Les biothérapies

Une nouvelle cause de pathologies respiratoires ?

Publié le 24/03/2011
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LES BIOTHERAPIES exercent des effets biologiques par interaction avec un récepteur cellulaire (signal de prolifération [G-CSF, par exemple], d’inhibition ou d’apoptose). Ce sont, soit des anticorps monoclonaux (mab), soit de petites molécules chimiques (nib), soit des récepteurs solubles (cept). Les biothérapies exercent des effets cytotoxiques, cytomodulateurs, antiagrégants, inhibiteurs des plaquettes, de l’angiogénèse ou de facteurs de croissance par interaction avec le récepteur spécifique. Elles sont utilisées dans le traitement de pathologies inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde [PR], psoriasis, maladie de Crohn), néoplasiques (lymphomes, tumeurs solides [cancer bronchopulmonaire]), allergiques (asthme) et dans la maladie coronarienne. Ces nouveaux traitements représentent un immense progrès thérapeutique. Leurs effets indésirables respiratoires restent dans l’ensemble rares. Il peut s’agir de pneumopathies aiguës fibrosantes, de pseudo-sarcoïdoses, d’hémorragies alvéolaires et d’infections opportunistes, notamment tuberculeuses.

Des effets indésirables respiratoires divers.

Comme avec toute molécule protéique, une réaction anaphylactique est possible et attendue lorsqu’on injecte des anticorps qui conservent des fragments murins. La symptomatologie est classique : rash cutané, flush, douleurs abdominales, bronchospasme, collapsus, choc. La réaction survient dès la première administration ou plus tard selon un processus de sensibilisation. Peuvent aussi se produire des réactions à la perfusion avec prurit, sensation de malaise et parfois sibilances, la plupart du temps bénignes et contrôlées sous corticostéroïdes et antihistaminiques.

L’hémorragie alvéolaire est assez rare. Elle peut compliquer les traitements par inhibiteurs de l’agrégation plaquettaire en particulier dans un contexte de désobstruction coronaire récente ou de mise en place de stent, notamment sur fond de dysfonction ventriculaire gauche.

La tuberculose, complication démontrée des anti-TNFα, (infliximab, étanercept) est liée à leur effet immunodépresseur et à leur action inhibitrice du TNFα. Une tuberculose latente non diagnostiquée est le risque principal ; aussi les patients doivent être soigneusement évalués avant le début de traitement : provenance géographique et ethnie, antécédent de tuberculose traitée ou non, présence d’anomalies en imagerie suggérant une tuberculose séquellaire ou non, réactions cutanées tuberculiniques et test de l’interféron. Ce test mesure la libération d’IFNγ après mise en contact de cellules sanguines mononucléées du patient avec des motifs génomiques du BK hominis. La libération d’IFNγ au-dessus d’un certain seuil signe un contact antérieur du patient avec le BK sauvage. Le BCG n’interfère pas, ce test est donc plus discriminant que l’IDR. Pour affirmer un résultat négatif, les cellules doivent rester stimulables in vitro par un stimulant non spécifique de la libération d’IFNγ, ce qui permet d’éliminer une sidération cellulaire par immunodépression. Si le test montre un contact antérieur avec le BK sauvage et si le patient n’a pas été traité dans les règles, une chimioprophylaxie est indiquée avant d’entamer le traitement par anti-TNF (qui n’est jamais une urgence). La sélection rigoureuse des patients à traiter s’impose, car l’INH en prophylaxie n’est pas dénué de risques hépatiques parfois graves.

Le lupus médicamenteux des anti-TNF est peu fréquent, mais ses signes peuvent brouiller ou mimer les manifestations respiratoires, notamment pleurales, de la maladie rhumatismale sous-jacente. Ainsi, lorsqu’un épanchement pleural apparaît en cours de traitement d’une PR par une biothérapie, il faut distinguer l’épanchement rhumatoïde d’un épanchement lupique induit : analyse chronologique des traitements par rapport au développement de l’épanchement, caractéristiques du liquide, comparaison du taux des anticorps antinucléaires avant et après traitement.

L’apparition soudaine ou l’accélération d’une pneumopathie infiltrante chez des patients sous biothérapie est la problématique la plus délicate. La maladie de base, PR en particulier, peut induire une pneumopathie infiltrante qui peut s’accélérer en dehors de toute prise médicamenteuse. La responsabilité des biothérapies est toujours d’analyse délicate par rapport à une infection ou à la maladie de base. « Le sujet est d’actualité, mais en raison de l’influence de la maladie rhumatoïde sous-jacente, seule l’incidence comparée dans de grandes séries traitées ou non, permettra de se forger une opinion. Actuellement, il n’y a pas de signal statistique net : si ces accidents existent bien, ils sont rares. Il faut avoir présent à l’esprit que les polyarthrites placées sous biothérapies sont les plus sévères ou les plus anciennes, et le risque de manifestations extra-articulaires, y compris pulmonaires, y est vraisemblablement supérieur à ce qu’il est dans la PR moins évoluée. En cas de survenue de ces pneumopathies aiguës : arrêt temporaire de la biothérapie, bilan infectieux méticuleux, renforcement de la corticothérapie, sont de mise. La mortalité de ces accélérations de pneumopathie interstitielle atteint 40 % ».

Et les biothérapies anticancéreuses ?

Des effets pulmonaires parfois graves ont été constatés avec plusieurs d’entre elles.

Le rituximab dans le lymphome malin pourrait déclencher des détresses respiratoires aiguës en début de traitement lorsqu’il est associé à une chimiothérapie conventionnelle. Plus tard, c’est essentiellement une pneumopathie particulière, la BOOP, qui a été rapportée.

Le gefitinib et l’erlotinib, indiqués dans le traitement de cancers pulmonaires non à petites cellules, sont accusés de déclencher des poussées de pneumopathie infiltrante diffuse sévères. « Dans ce contexte, la distinction entre progression du cancer, effets de la radiothérapie, pathologie opportuniste est délicate. Les poumons ont été exposés à différentes lignes de traitement et il est souvent aventureux de blâmer tel ou tel acteur, tant les alternatives diagnostiques sont nombreuses et/ou difficiles à éliminer », conclut Philippe Camus.

Le dasatinib, nouveau traitement des leucémies myéloïdes, est un spécialiste de l’épanchement pleural inflammatoire ou chyleux, ce qui le classe à part.

Pour mémoire, de fréquentes pathologies infiltrantes sont notées sous sirolimus ou évérolimus que ces produits soient utilisés en transplantation d’organe ou plus récemment dans le traitement du cancer du rein métastatique. Ces effets sont la plupart du temps bénins, mais quelques formes graves invitent à la vigilance.

*D’après un entretien avec le Pr Philippe Camus, CHU de Dijon.

YVONNE EVRARD
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Source : Bilan spécialistes