Anévrisme de l’aorte abdominale

Avanatages et inconvénients de la réparation endovasculaire

Publié le 08/12/2011
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L’ANÉVRISME DE l’aorte abdominale (AAA) est une pathologie fréquente, qui touche surtout des hommes âgés, fumeurs, avec un risque accru en cas d’antécédents familiaux. Sa principale complication est la rupture, qui entraîne le décès du patient dans 80 % des cas, taux qui demeure autour de 50 % chez ceux ayant pu être pris en charge en milieu hospitalier. Cette mortalité très élevée est à comparer à celle observée à 30 jours après réparation des anévrismes de gros diamètre, qui est de 4,6 % pour la chirurgie et de 1,2 % pour les interventions endovasculaires.

Ces données soulignent l’importance du dépistage et du suivi des anévrismes, dont le risque de rupture est associé de façon exponentielle à leur diamètre. L’évolution naturelle se fait vers une expansion de 2 à 3 mm par an et lorsque le diamètre atteint 55 mm, seuil qui fait indiquer une intervention, le risque annuel de rupture est de 10 %. Il atteint 25 % pour une diamètre de 70 mm et 40 % pour un diamètre de 80 mm. Entre 40 et 55 mm de diamètre, les bénéfices d’une intervention ne sont pas clairement démontrés, mais l’indication de réparation peut être discutée en fonction d’autres paramètres : âge, possibilités opératoires, conditions de surveillance (échographie abdominale difficile, insuffisance rénale gênant la répétition des scanners), du traitement médical et de l’anxiété du patient, le diagnostic d’AAA étant potentiellement très anxiogène. Chez les femmes, le seuil d’intervention est de 52 mm.

Choix de la technique de réparation.

La question se pose alors du choix entre réparation chirurgicale et endovasculaire. « La réparation chirurgicale est une technique éprouvée, qui doit être préférée chaque fois qu’elle est possible chez le sujet jeune, car elle n’implique pas de surveillance contraignante. Elle repose sur la mise en place d’un greffon en Dacron suturé à l’aorte au-dessus de l’anévrisme, et en dessous au niveau iliaque. Dans les centres spécialisés, le risque de décès périopératoire est inférieur à 5 %. Les principales complications à court terme sont le risque d’insuffisance rénale, qui est de l’ordre de 7 % après clampage infrarénal et peut atteindre 30 % lorsque le clampage est suprarénal, et celui de complications pulmonaires, de 25 à 30 % en cas de clampage suprarénal, moitié moindre après clampage infrarénal. A long terme, les complications sont surtout représentées par les faux anévrismes anastomotiques et les hernies », rappelle le Dr Max Amor.

Née il y a une vingtaine d’années, avec une première mondiale en Argentine puis une première européenne en 1991 à Nancy, la réparation endovasculaire des AAA a connu de nombreux développements, liés aux progrès réalisés en matière d’endoprothèses, qui sont constituées d’un squelette métallique recouvert de polytétrafluroroéthylène (PTFE). Les améliorations ont porté sur le profil des endoprothèses, qui a été réduit, sur les procédures de placement et de déploiement, sur la flexibilité et sur la possibilité d’une fixation suprarénale.

Grâce à la réduction progressive du diamètre d’introduction (de 25 F à 14 F dans le futur), la mise en place de la prothèse, initialement par voie fémorale chirurgicale, a pu être réalisée par voie percutanée.

Plusieurs études randomisées ont permis de démontrer que la réparation endovasculaire est associée à une moindre morbi-mortalité à court terme que la réparation chirurgicale : la mortalité à 30 jours est de 1,8 % contre 4,3 % dans l’essai EVAR (1).

Une surveillance contraignante.

Toutefois, ce bénéfice à court terme s’estompe avec le temps, en raison de ruptures de l’endoprothèse et de réinterventions. Un des problèmes posés est celui des endofuites, complication spécifique des endoprothèses, consécutive à la rupture de la couverture et à la persistance de branches artérielles qui vascularisent le sac anévrismal. Des progrès ont certes été faits pour traiter ces endofuites, qui surviennent aux extrémités proximale et distale de la prothèse et aux points de jonction : couverture complémentaire, embolisation.. Mais ils n’ont pas permis de s’affranchir d’une surveillance étroite, par scanner annuel, poursuivie à vie.

De ce fait, la réparation endovasculaire apparaît in fine plus contraignante et plus coûteuse que la chirurgie, même si le développement de la surveillance par échographie de contraste constitue un progrès.

Le choix de la technique doit se faire au cas par cas, au terme d’une discussion multidisciplinaire.

La réparation endovasculaire représente néanmoins une réelle avancée, en particulier chez les patients exclus de la chirurgie. « Elle a par ailleurs révolutionné la prise en charge des anévrismes en prérupture, puisqu’aujourd’hui nous sauvons bon nombre de vies, qui auraient auparavant été perdues compte tenu du délai de réalisation d’une réparation chirurgicale. Il ne faut pas hésiter à adresser en urgence dans un centre spécialisé un patient présentant un syndrome abdominal suspect », insiste le Dr Max Amor.

Malgré ses limites, la réparation endovasculaire ne peut que continuer à se développer, d’autant que d’autres améliorations sont attendues avec les prothèses de troisième génération. Elles offrent de nouveaux systèmes de fixation (avec injection de polymère après introduction et mise en place) et des réductions significatives de profil, ce qui permet de simplifier la mise en place percutanée sans obérer les performances finales.

« L’autre grande évolution est l’avènement d’endoprothèses fenêtrées, qui autorisent l’apposition d’endoprothèses en regard des artères rénales et /ou mésentériques. Ces prothèses ne bougeront que très peu ce qui règlera le problème des migrations. Elles ouvrent des perspectives très prometteuses dans le cadre des anévrismes thoraco-abdominaux. Plusieurs questions restent en suspens, notamment les modalités d’identification des patients à risque de rupture, la méthode de surveillance des patients opérés et le bénéfice à long terme de la technique percutanée », conclut le Dr Amor .

*D’après un entretien avec le Dr Max Amor, clinique Louis-Pasteur, Essey-les-Nancy.

(1) The United Kingdom EVAR Trial Investigators. Endovascular versus open repair of abdominal aortic aneurysm. N Engl J Med 2010;362(20):1863-71.

Dr ISABELLE HOPPENOT
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Source : Bilan spécialistes