Pronostic de certains cancers de la prostate

Un score génétique complète celui de Gleason

Publié le 01/12/2011
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À CÔTÉ de l’utilisation de microsondes pour quantifier différentes sortes d’ARNm (ARN messagers) et définir ainsi diverses sous-classes de cancer du sein, une autre approche a été développée récemment, consistant à analyser la concordance d’expression d’une série de gènes sur- ou sous-exprimés au niveau des cellules souches embryonnaires. C’est ce qui définit la signatures ESC. Mizuno et coll. ont découvert que les tumeurs mammaires à signature ESC sont presque toujours associées à une inactivation de p53 et ont un mauvais pronostic. Cette approche a été étendue à d’autres cancers et, en particulier, celui de la prostate.

La signature « ESC/p53-/PTEN- ».

Les auteurs ont évalué différentes signatures génétiques à partir d’une bibliothèque de microsondes provenant de 281 cancers de la prostate diagnostiqués (entre 1977 et 1999) dans une cohorte de patients suédois (Sboner et coll.) Ils ont constitué cinq groupes, distingués par leur signature : « ESC/p53-/PTEN- » (groupe dit « stem-like »), « TMPRSS2-ERG » (groupe de fusion de gènes) et trois groupes d’activation de voies oncogéniques (« Cytokine/RAS/Mesenchyme » ; « transitional » ; « PRC2 »). Ils ont analysé la relation entre chacun de ces types et le score de Gleason, la survie globale et la mortalité.

Le groupe d’expression « stem-like » est associé à la survie la plus faible (57 mois en moyenne), avec un fort pourcentage de décès (81 %) ; le groupe de fusion de gènes à une survie moyenne de 93 mois (et taux de décès de 76 %) ; les trois autres groupes, comparables entre eux, se caractérisent par un taux de décès de moins de 55 %.

Un risque de décès triplé.

Les chercheurs ont calculé que les patients porteurs de la signature ESC/p53-/PTEN- ont un risque de décès triplé (3,3 fois supérieur), tandis qu’il est 1,8 fois supérieur dans le groupe TMPRSS2-ERG. Il est intéressant de souligner que, parmi les 200 patients à score de Gleason de 6 et 7 (bas), ceux ayant la signature « stem-like » ont un risque 2,7 fois plus grand (p = 0,01) de mourir de leur cancer. En outre, l’âge des patients n’a pas d’influence sur cette tendance. Au total, le groupe avec la signature ESC/p53-/PTEN- représente environ 11 % des patients porteurs du cancer le plus agressif et le groupe TMPRSS2-ERG 18 % d’entre eux.

Le groupe « stem-like ».

Pour valider ces résultats dans une perspective clinique, l’équipe d’Arnold J. Levine a refait les mêmes analyses à partir d’une nouvelle série de données (131 cancers primitifs et 19 métastases, étude de Taylor et coll.), plus récentes, recueillies entre 2000 et 2006. Dans cette seconde cohorte, le groupe avec la signature ESC/p53-/PTEN- était comparable, à la réserve près d’une perte de fonction p53 moins marquée en raison du plus jeune âge des patients (moyenne de 58 ans contre 72 ans dans la cohorte suédoise) probablement parce que les mutations p53 sont plus tardives dans le cancer de la prostate. Il n’en reste pas moins vrai que la même tendance est observée, à savoir des cancers plus agressifs dans le groupe « stem-like ». Globalement, 17 % des cas récidivants ou métastatiques sont retrouvés dans ce groupe et 33 % dans le groupe de fusion de gènes.

L’intérêt de ces travaux réside dans la découverte d’une nouvelle forme de classification pronostique des tumeurs malignes de la prostate qui met en évidence une association de la signature génétique ESC/p53-/PTEN- avec les cancers les plus agressifs et un taux de mortalité plus marqué, indépendamment du score de Gleason, puisque parmi les patients à score bas (6 ou 7), le risque de décès est 2,7 fois plus élevé dans le groupe d’expression « stem-like » que dans les groupes de signatures plus bénignes. Cette approche offre donc un moyen potentiel de repérer les cancers à pronostic péjoratif alors que le score de Gleason est faussement rassurant.

EK Markert, AJ Levine et coll. Molecular classification of prostate cancer using curated expression signatures. Proc Ntl Acad Sci USA (2011). Publié en ligne.

 Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 9051