Insuffisance tricuspidienne fonctionnelle

Des conséquences cliniques et pronostiques

Publié le 04/06/2021
Actuellement, l’attention sur l’insuffisance tricuspidienne (IT) a changé en raison des implications cliniques et pronostiques d’une IT sévère. Mais quelles sont-elles ?

Crédit photo : d’après Prihaldi, 2019 (1)

L’IT est une valvulopathie plutôt hétérogène qui influence la présentation clinique et le pronostic de beaucoup de cardiopathies. Elle est classifiée selon ses mécanismes sous-jacents : primaire, secondaire et isolée (voir figure). 

Trois catégories d’IT

L’IT primaire, la moins fréquente (8 % à 10 % des IT), est provoquée par une atteinte anatomique de l’appareil valvulaire tricuspide. Par contre, l‘IT secondaire n’est pas liée à une atteinte structurale des feuillets. Elle résulte d’une dilatation de l’anneau tricuspidien provenant d’une augmentation de la charge et du remodelage des cavités droites, conséquence le plus souvent d’une hypertension pulmonaire. Celle-ci provient fréquemment d’une atteinte cardiaque gauche. En l’absence d’hypertension pulmonaire, une IT secondaire peut résulter d’une atteinte directe du ventricule droit (VD), comme dans l’infarctus inférieur du myocarde. L’IT secondaire est qualifiée de « fonctionnelle », comme la troisième catégorie, l’IT isolée. Si l’IT isolée n’est pas liée à une augmentation des pressions dans le VD, elle est fréquemment associée à une fibrillation atriale, à l’origine d’un remodelage atrial (1,2). 

Le rôle fondamental de l’imagerie

L’échocardiographie transthoracique bidimensionnelle joue un rôle central dans l’évaluation de l’étiologie et de la sévérité de l’IT. Dans la pratique courante, elle permet les évaluations de la morphologie de la valve tricuspidienne, de la dilatation de l’anneau tricuspidien, du tenting des feuillets valvaires et de la sévérité de l’IT. Celle-ci est évaluée par le regroupement de plusieurs données qualitatives, semi-quantitatives et quantitatives. Une nouvelle classification des IT en six grades a été proposée par Hahn et Zamorano (3), à partir de la surface de l’orifice régurgitant et du diamètre de la vena contracta : trace, légère, modérée, sévère (respectivement, à partir de 40 mm² et 7 mm), massive et torrentielle.

Les vues de la valve tricuspide obtenues à partir de l’imagerie tridimensionnelle (3D) ont sensiblement augmenté la compréhension de la pathophysiologie de chaque type morphologique d’IT. L’échocardiographie 3D, en particulier transthoracique, permet de visualiser les trois feuillets de la valve tricuspide en même temps que l’appareil sous-valvulaire, et de mesurer avec plus de précision la longueur de l’anneau tricuspidien (4). 

Quel pronostic ?

Dans l’estimation de l’impact pronostique de l’IT secondaire, l’évaluation précise de l’étiologie et de la sévérité de l’atteinte cardiaque gauche est importante. Ainsi, un grand registre a inclus 34 576 patients atteints de rétrécissement valvulaire aortique sévère traités par implantation de valve aortique par cathéter percutané. Il a montré que la sévérité croissante de l’IT préprocédurale était indépendamment liée à des taux plus élevés de mortalité à un an (hazard ratio [HR] : 1,29 ; intervalle de confiance [IC] de 95 % : 1,11 à 1,50) et d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque (HR : 1,27 ; IC à 95 % : 1,04 à 1,54) [5].

Enfin, le pronostic clinique de l’IT isolée a été évalué dans une étude échocardiographique rétrospective comprenant 353 patients (33 % d’hommes). Globalement, au cours d’un suivi médian de près de six ans, 23 % des patients sont décédés. De plus, le taux de survie lors du suivi à dix ans était autour de 63 % (6).

Les patients atteints d’une IT secondaire restent asymptomatiques pendant longtemps. Ensuite, ils peuvent développer une asthénie, une dyspnée, voire des signes manifestes d’insuffisance cardiaque droite. Malheureusement, elle est souvent diagnostiquée très tardivement, avec une atteinte cardiaque hépatique ou rénale très évoluée.

Recourir à la chirurgie

La chirurgie est le seul traitement curatif pour une IT grave. En effet, le traitement médical, principalement avec des diurétiques, a seulement un effet palliatif, en diminuant la rétention hydrosodée. Cependant, la mortalité en cas de chirurgie isolée de la valve tricuspide est encore trop élevée (entre 8 % et 10 %), souvent parce que les patients sont adressés au chirurgien trop tardivement. La chirurgie devrait être une réparation valvulaire dans la mesure du possible, plutôt qu’un remplacement de la valve tricuspide (par bioprothèse). Le traitement par cathéter percutané est en train d’émerger pour les patients à haut risque (7,8).

CHRU de Strasbourg
(1) Prihadi EA et al. JACC Cardiovasc Imaging. mars 2019;12(3):491‑9.
(2) Guérin A et al. Arch Cardiovasc Dis. oct 2019;112(10):642‑51.
(3) Hahn RT et al. Eur Heart J - Cardiovasc Imaging. 1 déc 2017;18(12):1342‑3.
(4) Nguyen TKH et al. Curr Cardiol Rep. 8 août 2020;22(10):108.
(5) McCarthy FH et al. Ann Thorac Surg. avr 2018;105(4):1121‑8.
(6) Topilsky Y et al. JACC Cardiovasc Imaging. déc 2014;7(12):1185‑94.
7. Asmarats L et al. J Am Coll Cardiol. juin 2018;71(25):2935‑56.
8. Goldberg YH et al. Front Cardiovasc Med. 15 févr 2021;8:619558.

Dr Pierre Attali

Source : lequotidiendumedecin.fr