Stratégie thérapeutique dans le cancer de la prostate

Vers de nouvelles tendances

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Publié le 21/11/2019
Si l’hormonothérapie de nouvelle génération confirme son intérêt dans les cancers de la prostate métastatiques d'emblée et dans les formes non métastatiques résistantes à la castration, le cabazitaxel démontre son efficacité en cas d'échec. Enfin pour la première fois dans le cancer de la prostate, un anti-PARP fait ses preuves en cas de mutation BRCA.
Un bénéfice en survie de l'ordre de 35% avec l'association abiratérone/castration dans les cancers métastatiques d'emblée

Un bénéfice en survie de l'ordre de 35% avec l'association abiratérone/castration dans les cancers métastatiques d'emblée
Crédit photo : Phanie

Le traitement des patients métastatiques dès le diagnostic reste une gageure. Mais on tend à les traiter plus agressivement et les options se multiplient.

Hormonothérapie/castration dans les cancers métastatiques d'emblée  

Depuis 2015, deux standards ont fait leur preuve dans les formes métastatiques d'emblée sensibles à la castration. Les associations à la castration, de la chimiothérapie (docétaxel) en 2015 puis de l'hormonothérapie de nouvelle génération (abiratérone) en 2017, se sont montrées chacune supérieure à la castration avec un gain de survie (1). « Le suivi à plus long terme de ces essais suggère toutefois que le bénéfice en survie de l'option chimio/castration est plus autour de 20 % et celui de l'abiraterone/castration de 35 %. La différence n'est finalement pas surprenante au vu des taux de réponse respectifs de l’abiraterone et du docetaxel, autour de 80-90 % versus 50 %. Cela tend à faire pencher la balance vers l'option hormonothérapie de nouvelle génération/castration, d'autant qu'en 2019 deux autres hormonothérapies de nouvelle génération - l'enzalutamide et l'apalutamide - ont fait à leur tour leur preuve en association à la castration chez ces patients », commente le Pr Karim Fizazi (Institut Gustave Roussy, Villejuif).

Et dans les formes non métastatiques résistantes à la castration ?

Dans les formes non métastatiques ne répondant plus à la castration, mieux vaut adjoindre sans attendre une hormonothérapie de nouvelle génération à la castration. L'an passé, l'enzalutamide et l'apalutamide avaient déjà montré le bénéfice de cette stratégie (2,3). « Cette année une troisième hormonothérapie de nouvelle génération, le darolutamide (4), l'a confirmé avec une tolérance remarquable, possiblement en lien avec le fait que, contrairement aux autres, il ne passe pas la barrière hémato-encéphalique, explique le Pr Fizazi. C'est une avancée importante. L’emploi précoce d’une de ces hormonothérapies de nouvelle génération permet de réduire de 60 à 70 % le risque de métastase ou de décès, avec un gain médian de survie sans métastase autour de 18 mois ». Cette stratégie est désormais d'ailleurs le gold standard dans les recommandations internationales.

Le cabazitaxel en cas d'échec

Dans les formes métastatiques en échec après une hormonothérapie de nouvelle génération et le docétaxel, relancer une chimiothérapie par un autre taxane, le cabazitaxel, fait mieux qu'une seconde hormonothérapie de nouvelle génération. C'est ce qu'est venu montrer tout récemment l'essai CARD avec un triplement des réponses, une plus grande efficacité sur les douleurs et un gain en survie globale de l'ordre de 2,5 mois (5). « Cette étude confirme deux éléments : l’efficacité du cabazitaxel dans ces formes très graves et l’inutilité, sauf situation très particulière, d'utiliser les hormonothérapies de nouvelle génération de façon séquentielle », selon le Pr Fizazi.

Thérapie ciblée : une première dans la prostate

"Une première thérapie ciblée vient de faire ses preuves dans les cancers métastatiques en échec après chimiothérapie et hormonothérapie de nouvelle génération. Un anti PARP, l'olaparib, a montré son efficacité chez les patients porteurs d’anomalies des gènes de réparation de l'ADN, principalement BRCA2, présentes dans environ 10% des cancers prostatiques", explique K Fizazi

L'essai PROfound porte sur près de 387 hommes dont les tumeurs présentaient au moins une altération des gènes de réparation de l'ADN: - gènes BRCA1, BRCA2 ou ATM (cohorte A: 245 pts) ou autres gènes (cohorte B:142 pts). Ces deux sous-groupes ont été randomisés et traités par olaparib ou une hormonothérapie de nouvelle génération non reçue précédemment (abiratérone ou enzalutamide) (6).

Résultats, à 6 mois dans la cohorte A le taux de survie sans progression est de 60% sous olaparib contre 23% sous hormonothérapie. Il est de 28% versus 9% à 1 an. L'analyse des données détaillées de l'ensemble des patients montre que ce sont essentiellement les porteurs de mutation BRCA2 qui en bénéficient. Le gain est de l'ordre de 6 mois de survie sans progression et les données de survie globale vont dans le même sens.

 

D'après un entretien avec le Pr Karim Fizazi (Institut Gustave Roussy, Villejuif)
(1) Fizazi K et al. Lancet Oncol 2019; 20:686-700
(2) M Hussain et al. NEJM 2018; 378:2465-74
(3) Smith MR et al. NEJM 2018; 378:1408-18
(4) Fizazi K et al. NEJM 2019; 380:1235-46
(5) De Wit R et al. NEJM  2019. DOI: 10.1056/NEJMoa1911206  
(6) M Hussain. PROFOUND: Phase 3 study of olaparib versus enzalutamide or abiraterone for metastatic castration-resistant prostate cancer (MCRPC) with homologous recombination repair (HRR) gene alterations. ESMO 2019

Pascale Solere

Source : lequotidiendumedecin.fr