Cancer bronchique non à petites cellules

Poumon : quelle stratégie avec l’immunothérapie ?

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Publié le 18/11/2022
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L'immunothérapie a toute sa place dans les cancers du poumon non à petites cellules (CPNPC), que ce soit en néoadjuvant, en adjuvant, ou bien en métastatique où les associations se développent… Mais quelle stratégie privilégier en fonction des situations ?

Crédit photo : phanie

Dans l'étude CheckMate 816 menée en situation néoadjuvante (1), les patients atteints de CPNPC opérables d'emblée recevaient une chimiothérapie soit seule, soit associée au nivolumab. L’objectif était d’évaluer le taux de réponse pathologique complète (RPC) et la survie sans récidive (SSR). « Après des données montrant une nette amélioration du taux de RPC (passant de 2 à 24 %), les résultats de SSR ont été dévoilés. Ils confirment l'intérêt de cette stratégie : le bénéfice est d'autant plus important que les patients étaient en RPC à l'issue de la chimio-immunothérapie d'induction. Le taux de SSR est alors de 93 % à 24 mois, versus 58 % en l’absence de RPC, chez les sujets ayant reçu le même traitement. Cela prouve aussi que la RPC est un très bon critère précoce de survie prolongée pour les patients », détaille le Dr Charles Naltet, (groupe hospitalier Paris Saint-Joseph). Envisager la chimio-immunothérapie en néoadjuvant est donc une très bonne stratégie. D'autres études sont attendues dans cette situation.

Atézolizumab ou pembrolizumab en adjuvant

L'étude IMpower 010 a porté sur des patients opérés, ayant préalablement reçu une chimiothérapie adjuvante (si indiquée). Ils étaient soit traités par atézolizumab (une injection tous les 21 jours pendant un an), soit placés sous simple surveillance (2). Les données montrent le bénéfice de l'immunothérapie dans les stades II et IIIa (avec une immunohistochimie PD-L1 ≥ 1 %). Concernant la SSR, le Hasard Ratio (HR) est de 0,66, soit une réduction de 34 % du risque de récidive. À 36 mois, le taux de SSR atteint 60 % sous atézolizumab (versus 48 %). « L'analyse en sous-groupe des patients avec PD-L1 ≥ 50 % montre un bénéfice encore plus important de l'immunothérapie (HR = 0,42). Il y a donc bien un bénéfice pour les patients à recevoir l'atézolizumab en adjuvant, dans les stades II et IIIa avec une immunohistochimie PD-L1 positive. Mais on ne sait pas si cette stratégie adjuvante est meilleure que l’approche néoadjuvante. Des études comparatives devront être menées pour répondre à cette question », indique le Dr Naltet.

L'étude KEYNOTE-091 repose sur la même stratégie. Elle inlut des patients opérés, avec un marquage PD-L1 connu, recevant une chimiothérapie adjuvante si nécessaire, et randomisés entre le pembrolizumab (toutes les trois semaines pendant un an) ou le placebo. Elle retrouve un bénéfice chez les patients PD-L1 ≥ 1 %, mais pas dans la sous-population PD-L1 ≥ 50 %. « Cela révèle sans doute que ce marqueur est très imparfait, mais pose question car ses résultats sont contraires à ceux retrouvés dans l'étude IMpower 010, pour ce sous-groupe », commente le Dr Naltet.

Des associations en métastatique

Dans le CPNPC non épidermoïde, l'actualisation à cinq ans de l'étude KEYNOTE-189 (3) confirme la très nette supériorité de l’association du pembrolizumab à la chimiothérapie, en termes de survie sans progression (SSP) et de survie globale (SG), par rapport à la chimiothérapie seule, quel que soit le sous-groupe de patients (PD-L1 négatif, entre 1 et 49 %, ou 50 % et plus). Le taux de SG à cinq ans est de 19,4 % dans le bras chimio-immunothérapie versus 11,3 % sous chimiothérapie seule. Le sous-groupe PD-L1 ≥ 50 % a le plus bénéficié de cette stratégie. La réponse tumorale est meilleure avec l’association, plus élevée également dans le sous-groupe PD-L1 ≥ 50 % (62,1 % versus 25,7 %).

Enfin, l'étude française de phase 3 ENERGY évaluait la combinaison nivolumab-ipilimumab, versus sels de platine, chez les patients fragiles (performance status [PS] 2) ou de plus de 70 ans, souvent exclus des essais (4). « L'immunothérapie ne fonctionne pas chez les patients avec un PS 2. Mais chez les plus de 70 ans PS 0 ou 1, la double immunothérapie permet un réel gain de survie (SG : 22,6 versus 11,8 mois) », indique le Dr Naltet.

(1) Forde Pm et al. N Engl J Med. 2022 May 26;386(21):1973-85
(2) Felip E et al, Lancet. 2021 Oct 9;398(10308):1344-57
(3) Garassino MC et al. ESMO 2022, abst 973M0
(4) Lena H et al. ASCO 2022, abst 9011
(5) Johnson M et al. ESMO 2022, abst LBA10

Dr Nathalie Szapiro

Source : Bilan Spécialiste