Dans le myélome multiple, le traitement de référence chez les patients éligibles à l’autogreffe - en général avant 65 ans était jusqu’ici une quadrithérapie, associant daratumumab/bortézomib/thalidomide/dexaméthasone (daraVTD). Et ce, depuis les résultats, en 2019, de l’étude Cassiopeia. Mais le thalidomide présente des effets secondaires limitants, avec des complications neurologiques périphériques, et parfois même centrales. Or, la trithérapie associant bortézomib/lénalidomide/dexaméthasone (VRD) est utilisée depuis longtemps. Et le lénalidomide, moins toxique que le thalidomide, a été génériqué en France il y a moins de deux ans. « Résultat, sur la base des bons résultats obtenus dans la précédente randomisée étude de phase II, de nombreux centres avaient déjà commencé à passer à la quadrithérapie daratumumab/bortézomib/lénalidomide/dexaméthasone (daraVRD) », explique la Pr Anne Perrot (IUCT-Oncopole, CHU de Toulouse).
Frapper au plus fort à chaque ligne
Aujourd’hui les résultats l’étude de phase 3 Perseus (1, 2) viennent confirmer la bonne activité de cette modalité de traitement et ouvrir la voie à son enregistrement. « Les données en termes de survie sans progression sont en effet très intéressantes et cela au prix d’un excès de toxicité limité dominé par des neutropénies et de thrombopénies, plus un surrisque infectieux pulmonaire que l’on sait gérer (vaccination grippe, pneumocoque, Haemophilus, antibioprophylaxie...) », commente la Pr Perrot. Sans compter des données en survie totale encourageantes, puisque les deux courbes divergent alors même que, dans le bras sans daratumumab de nombreux patients en rechute ont bénéficié, du moins en France, du daratumumab en seconde ligne.
Il faudra toutefois encore deux à trois ans de suivi avant de pouvoir confirmer le bénéfice en survie totale. Mais, a priori, cette quadrithérapie devrait venir s’ajouter au standard de traitement. « L’idée est en effet de donner le meilleur traitement dès la première ligne parce qu’à chaque ligne on perd des patients : seuls 70 % d’entre eux atteignent la seconde ligne en vie réelle. Cela, sans craindre d’être démunis lors des rechutes puisque de nombreuses nouvelles immunothérapies arrivent que ce soient les anticorps bispécifiques, les nouveaux inhibiteurs du protéasome, voire les cellules CAR-T », explique la Pr Perrot.
Une étude de phase 3 randomisée ouverte sur plus de 700 patients
L’étude Perseus, sponsorisée par l’European myeloma network en collaboration avec le laboratoire Janssen, porte sur des patients adultes naïfs de traitement porteurs d’un myélome multiple, éligibles à une chimiothérapie à haute dose plus autogreffe de cellules souches et présentant un Ecog [0-2].
Ils ont été inclus entre janvier 2029 et janvier 2020 dans 115 sites localisés dans 14 pays en Europe et en Australie, puis randomisés en deux bras. Dans le premier, les patients recevaient le traitement standard à l’époque, à savoir induction et consolidation par trithérapie VRD puis traitement de maintenance par lénalidomide. L’autre bras testant l’ajout de daratumumab (SC) en phase d’induction et consolidation ainsi qu’en maintenance.
Le critère primaire est la survie sans progression. Les taux de réponses complètes et de maladie résiduelle minimale négative (MRM) constituent les principaux critères secondaires.
Au total, 709 patients ont été randomisés. Ils ont 60 [31-70] ans d’âge médian, 15 % sont en stade 3 de la maladie et 22 % présentent des anomalies cytogénétiques à haut risque. Leur randomisation a été stratifiée sur le stade et le risque cytogénétique.
Amélioration de la survie sans progression et des réponses complètes
Au terme de 47,5 mois de suivi médian, 314 patients du bras quadrithérapie et 299 du bras trithérapie avaient complètement fini les phases d’induction et de consolidation. Respectivement 309 et 294 patients avaient été greffés. Enfin, 322 versus 300 patients avaient commencé la phase de traitement de maintenance (bithérapie daratumumab/lénalidomide vs lénalidomide).
À l’analyse intermédiaire (47,5 mois de suivi médian), la survie sans progression est significativement supérieure dans le bras trithérapie. Elle est augmentée de près de 60 % en valeur relative : RR = 0,42 [0,3-0,6]. La survie sans progression médiane n’est pas encore atteinte, mais estimée à 48 mois autour de 84 %, versus 68 %. Et ce bénéfice est retrouvé dans tous les sous-groupes cliniques pré-spécifiés, en particulier chez les patients avec une tumeur de grade 3 et/ou à haut risque cytogénétique.
Le taux de réponses complètes est aussi significativement majoré dans le bras quadrithérapie. On est à 88 % versus 70 % de réponses complètes. Il en est de même pour le taux de patients sans maladie résiduelle minimale (MRM), amélioré sous quadrithérapie : 75 % versus 47 % sans.
La survie totale n’est pas encore évaluable, le suivi étant insuffisant, mais on compte 34 décès d’un côté, versus 44 de l’autre. Une tendance positive, à confirmer ultérieurement.
Enfin, les toxicités sont légèrement augmentées. 57 % versus 49 % d’effets secondaires sérieux sont survenus sous quadrithérapie, essentiellement une majoration des neutropénies (62 vs 51 %) et des thrombocytopénies (29 vs 17 %).
(1) ASH 2023, LBA1. P Sonneveld et al. Phase 3 randomized study of daratumumab (dara) + bortézomib, lenalidomide, (vrd) versus vrd alone in patients (pts) with newly diagnosed multiple myeloma for autologous stem cell transplantation (asct): primary results of the Perseus Trial
(2) Sonneveld P et al. Daratumumab, bortézomib, lenalidomide, and dexamethasone for multiple myeloma. N Engl J Med. 2023 Dec 12.
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