été présentés dans le cancer de la vessie métastatique.

Enfin, beaucoup d’autres candidats se pressent, comme le TG4010 de Transgene inhibiteur de la protéine MUC1, avec des résultats d’une phase 2b dans le NSCLC, chez les patients exprimant des niveaux bas de PD-L1.

On le voit, l’immunothérapie est devenue un domaine majeur de l’oncologie. Restent beaucoup de problèmes en suspens : durée d’efficacité, tolérance (même si les premières données sur le nivolumab paraissent relativement rassurantes), place des marqueurs, associations, prix… Cela dit, ne gâchons pas notre plaisir car l’immunothérapie annonce des progrès importants pour la prise en charge de cancers difficiles. N’est-ce pas le plus important ?

Dr Alain Marié

Source : Le Quotidien du Médecin: 9418