L'incidence des cancers a doublé en 30 ans, les femmes de plus en plus exposées

Par
Publié le 04/07/2023
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : PHANIE

Entre 1990 et 2023, le nombre de nouveaux cas de cancers, toutes localisations confondues, a doublé, « avec une augmentation de 98 % des cancers chez l’homme et de 104 % chez la femme », selon des estimations d’incidence publiées simultanément ce 4 juillet dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de Santé publique France (SPF) et dans le Panorama des cancers en France de l’Institut national du Cancer (Inca).

Selon ce travail réalisé avec le Réseau français des registres des cancers (Francim) et le service de biostatistique des Hospices civils de Lyon, cette dynamique est portée par l’augmentation et le vieillissement de la population, qui expliquent 78 % de la hausse chez les hommes et 57 % chez les femmes, mais aussi par une croissance des risques de survenue de cancers (20 % chez les hommes et 47 % chez les femmes).

Dans l’ensemble, « 40 % des cancers sont évitables », a rappelé le Pr Norbert Ifrah, président de l’Inca, lors d’un point presse. Selon les dernières données disponibles (2016), les principaux facteurs de risque sont associés aux modes de vie : le tabac (19,8 %), l’alcool (8 %), le surpoids ou l’alimentation déséquilibrée (10,8 %), mais aussi les UV, les expositions professionnelles, le manque d’activité physique, etc.

Les cancers restent la première cause de décès chez les hommes, la deuxième chez les femmes après les maladies cardiovasculaires, avec un âge médian au diagnostic de 70 ans chez les premiers et de 68 ans chez les secondes. Sur la période, les cancers de la prostate, du sein, du poumon et du colôn-rectum sont les plus fréquents « comme dans la plupart des pays européens en 2020 », est-il relevé.

Des tendances inversées entre hommes et femmes

Dans le détail, si les taux d’incidence standardisés (TSM) font apparaître un recul des principaux cancers chez les hommes, c’est l’inverse chez les femmes. Pour les premiers, un recul est observé pour les cancers lèvres-bouche-pharynx (- 2,6 % par an), de l’œsophage (-2,7 % par an), de l’estomac (-2,2 % par an), pour le cancer colorectal (- 0,3 % par an) ou encore pour le cancer du poumon (- 0,2 % par an). « Il y a beaucoup d'évolutions plutôt favorables, sauf pour le mélanome de la peau, les cancers du pancréas et du rein qui continuent à augmenter », souligne la Dr Florence Molinié, présidente de Francim.

Pour les secondes, « les évolutions sont défavorables pour davantage de localisations », poursuit-elle. Si une diminution est observée pour le cancer de l’estomac (-1,6 % par an), du col de l’utérus (- 1,4 % par an) et de l’ovaire (- 1,1 % par an), une augmentation « préoccupante » est constatée pour le cancer du poumon (+ 4,3 % par an) et les taux d’incidence du cancer du foie et du cancer du pancréas augmentent respectivement de + 3,2 % et + 3,3 % par an. « Il y a un gros signal d'attention sur la mortalité par cancer du poumon chez la femme, qui, dans les deux ou trois ans à venir, va dépasser la mortalité par cancer du sein », alerte le Pr Ifrah.

Pour expliquer la différence de tendances entre hommes et femmes, « le facteur majeur est la consommation de tabac qui a augmenté à partir de certaines générations de femmes après celle des hommes. Les effets apparaissent maintenant avec un décalage dans le temps », indique la Dr Molinié, alors que l’écart se réduit entre hommes et femmes sur le tabagisme, avec 24,7 % de fumeurs chez les hommes et 21,7 % chez les femmes. Ces tendances inversées de l’incidence des cancers liés au tabac sont également à l’œuvre dans d’autres pays, est-il souligné.

Certaines évolutions sont plus « inattendues », relève la Dr Tania d'Almeida, responsable scientifique du registre général des cancers de la Haute-Vienne et co-coordinatrice de l'étude d'incidence. C’est le cas du cancer de la prostate, dont le TSM a fortement augmenté de 1990 à 2005, avant de diminuer « de façon sensible par la suite » et de connaître une nouvelle augmentation depuis 2015.

C’est aussi le cas du cancer de la thyroïde, qui était en hausse pour les deux sexes, avant de suivre une « inversion brusque de la tendance » à partir de 2013-2014, avec des taux qui diminuent dans les deux sexes jusqu’en 2018 (de façon plus marquée pour les femmes). Pour ces deux cancers, « les projections de l’incidence de 2019 à 2023 étaient incertaines et n’ont pas été réalisées », est-il indiqué.

Concernant le recul des cancers de l’ovaire, la Dr Molinié avance l’hypothèse d’une augmentation de la contraception hormonale, notamment pour les générations de femmes (années 1960-1970), qui serait « protectrice » vis-à-vis des cancers de l'ovaire et de l'endomètre (contrairement à l'effet sur le cancer du sein). Cette utilisation plus fréquente des contraceptifs expliquerait, selon elle, « cette baisse continue du cancer de l'ovaire depuis plusieurs années ».

Un impact du Covid encore à consolider

Ces estimations restent à confirmer, car les projections pour 2019 à 2023 sont calculées à partir des données d’incidence des registres disponibles jusqu’en 2018. « Les données consolidées ne seront disponibles qu’en 2025 ou 2026 », précise le Pr Ifrah.

L’impact du Covid n’a ainsi pas été pris en compte. Mais une étude complémentaire, également publiée dans le BEH, tente d’estimer l’ampleur des perturbations à partir des données d’hospitalisations pour un nouveau cancer. Selon cette analyse, « le nombre de personnes hospitalisées pour un nouveau cancer observé en 2020 est inférieur de 5 % au nombre attendu hors crise sanitaire. Pour 2021, ce déficit d’hospitalisation est de 1 % par rapport à l’attendu », lit-on.

Un recul est également observé dans les activités de dépistage. Selon les données du système national des données de santé (SNDS), en 2020 (versus 2019), l’activité de mammographie a baissé de 10 %, et, entre mars 2020 et août 2021, une baisse de 4 % est constaté pour les chirurgies liées aux cancers, indique le Pr Ifrah. Avant de souligner, à propos du dépistage, que « la sidération n’a été que partiellement rattrapée ».


Source : lequotidiendumedecin.fr