Réduction des rechutes

Tumeur du pancréas : traiter avant d'opérer

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Publié le 19/11/2021
Les options se multiplient dans les cancers du pancréas opérables. Le recours à la chimiothérapie et à la radiothérapie s’annonce prometteur en néoadjuvant. Quant aux thérapies ciblées et à l’immunothérapie, elles gardent une place restreinte.
En 30 ans, l'incidence du cancer du pancréas a doublé chez les hommes et triplé chez les femmes

En 30 ans, l'incidence du cancer du pancréas a doublé chez les hommes et triplé chez les femmes
Crédit photo : phanie

En 30 ans, l'incidence du cancer du pancréas a doublé chez les hommes et triplé chez les femmes. Cette augmentation est liée à celle des facteurs de risque, tels que le diabète, l’obésité, le tabagisme et probablement environnementaux. Ainsi, 14 000 nouveaux cas par an sont dénombrés en France. Or, leur pronostic reste sombre. « Globalement, on plafonne à 7-8 % de survie à cinq ans », rappelle le Dr Benjamin Angliviel (Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph). La mortalité est donc élevée. Selon les projections, tout en restant plus rare que les tumeurs du poumon ou du colon, le cancer du pancréas pourrait représenter la seconde cause de mortalité par cancer à l'horizon 2030. Néanmoins, des progrès ont eu lieu avec la validation en 2018 de la chimiothérapie adjuvante par folfirinox chez les patients opérés d’un adénocarcinome pancréatique (1). La survie globale a été prolongée, en passant en moyenne de 35 à 54 mois dans ces formes précoces. « Aujourd'hui, on essaye d'aller au-delà dans ces formes opérables ou limites opérables (borderline) qui représentent 20 % des tumeurs au diagnostic, ajoute le Dr Angliviel. Mais malheureusement ni les essais menés avec les thérapies ciblées, ni ceux utilisant l'immunothérapie n'ont apporté de bénéfice dans les cancers du pancréas, à quelques exceptions près ».

L’essor de la chimiothérapie néoadjuvante

Depuis quelques années, de plus en plus d'équipes débutent la chimiothérapie avant la chirurgie. Cette chimiothérapie néoadjuvante, délivrée à raison de six cures durant trois mois avant l'intervention, suivie de six cures après, a un double intérêt. Dans le cas des tumeurs résécables classées « borderline » (au contact des vaisseaux mésentériques), plusieurs études rétrospectives et méta-analyses ont montré l’intérêt d’une chimiothérapie préopératoire, notamment le folfirinox en termes de survie globale et de taux de résection complète R0 (2). L’intérêt du traitement néoadjuvant a récemment été confirmé par l'étude hollandaise randomisée PREOPANC, dans laquelle le taux de résection complète atteint 70 % (versus 40 %). C'est aujourd'hui presque un standard de traitement (3). Dans les plus petites tumeurs dites « résécables d’emblée », la question de l’intérêt d’une chimiothérapie néoadjuvante reste en revanche ouverte. L'étude française randomisée, PANACHE, devrait apporter prochainement une réponse concernant un éventuel bénéfice en survie. « L’intérêt serait alors de mieux sélectionner les patients éligibles à la chirurgie et de traiter précocement une maladie micrométastatique. Plus généralement, il faudrait permettre à tous les patients de bénéficier de l’association chirurgie et chimiothérapie, ce qui n’est malheureusement pas toujours possible, précise le Dr Angliviel. Environ 20 % des patients opérés ne peuvent pas recevoir de chimiothérapie en postopératoire ».

La radiothérapie préopératoire à l'étude

Les essais cliniques testant la radiothérapie adjuvante, post-exérèse, n'ont pas montré de bénéfice associé à cette stratégie même en cas de résection incomplète R1. Mais qu'en est-il en néoadjuvant ? Une étude randomisée teste actuellement l’ajout d’une radiochimiothérapie après la chimiothérapie en néoadjuvant dans les tumeurs borderlines. Les résultats de cette étude, PANDAS, devraient bientôt éclairer le débat de l'intérêt d'une intensification des traitements néoadjuvants dans ces tumeurs.

Thérapie ciblée et immunothérapie : place limitée !

Les thérapies ciblées utiles dans les tumeurs colorectales ont été tentées, sans succès dans le cancer du pancréas. L'immunothérapie ne fait pas mieux, sauf dans les quelques adénocarcinomes pancréatiques (moins de 1 %) qui présentent une instabilité des microsatellites (MSI) et qui répondent bien. « Ni les thérapies ciblées, ni l'immunothérapie ne sont venues bouleverser pour le moment le pronostic du cancer du pancréas », constate le Dr Angliviel. L’étude française MAZZEPA est en cours pour évaluer l'intérêt, chez les sujets métastatiques répondeurs à la chimiothérapie, d'une stratégie de maintenance basée sur les mutations tumorales. Il s’agit en l'occurrence de l’olaparib dans les tumeurs exprimant BRCA et du selumetinib, associé au durvalumab, dans les cancers KRAS positifs.

D'après un entretien avec le Dr Benjamin Angliviel (Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph).
(1) Conroy T et al. Folfirinox or Gemcitabine as Adjuvant Therapy for Pancreatic Cancer. NEJM 2018;379:2395-2406
(2) Janssen QP et al. Neoadjuvant folfirinox in Patients With Borderline Resectable Pancreatic Cancer: A Systematic Review and Patient-Level Meta-Analysis. J Natl Cancer Inst 2019; 111:782-94
(3) Versteijne E et al. Preoperative Chemoradiotherapy Versus Immediate Surgery for Resectable and Borderline Resectable Pancreatic Cancer: Results of the Dutch Randomized Phase III PREOPANC Trial. J Clin Oncol 2020;38:1763-73.

Pascale Solere

Source : lequotidiendumedecin.fr