Au congrès annuel de l’AACR

Le lait maternel pour dépister le cancer du sein

Publié le 05/04/2011
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Crédit photo : S. toubon/« le quotidien »

LA GROSSESSE est un temps privilégié pour dépister le cancer du col de l’utérus. L’accouchement le sera-t-il demain pour évaluer le risque de cancer du sein ? C’est ce que suggère une équipe de l’université du Massachusetts en proposant une nouvelle méthode de dépistage fondée sur l’analyse du lait maternel. « À l’aide d’un simple prélèvement de colostrum, il sera possible d’évaluer la santé des seins, explique le Pr Kathleen Arcaro, principal auteur de l’étude. Ce type d’examen présente les avantages d’être non invasif, potentiellement bon marché et très précis ». Alors que près de 80 % des femmes donnent la vie, le taux de couverture serait potentiellement large.

Les chercheurs ont recueilli le lait maternel d’environ 250 femmes, pour lesquelles une biopsie mammaire était réalisée ou programmée. Les prélèvements des 2 seins étaient analysés dans les 24 heures. Le recrutement était réalisé à 90 % à partir de la cohorte du Love/Army of Women, qui avaient inclus des femmes désireuses de participer à la recherche sur le cancer du sein.

Des cellules épithéliales

L’intérêt de la méthode tient au recueil, à travers le lait maternel, des cellules potentiellement tumorales, les cellules épithéliales. Une fois ces cellules extraites, les chercheurs ont analysé leur ADN à la recherche de signaux épigénétiques, comme la fixation de groupes méthyls « allumant » l’expression des gènes concernés. Le risque du cancer du sein a ensuite été corrélé aux résultats des biopsies. Trois gènes ont été étudiés : RASSF1, GSTP1 et SFRP1. « Plus de 35 gènes sont méthylés dans le cancer du sein », précise le Pr Arcaro.

Sur les 104 femmes ayant une lésion non proliférative, considérée à risque faible, il n’y a pas eu de différence de méthylation pour les gènes RASSF1 et GSTP1, entre le sein biopsié et celui non biopsié. Pour le gène SFRP1 en revanche, la méthylation était plus importante pour le sein biopsié. Plus frappant encore, chez les femmes ayant un cancer, la méthylation du gène RASSF1 était significativement augmentée pour le sein atteint par rapport au sein non biopsié. Ces résultats très encourageants méritent d’être confirmés sur des échantillons plus grands.

Isolement social et obésité

Le stress provoqué par l’isolement social et l’obésité induite augmenteraient le risque de cancer du sein. Ce sont les observations d’une équipe de la Georgetown University chez des souris isolées et suralimentées. L’effet semble médié par un neurotransmetteur cérébral, le neuropeptide Y (NPY), qui majore alors à son tour l’obésité, l’insulinorésistance et le risque de cancer du sein. Chez ces rongeurs stressés socialement, l’équipe du Pr Leena Hilakivi-Clarke a constaté, dès 2 semaines, que les taux de NPY étaient plus élevés et qu’ils présentaient davantage de bourgeons mammaires terminaux.

À l’aide d’un modèle à haut risque de cancer du sein, les chercheurs ont comparé quatre groupes d’animaux : l’un vivant en collectivité et ayant un régime alimentaire normal, le second vivant de façon isolée et ayant un régime normal, le troisième vivant de façon isolée et ayant un régime riche en graisses, le quatrième vivant en collectivité et ayant un régime hypercalorique.

Au terme de 10 semaines, 92 % des souris stressées suralimentées ont développé des tumeurs, par rapport à 36 % pour chacun des deux groupes nourris normalement, isolé ou en collectivité. Quant aux souris vivant en groupe et suralimentées, elles étaient 67 % à développer une tumeur mammaire. De plus, les tumeurs observées parmi les souris isolées et suralimentées apparaissaient plus précocement et étaient plus volumineuses. « Ces résultats suggèrent que l’isolement social est un facteur de stress important et entraîne une réponse robuste du système nerveux central », précise le Pr Hilakivi-Clarke.

Stress cellulaire vs antiestrogènes

Des chercheurs de la Georgetown University montrent que la résistance acquise aux anti-estrogènes est en rapport avec une réponse naturelle au stress cellulaire. Selon l’équipe du Pr Ayesha Shajahan, les cellules tumorales se protègent du Faslodex et du Tamoxifène via un processus biologique habituellement enclenché lors de la production de protéines de conformation anormale. Il s’agit de l’« unfolded protein response » appelée UPR. Quand le processus UPR est engagé, deux voies se présentent à la cellule, soit celle de la survie, soit celle de l’apoptose. Or les cellules résistantes aux estrogènes sont plus susceptibles de s’engager dans un processus de survie que les cellules sensibles. Les chercheurs ont montré de plus que les cellules tumorales résistantes au Faslodex surexpriment une protéine allumant la signalisation UPR, la protéine XBP1.

 Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8938