HTA et grossesse

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Publié le 13/11/2020
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L'hypertension artérielle (HTA) de la femme enceinte, qui touche 10 à 15 % des grossesses, est  l’une des premières causes de morbi-mortalité maternelle et fœtale. Les recommandations de la Société française d'HTA (2016) restent insuffisamment suivies.
Des recommandations insuffisamment suivies

Des recommandations insuffisamment suivies
Crédit photo : Phanie

L'HTA lors de la grossesse est définie par une PAS ≥ 140 mm Hg ou PAD ≥ 90 mm Hg.

Entité très hétérogène avec trois tableaux différents : HTA chronique, c'est-à-dire préexistante à la grossesse ou confirmée avant la 20e semaine d'aménorrhée (SA) ; HTA gestationnelle sans protéinurie pathologique (après la 20e SA et normalisée après le 40e jour du post-partum) ; prééclampsie (HTA avec protéinurie pathologique après la 20e SA).

L’HTA gestationnelle est due à un défaut de placentation (anomalie de la perfusion utéroplacentaire). Les facteurs de risque (FDR) en sont le tabagisme, le surpoids, le stress, une grossesse précoce (< 18 ans) ou tardive (> 35 ou 40 ans), la multiparité avec antécédents (ATCD) d’accidents de la grossesse, la procréation médicalement assistée (PMA).

Sévérité de l’HTA gestationnelle : l'HTA légère à modérée est définie par une PAS = 140-159 mm Hg ou PAD = 90-109 mm Hg ; l'HTA sévère par une PAS ≥ 160 mm Hg ou PAD ≥ 110 mm Hg. La prééclampsie est sévère si elle est associée à une HTA sévère ou à une atteinte viscérale (rénale, cardiaque, hépatique/HELLP syndrome, cérébrale).

Signes d’alertes nécessitant une hospitalisation en urgence : douleurs épigastriques en barre (signe d’ischémie hépatique), signes neurologiques (céphalée, troubles visuels, etc.), d’œdème aigu pulmonaire et/ou de prééclampsie sévère.

Continuum du risque cardiovasculaire (CV) et métabolique. L’HTA au cours de la grossesse est un facteur prédictif indépendant du risque d’HTA chronique, d’événement CV et de diabète type 2 à distance de l’accouchement, parfois dès l'année suivante.

Prise en charge multidisciplinaire (médecin traitant, obstétricien, cardiologue, néphrologue, pharmacien, sage femme, psychologue, etc.) et selon le type et la sévérité de l’HTA : mesures hygiénodiététiques, antihypertenseurs « autorisés » à doses progressives pour éviter baisse importante ou rapide de la PA qui compromettrait la croissance fœtale/perfusion placentaire non autorégulée, et hospitalisation en urgence en cas de signes d’alerte.

Les questions à se poser

1- Femme hypertendue : a-t-elle un projet de grossesse ?

2- Femme hypertendue enceinte : quel type d’hypertension ? A-t-elle des FDR CV ? Existe-t-il des signes d’alerte nécessitant une référence hospitalière immédiate ?

3- Femme avec ATCD d’HTA gestationnelle simple ou compliquée : a-t-elle eu un bilan du post-partum du risque CV ? A-t-elle un suivi cardio-neuro- vasculaire régulier en raison d’un surrisque persistant cardiovasculaire et rénal ?

Ce qu'il faut faire

1- Femme hypertendue avec projet de grossesse :

Consultation préconceptionnelle pour préparer la grossesse (prévention active) :

- ATCD obstétricaux et thromboemboliques ;

- Bilan d’HTA : holter tensionnel sur 24h et/ou automesure tensionnelle sur trois jours, recherche d’apnée du sommeil, bilan biologique classique (NFS, VS, iono sanguin créatininémie, glycémie à jeun, protéinurie, bilan hépatique) ;

- Vérifier si l'HTA est liée ou non à la contraception (œstrogènes de synthèse) ;

- Bilan d'autres FDR (obésité, diabète). Attention statines contre-indiquées ;

- Bilan du traitement anti-HTA : substituer les molécules tératogènes pour celles autorisées pendant la grossesse (alphaméthyldopa, labétalol, nicardipine, et nifédipine) et l’allaitement (centre de référence des agents tératogènes : www.crat.fr).

Suivi de la grossesse :

- Suivi coordonné par l’obstétricien et le médecin traitant (surveillance régulière de la PA et de la protéinurie, traitement anti-HTA). Consultation par cardiologue si nécessaire ;

- Maternité grade A-classe 1 ;

- Centres obstétricaux spécialisés si protéinurie et/ou signes d’alerte.

2- Femme hypertendue enceinte

Bilan pour identifier le type d’HTA et sa sévérité. Bilan des ATCD obstétricaux et thromboemboliques. Traitement anti-HTA à ajuster. Informer la femme sur les signes d’alerte. Maternité grade A- classe 1. Suivi régulier.

3- Femme ayant fait une complication sévère maternelle (éclampsie) ou fœtale (mort fœtale, grande prématurité)

Consultation cardio-obstétricale dans les trois mois post-partum. Bilan de thrombophilie à discuter. Suivi psychologique. Évaluation de la balance bénéfice/risque d'une future grossesse suivante après mise au repos pendant un an. Une prescription d’aspirine est à instaurer dès l’échographie de datation à raison de 75 – 160 mg/j jusqu’à 36 SA pour favoriser la bonne placentation.

4- Suivi des femmes ayant eu une HTA au cours de la grossesse (femmes à risque)

Élaboration d’un parcours de soins au long cours (notamment à la ménopause), en raison d’un surrisque persistant cardio-vasculaire et rénal.

Ce qu'il faut retenir

1- Les 3 A du Cœur : Alerter, Anticiper et Agir.

2- Suivi CV au long cours chez ces femmes à risque en raison du continuum du risque CV.

3- Identifier les femmes à risque de complications CV pendant la grossesse dans le dossier médical.

4- Éduquer et accompagner les femmes sur les spécificités hormonales du risque CV.

 

D’après un entretien avec la Pr Claire Mounier–Vehier, chef du service Médecine vasculaire et HTA, CHU de Lille, cofondatrice de « Agir pour le cœur des femmes » 
Recommandations SF HTA 2016, www.sfhta.eu

Dr Isabelle Stroebel

Source : Le Quotidien du médecin