Une évolution qui concerne 50 % des patients

L’attitude thérapeutique dans le cancer colorectal métastatique

Publié le 19/03/2009
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Double problématique

La problématique posée par la tumeur primitive dans cette situation métastatique est double. En situation curative, il faut décider le moment le plus opportun d’ablation de la tumeur par rapport à l’exérèse des sites métastatiques (exérèse synchrone ou métachrone). Lorsque la situation est palliative, la question est celle de la nécessité d’une intervention chirurgicale lorsque la survie à court terme est menacée.

De plus, on différencie le cancer du rectum et le cancer du côlon puisque la radiothérapie et la radio-chimiothérapie ont démontré un intérêt pour diminuer le risque de récidive locale uniquement dans le cancer du rectum.

Comment distinguer ?

Comment distinguer une situation palliative d’une situation curative ?

La situation est curative lorsque l’ensemble des lésions peut être retiré en totalité en un ou plusieurs temps chirurgicaux.

La tumeur primitive colique est le plus souvent résécable sauf en cas de carcinose péritonéale. Une tumeur primitive rectale sera difficile à réséquer et doit être réévaluée après radio-chimiothérapie si elle apparaît fixée au toucher rectal, si elle envahit un organe de voisinage ou si la marge circonférentielle est inférieure à 1 mm en IRM.

Les métastases hépatiques sont résécables lorsqu’elles peuvent être retirées en laissant plus de 25 % de foie sain avec une marge de sécurité de 5 mm et sans envahissement vasculaire rédhibitoire (cf tableau 1). Lorsque les métastases hépatiques sont résécables, on distingue une résécabilité simple (de classe I) d’une résécabilité complexe (de classe II) qui requiert un geste majeur dans un centre expert.

L’existence de métastases pulmonaires ne contre-indique pas l’exérèse des métastases hépatiques si elles sont peu nombreuses, contrôlées par la chimiothérapie et résécables dans un second temps.

C’est aussi la réponse à la chimiothérapie qui permettra de distinguer situation palliative et curative car des métastases non résécables au départ peuvent le devenir en cas de bonne réponse à la chimiothérapie. La réponse est un facteur de bon pronostic indépendant.

En situation curative

En situation curative, faut-il opérer d’emblée ou débuter par une chimiothérapie ?

En cas de résécabilité complexe de classe II, la chimiothérapie première est recommandée en utilisant un protocole qui offre un taux élevé de réponse tumorale (FOLFOXIRI, FOLFOX ou FOLFIRI-AVASTIN). Après quatre à six cures de chimiothérapie, si les métastases répondent ou n’évoluent pas, la résection chirurgicale de la tumeur primitive est programmée et une résection secondaire des métastases hépatiques est envisagée après une chimiothérapie dans l’intervalle des deux interventions.

En cas de résécabilité simple de classe I, la chirurgie en un temps de la tumeur primitive et des métastases hépatiques est recommandée dans un premier temps mais les résultats récents d’une étude européenne (2) peuvent inciter à débuter par une chimiothérapie pré- puis post-opératoire.

Faut-il retirer la tumeur primitive et les métastases dans le même temps chirurgical ?

La résection en un temps permet en théorie de stopper la progression tumorale et d’éviter de favoriser celle des métastases pendant la période d’immunodépression postopératoire mais le risque est d’augmenter la morbimortalité d’un geste chirurgical lourd sur deux sites. Des métastases non diagnostiquées peuvent également évoluer.

La résection en deux temps permet, avec une chimiothérapie entre les deux interventions, de tester la chimiosensibilité des métastases et de mieux sélectionner les patients répondeurs ou non progressifs qui ont le meilleur pronostic à long terme. Le seul inconvénient de la résection en deux temps est de laisser évoluer malgré la chimiothérapie un patient vers la non résécabilité alors qu’il pouvait être considéré comme résécable initialement. Ce risque est de plus en plus faible actuellement avec les progrès des chimiothérapies qui permettent un contrôle tumoral dans plus de 80 % des cas.

Les études ont montré chez des patients sélectionnés que la morbimortalité n’était pas augmentée lors d’une résection hépatique mineure synchrone de moins de 3 segments. Dans les études de résection différée (6-8 mois), la survie était améliorée dans le groupe contrôlé par la chimiothérapie mais 1/3 des patients n’étaient pas opérés de leurs métastases secondairement. Une résection synchrone est donc recommandée lorsque l’exérèse hépatique est mineure (tableau et encadré).

Faut-il retirer la tumeur primitive si le pronostic est lié à la diffusion métastatique de la maladie ? Dans ce cas existe-t-il une alternative ?

En situation de métastases non résécables, la question est de savoir si une chirurgie sur la tumeur du côlon modifie l’évolution de la maladie. Si celle-ci est symptomatique (subocclusion, hémorragie), un geste est recommandé. Une prothèse colique peut permettre d’évittableaux 1 et 2er une intervention chirurgicale et notamment une colostomie. Il n’y a pas d’études randomisées comparant la prothèse colique et la chirurgie mais l’efficacité de la prothèse est d’environ 90 % pour une durée médiane d’efficacité de 106 jours. Les principaux inconvénients sont les suivants : migration (10-11 %), resténose (7-10 %), perforation (3-4 % et 6 % sous chimiothérapie). Une prothèse colique peut également lever une occlusion et permettre de débuter la chimiothérapie plus rapidement en situation curative. Les nouvelles molécules antiangiogéniques permettent d’obtenir dans cette situation de métastases non résécables des médianes de survie proche de 2 ans mais comportent un risque de perforation intestinale qui est augmenté si la tumeur colique reste en place (ce risque reste faible autour de 2 ou 3 %). La mise en place d’une prothèse sera donc privilégiée si l’envahissement métastatique est important et la durée de vie estimée courte.

Si la tumeur n’est pas symptomatique, la chimiothérapie peut être débutée en premier car la présence de la tumeur primitive ne semble pas être un facteur pronostique péjoratif important sur la survie ; un geste chirurgical pourra être envisagé secondairement si elle devient symptomatique.

Cas particulier du cancer du rectum.

La situation est plus complexe et les alternatives thérapeutiques multiples seront discutées après un bilan précis par échoendoscopie et/ou IRM en cas de tumeur localement avancée.

La radiothérapie couplée à une chimiothérapie permet d’avoir une action à la fois locale (diminution des risques de récidive locale pour les tumeurs classées supérieures à T2N0) et générale mais la chimiothérapie utilisée comme radiosensibilisant n’est pas optimale sur le plan des métastases (les biothérapies ne sont en particulier pas encore validées pendant la radiothérapie).

Si les métastases sont potentiellement résécables, on commencera la séquence thérapeutique par une chimiothérapie avec un effet possible sur les symptômes rectaux.

La radiothérapie pourra être courte (5 x 5 grays) si une intervention chirurgicale rapide doit être programmée ou selon un schéma standard en 5 semaines couplé à une chimiothérapie de type FOLFOX.

Une prothèse est utilisable si le pôle inférieur de la tumeur est au-delà de 6 cm du sphincter anal.

La chirurgie des métastases est le plus souvent différée sauf en cas de localisation unique ou facile.

En conclusion

Une fois le bilan d’extension complet réalisé, l’exérèse de la tumeur primitive ne doit donc être envisagée qu’après discussion en réunion de concertation pluridisciplinaire car elle doit s’intégrer dans une stratégie thérapeutique complexe impliquant radio-chimiothérapeute, gastro-entérologue, chirurgien et radiologue. La campagne de dépistage par Hémoccult dans le groupe à risque moyen, la coloscopie diagnostique en cas de signes cliniques (3) ou de facteurs de risque doit permettre de réduire le nombre de patients métastatiques.

Référence :

(1) Thesaurus national de cancérologie digestive : http://www.snfge.asso.fr Bibliotheque-Thesaurus-cancerologie.

(2) B. Nordlinger et coll., Lancet, 2008 Mar 22 ; 371(9617) :1007-16.

(3) Endoscopie digestive basse : indication en dehors du dépistage en population http://www.has-sante.fr.

Dr ERIC VAILLANT Lille

Source : lequotidiendumedecin.fr