Entretien avec le président de la Société française de radiothérapie oncologique

Pr Philippe Maingon : « La SFRO a porté la radiothérapie comme une spécialité à part entière en cancérologie »

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Publié le 03/10/2019
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La SFRO fête son 30 e anniversaire cette année lors de son congrès du 9 au 12 octobre 2019. Le Pr Philippe Maingon, son président, explique comment la société savante accompagne les évolutions de la discipline.

Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : À l'occasion de son 30e anniversaire, la Société française de radiothérapie oncologique (SFRO) met à l'honneur le positionnement de la spécialité en cancérologie. En quoi est-ce une évolution déterminante ?

Aujourd'hui, la radiothérapie est un acteur majeur dans le cancer avec près de 200 000 patients traités par an. C'est un pilier du trépied pour le traitement du cancer, avec la chirurgie et l'oncologie médicale. Les radiothérapeutes suivent une formation d'oncologue, c'est une spécialité en cancérologie. Mais cela n'a pas toujours été le cas, car historiquement la radiothérapie était associée à la radiologie avant les années 1970.

Le congrès va rassembler cette année les acteurs qui ont contribué à définir et affirmer l'identité de la radiothérapie. C'est une discipline jeune, et la quasi-totalité des présidents de la SFRO seront là. La valeur représentative de la SFRO est pleine et entière : le congrès a rassemblé 1 000 participants en 2018 pour 800 oncologues radiothérapeutes en France.

Comment la SFRO accompagne le dynamisme de la spécialité ?

La SFRO a lancé cette année le réseau RadioTransNet de structuration de la recherche préclinique. Il y a un changement de paradigme ces dernières années : les doses délivrées deviennent plus importantes pour un nombre plus réduit de séances. Depuis 2012, le nombre de patients traités a augmenté de 12 % quand le nombre de séances n'a progressé que de 6 %.

Les raisons sont multiples et convergentes : alors que l'efficacité est meilleure et que la dose délivrée est un facteur pronostic de guérison, sont apparus des outils qui permettent de l'accomplir de façon très précise, avec les accélérateurs linéaires dotés d'imagerie de repositionnement avec TDM embarqué. L'impact médico-économique n'est pas négligeable, avec davantage de personnes traitées, une file d'attente réduite et moins de déplacements pour les patients.

Le réseau RadioTransNet, labellisé par l'Institut national du cancer (INCa), a pour objectif d'évaluer 4 points essentiels : comment optimiser la définition des tumeurs ; connaître les réactions des tissus sains à l'irradiation ; définir les meilleures combinaisons radiochimiothérapies ; comment calculer les doses dans les conditions nouvelles. Deux sessions en partenariat avec l'INCa y seront consacrées lors du congrès.

La SFRO a des revendications claires pour son avenir : la radiothérapie doit être reconnue à sa juste valeur, en particulier au coût des machines et de leur environnement, sans quoi son développement risque d'être freiné. C'est d'autant plus vrai que les accélérateurs avec IRM embarquée arrivent. Trois sont disponibles en France, bientôt 4. Une décision ministérielle est nécessaire pour harmoniser l'offre sur le territoire.

Quelles nouveautés techniques seront présentées au congrès ?

Les accélérateurs avec IRM embarquée constituent un saut technologique, qui permet d'améliorer considérablement la précision des traitements. L'IRM est plus performante, là où la tomodensitométrie (TDM) est insuffisante. C'est le cas pour les tumeurs mobiles, comme le poumon et le foie, les tumeurs du pancréas et la maladie oligo-métastatique.

Une session au congrès sera dédiée aux maladies oligo-métastatiques. Il s'agit d'un cancer avec une atteinte à distance ≤ 5 lésions et touchant moins de 2 organes. Cette entité ouvre la question des traitements focaux avec les outils de haute précision capables de stériliser les petits foyers tumoraux.

La SFRO contribue à faire travailler ensemble les 3 sites de protonthérapie en France situés à Paris-Orsay, Nice et Caen, via une plateforme commune d'échanges des données (indications, localisations). L'objectif est de proposer une offre de soins disponible à tous les patients de France dans le cadre d'une stratégie organisée avec l'INCa.

Propos recueillis par le Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin