Du nez électronique à la truffe de bergers malinois

Les nouveaux outils diagnostiques ont du flair

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Publié le 18/12/2017
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Crédit photo : Kdog

Issues de l’urine, des selles, du sang, de l’haleine ou d’autres sécrétions, les odeurs corporelles sont caractéristiques de chaque individu et dépendent aussi bien du profil génétique que de l’état physiopathologique.

Depuis l’antiquité, les odeurs constituent des indices cliniques dans les pratiques médicales traditionnelles. Ces dernières années, la détection de pathologies par le biais de l’air exhalé a montré des résultats en oncologie, pneumologie ou infectiologie. Avec le nez électronique, les chercheurs tentent désormais de mettre au point un dispositif opérationnel et accessible pour dépister, voire diagnostiquer un large panel de maladies grâce à leurs empreintes olfactives. Techniquement, le nez électronique se compose d’un support conducteur de l’électricité recouvert de nanocapteurs qui vont absorber les molécules volatiles et servir ainsi de dispositif de détection. Comme notre propre système olfactif, ce nez électronique est doté d’un processus d’apprentissage via un algorithme qui lui permet de reconnaître les odeurs caractéristiques de pathologies. Parmi les travaux en cours, une étude clinique coordonnée par l’Institut de technologie d’Israël témoigne des promesses de ce type d’outils.

86 % d’exactitude

Publiée dans la revue « ACS Nano », une étude internationale incluant 1 404 sujets répartis dans neuf centres cliniques de cinq pays (Israël, France, États-Unis, Chine, Lettonie) a permis de valider le diagnostic olfactif de dix-sept pathologies majeures avec une exactitude moyenne de 86 % : des cancers (poumon, tête, cou, colorectal, ovaire, prostate, vessie, reins), pathologies digestives (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique, syndrome du côlon irritable), maladies neurologiques (Parkinson, Parkinson atypique, sclérose en plaques), l'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), la toxémie gravidique ou des maladies chroniques du rein. En analysant les signatures olfactives par la méthode GC-MS associant chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse, les chercheurs ont montré que sur 150 composés volatils détectables dans l’haleine, seulement 13 suffisaient à signer une maladie selon les niveaux de concentration.

Projet KDOG

Si d’autres développements s’avèrent nécessaires pour mettre au point un nez électronique à des fins médicales, l’odorat du chien demeure un allier de poids dans la recherche de moyens alternatifs de dépistage, voire de diagnostic. Les chiens ont déjà fait leurs « preuves » dans le cancer de la prostate (en repérant les odeurs directement dans l’urine) ou dans le cancer bronchique (via l’air exhalé). Dans le cadre du projet KDOG porté par l’Institut Curie, nos compagnons à quatre pattes - ici des bergers malinois - ont étendu leurs compétences dans le cancer du sein en flairant des composés détectables en transcutané. Après la preuve de concept, le programme KDOG va se poursuivre dans le cadre d’une étude clinique impliquant 1 000 femmes. L’intérêt de cette approche est de proposer à la fois une méthode de dépistage alternative simple et non invasive dans les pays en développement ou pour les personnes handicapées motrices au sein de pays industrialisés. Sur le long terme, les chercheurs envisagent même d’étendre la méthode à tous les types de cancer.

David Bilhaut

Source : Le Quotidien du médecin: 9628