Cancer de la prostate métastatique

Zytiga, une hormonothérapie de nouvelle génération

Publié le 24/10/2011
Article réservé aux abonnés

LE BLOCAGE androgénique (castration chirurgicale ou chimique associée à un antiandrogène) est la pierre angulaire du traitement du cancer de la prostate au stade avancé de la maladie. Malheureusement, inexorablement, le cancer de la prostate progresse très souvent vers une résistance à la castration après quelques mois d’hormonothérapie (durée médiane de 18 mois).

En effet, la cellule cancéreuse prostatique est complètement addicte aux androgènes, elle devient de plus en plus sensible à des taux très bas de testostérone, une sensibilité en partie expliquée par l’augmentation de l’expression des récepteurs aux androgènes ; ainsi, la maladie continue à progresser, ce d’autant que la tumeur sécrète de façon autocrine des androgènes entretenant le cercle vicieux de la progression tumorale.

« La stratégie thérapeutique, comme l’a expliqué le Pr Karim Fizazi (IGR, Villejuif), est de poursuivre la suppression androgénique et d’adapter les traitements à l’évolutivité de la maladie ».

Une activité sur les 3 sites de production des androgènes.

Aujourd’hui, l’arrivée d’un inhibiteur de la biosynthèse des androgènes dans l’arsenal thérapeutique, l’acétate d’abiratérone (Zytiga, laboratoires Janssen) répond à ce cahier des charges. C’est le 1er inhibiteur par voie orale de l’enzyme-clé dans la synthèse des androgènes : la 17 alpha-hydroxylase/C17, 20-lyase, agissant de manière sélective sur la synthèse des 3 sources de production des androgènes au niveau des testicules, des surrénales et de la tumeur elle-même (sécrétion autocrine).

Zytiga (acétate d’abiratérone par voie orale) est indiqué après progression sous docétaxel, chimiothérapie de 1re ligne pour les cancers résistants à la castration. Il se place au même niveau de l’arbre décisionnel thérapeutique que le cabazitaxel (Jevtana, Sanofi-aventis), chimiothérapie inhibitrice des microtubules. Le choix entre ces 2 nouvelles armes thérapeutiques n’est pas encore clairement validé, toutefois, le Pr Karim Fizazi a indiqué que l’indication de l’abiratérone ou du cabazitaxel dépendait de la réponse au traitement de l’hormonothérapie de 1re ligne : « j’ai tendance à privilégier l’abiratérone pour des patients qui ont répondu durant un certain temps à la suppression androgénique, alors que je privilégierai la chimiothérapie pour des patients qui progressent très rapidement malgré la mise en route après 3 à 4 mois de la castration. »

Une amélioration de la médiane de survie globale de 4,6 mois.

L’AMM de Zytiga obtenue le 7 septembre 2011 s’est appuyée sur les résultats de l’étude internationale COU-AA-301, randomisée, contrôlée, multicentrique et en double aveugle, contre placebo, selon un ratio 2 h 1. Mille cent quatre-vingt-quinze patients atteints d’un cancer de la prostate, résistant à la castration et préalablement traités par une ou deux chimiothérapies dont une au moins par docétaxel, ont été inclus. Ils ont reçu soit 1 000 mg/j sous la forme de 4 comprimés/j associés à 10 mg de prednisone/j ou 4 comprimés d’un placebo.

Les résultats sont positifs avec une augmentation significative de la médiane de survie globale (critère principal d’évaluation) après un suivi médian de 20,2 mois, soit 15,8 mois avec l’abiratérone versus 11,2 mois avec le placebo. Le risque de décès est réduit de 26 %.

Les résultats se confirment quel que soit le sous-groupe de patients considéré. Tous les critères secondaires sont en faveur de l’acétate d’abiratérone et sont statistiquement significatifs : le taux de réponse du PSA total (diminution du PSA› 50 %) est significativement plus élevé dans le groupe abiratérone + prednisone (38 % versus 10 %), le temps médian jusqu’à progression de la maladie est également en faveur de l’abiratérone + prednisone (10,2 mois versus 6,6 mois) ainsi que la survie sans progression radiologique.

Un traitement au bon rapport efficacité/tolérance.

Les douleurs secondaires aux métastases osseuses ont été significativement diminuées chez 44,4 % des patients versus 27 % (p=0,002). Le délai d’apparition du 1er événement osseux grave (fractures osseuses pathologiques, compression médullaire, hypercalcémie…) est plus long pour le groupe abiratérone que pour le groupe placebo (301 J versus 150 J ; p< 0,0001) ainsi que le délai de progression de l’intensité de la fatigue (232 J versus 139 J (p=0,0014). Le statut fonctionnel est amélioré de 50 % chez environ la moitié des patients sous abiratérone + prednisone versus 32 % des patients sous placebo.

En termes de tolérance, l’acétate d’abiratérone a induit plus d’effets indésirables (œdèmes périphériques, HTA, et hypokaliémie) liés à son action sur l’axe minéralocorticoïde, que le groupe placebo. Le plus souvent, comme l’a expliqué le Pr Karim Fizazi, « les faibles doses de prednisone compensent généralement ces effets ». Sinon, un simple monitoring du potassium sérique permettra d’intervenir pour compenser un éventuel déficit.

Le suivi biologique comprend également le contrôle des taux des enzymes hépatiques avant et après la mise en route du traitement.

Une étude de phase III est en cours afin d’évaluer la survie globale et la survie sans progression chez des patients asymptomatiques présentant un cancer de la prostate résistant à la castration avant la chimiothérapie. Les résultats sont attendus pour 2012.

D’après une conférence de presse et une communication dans le cadre du congrès ECCO/ESMO.

(1) De Bono J et al. Abiraterone and Increased Survival in Metastatic Prostate Cancer. New Engl J Med 2011 ; 364 : 1995-2005.

 Dr SYLVIE Le GAC

Source : Le Quotidien du Médecin: 9031