Le généraliste et les rumeurs en santé

Une approche scientifique et psychosociale

Publié le 19/02/2009
Article réservé aux abonnés

LA RUMEUR dans le domaine de la santé n’est pas un phénomène récent, note le Dr Jean-Luc Gallais, directeur du conseil scientifique de la Société française de médecine générale (SFMG). Ne craignait-on pas de voir «  éclater le cerveau  » si la vitesse des trains dépassait 60 km/h ?

Les progrès médicaux et les évolutions technologiques ont sans doute exacerbé les craintes et, par conséquent, généré de nombreuses rumeurs. La question sous-jacente est toujours la même : le progrès est-il bénéfique ou maléfique et quel prix est-on prêt à payer pour ce progrès ? Les exemples sont nombreux, des téléphones portables aux additifs alimentaires.

Citons encore «  les risques de cancer à proximité des lignes à haute tension, qui sont considérés par certains comme évidents, même si les études scientifiques ont été incapables à ce jour d’en apporter la moindre preuve  », note le Dr Gallais. «  La mise en cause des déodorants et antitranspirants dans la survenue de cancers du sein en est aussi une très bonne illustration  », poursuit-il. C’est pourquoi la SFMG s’est intéressée à ce sujet, qui a servi de modélisation au phénomène de rumeur en santé, thème de cette session au Médec.

Sur Internet.

«  Dans cette affaire, la rumeur est née d’un mail, rappelle le Dr Gallais, et l’information s’est rapidement propagée via Internet ». La FDA aux États-Unis et l’AFSSAPS en France ont pris position pour infirmer ce risque. Un rapport récent d’un comité d’experts, qui, après analyse de l’ensemble des données de la littérature, a exclu toute relation entre ces produits et le cancer du sein, pour clore le débat. Le Dr Élisabeth Luporsi, du centre de lutte contre le cancer Alexis Vautrin de Nancy, en fera l’historique et présentera les données ayant abouti à cette conclusion publiée en 2008 dans le « Bulletin du cancer » : «  Il n’existe à l’heure actuelle aucune preuve qu’un composant des déodorants/antitranspirants puisse induire un cancer du sein  ».

Cet exemple est intéressant, car il regroupe l’ensemble des caractéristiques d’une rumeur : une information sans preuve, une propagation amplifiée par les médias et encore plus aujourd’hui par Internet, un impact symbolique et socioculturel fort dans la population.

C’est pourquoi, aux côtés des Drs Gallais et Luporsi, la session accueillera Philippe Oliviéro, maître de conférence et chercheur en sciences sociales à l’institut Gustave Roussy, qui apportera les éléments d’analyse psychologique et sociale de la rumeur en santé.

Pour y faire face, il faut décoder ces différents éléments. Divers exemples de rumeurs en santé seront abordés pour témoigner des enjeux et des interactions scientifiques, médiatiques, sociales et politiques qui s’expriment. La question du « principe de précaution » est le fil rouge de nombreuses rumeurs actuelles comme celles liées au Wi-Fi et aux antennes de la téléphonie portable.

Pour revenir à la rumeur sur les déodorants, la conclusion a été claire ; il n’y a pas de lien et il n’est pas nécessaire de faire de nouvelles études. Mais la question des croyances et celles des représentations restent au premier plan.

D’après un entretien avec le Dr Jean-Luc Gallais

Session de cancérologie « le médecin généraliste et les rumeurs en santé : décrypter et faire face », parrainée par Unilever.

Mercredi 11 mars, de 14 h 30 à 16 heures.

Pour s'inscrire : www.lemedec.com ou secretariat@lemedec.com

Renseignements : 02.38.90.80.06.

Dr MARINE JORAS

Source : lequotidiendumedecin.fr