Au centre Oscar Lambret de Lille

Les patients identifiés par leur empreinte digitale

Publié le 06/01/2011
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

EN RADIOTHÉRAPIE, les erreurs d’identification de patients sont extrêmement rares : l’an dernier, 19 cas ont été signalés à l’Autorité de sûreté nucléaire, sur un total de 4 millions d’actes. Et encore, la majorité d’entre elles ont été découvertes avant le démarrage de la séance. Mais les erreurs sont tellement graves dans ce domaine – donnant lieu à un sous-traitement ou au contraire une dose toxique – que les équipes soignantes s’entourent d’un maximum de précautions. Le centre anticancéreux Oscar Lambret de Lille a décidé de numériser les empreintes digitales des malades, pour sécuriser au maximum leur traitement.

Après quatre années de réflexion et de préparation, le système entre en service lundi prochain.

Désormais, les patients suivis pour un traitement de radiothérapie devront montrer patte blanche, une première fois à leur arrivée dans le centre, puis une seconde fois à l’entrée de la salle de soins. Une double authentification destinée à réduire les risques d’erreurs.

« Malgré toutes les précautions prises, nous ne sommes jamais à l’abri d’une erreur d’identification, insiste le Pr Éric Lartigau, directeur délégué à la recherche. Nous réalisons systématiquement une photo de nos patients, et demandons à chaque séance leur identité . Mais une erreur de saisie ou une homonymie sont toujours possibles. Et nombre de patients ne sont pas en état de communiquer ( patients très âgés ou souffrant par exemple d’une tumeur au cerveau…). À ce jour, la reconnaissance biométrique nous paraît être le moyen le plus sûr. »

D’autres techniques existent déjà, comme le bracelet à code-barres, mais l’équipe lilloise le juge trop stigmatisant, pour des patients vivant à l’extérieur de l’hôpital et engagés dans un traitement long. « C’est leur rappeler chaque jour qu’ils sont malades du cancer », estime le Pr Lartigau. L’identification à partir du réseau veineux de l’index, qui avait la préférence de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), car ne comportant aucun risque d’usurpation d’empreinte, n’apparaît pas fiable pour des patients traités pour un cancer. Certaines chimiothérapies peuvent en effet modifier la peau et donc l’empreinte.

Consentement.

Après de longs mois de réflexion et de discussion avec le personnel du centre afin de préserver au mieux les intérêts des patients, c’est donc la numérisation des empreintes digitales qui été retenue. Il a fallu deux audiences à la CNIL pour convaincre l’assemblée de l’intérêt du système. « Avant de donner notre aval, qui est obligatoire pour toute utilisation de la biométrie, nous voulons toujours nous assurer que le recours à cette technique est vraiment indispensable, pour limiter le développement de fichiers et le traçage des individus à leur insu, explique Alex Türk, président de la CNIL. Les dérives sont toujours possibles, on peut par exemple relever l’empreinte digitale d’une personne à son insu. La vigilance est donc de mise. Dans le cas présent, nous nous sommes assurés que le fichier d’empreintes serait détruit sitôt le traitement terminé. Et nous avons exigé que le consentement du malade soit demandé avant la prise d’empreintes. »

À cette double condition, la CNIL a donné son accord pour une expérimentation d’un an, la première réalisée dans un hôpital français. Jusqu’ici, la reconnaissance biométrique était surtout utilisée dans des laboratoires nécessitant un haut niveau de sûreté et dans l’armée.

À l’issue de cette période, un premier bilan sera présenté à la CNIL pour décider si le système mérite d’être appliqué à d’autres structures de soins. Reste à savoir si les patients se sentiront en sécurité, avec ce mode d’identification un peu futuriste. Et si cette « avancée » technique ne contribuera pas à déshumaniser le lieu de soin…

FLORENCE QUILLE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8880